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dimanche 17 mai 2009
Xavier de Roux : « Afghanistan : on gagne rarement contre une guérilla bien organisée »…
Président du groupe France Iran à l’Assemblée Nationale pendant près de dix ans, Xavier de Roux, maire de Chaniers et avocat international, connaît bien la situation générale au Proche-Orient. En France, il fait partie de ceux qui croient que l’Iran offre des perspectives intéressantes aux investisseurs européens.
Seul problème (et de taille), les déclarations sur Israël du président ultraconservateur, Mahmoud Ahmadinejad, ont jeté un froid sérieux sur les relations entre les deux pays.
Xavier de Roux répond à nos questions
Les forces de l’Otan sont engagées depuis plusieurs années en Afghanistan. Quels sont les enjeux de cette intervention qui est mal comprise des Français ?
L’opération militaire conduite en Afghanistan avait pour objet d’appréhender Ben Laden et les auteurs des attentats du 11 septembre.
Le premier effet de l’opération militaire a été de renverser le régime taliban en place à Kaboul et d’y installer l’actuel gouvernement. L’action occidentale devait être non pas simplement militaire, mais également humanitaire et économique. On y a bien construit des hôpitaux, notamment avec l’aide de l’Aga Khan.
Malheureusement, la corruption endémique et le fait que les paysans n’aient pas d’autres débouchés que la culture du pavot ont empêché l’émergence d’un plan cohérent de développement régional. Au milieu de cela, les populations, prises en otage par la guérilla, ont payé un lourd tribut. Une fois de plus, elles sont confrontées à des Occidentaux qui ne sont pas de leur culture, et qui succèdent à d’autres envahisseurs puisque la guerre précédente se déroulait avec les Russes.
Le seul effet a été de repousser les Talibans dans les zones tribales pakistanaises, ce qui se traduit actuellement par un affrontement entre l’armée pakistanaise et les Talibans.
Il est sans doute trop tôt pour dire comment cette affaire se terminera. Si la présence occidentale en Afghanistan ne permet pas, à travers une paix établie, de trouver un développement économique et humanitaire, nous serons à l’évidence face à un nouveau drame.
L’OTAN joue là avec le feu. En effet, son corps expéditionnaire n’est pas suffisamment étoffé pour tenir un pays aussi difficile et dangereux. Or, les opinions publiques ne sont pas prêtes à augmenter les contingents. D’ailleurs, depuis toutes nos expériences de décolonisation, nous savons que l’on gagne rarement contre une guérilla bien organisée et surtout ancrée dans la population. C’est malheureusement la tournure que prennent les événements.
Actuellement, l’opération afghane semble dans une impasse puisque le Pakistan est entraîné dans la guerre et que les troupes de l’Otan n’obtiennent pas les succès escomptés.
Nous assistons actuellement à une déstabilisation du Pakistan, puissance nucléaire, par le mouvement taliban largement instrumentalisé par Ben Laden, alors que de nombreux observateurs attendaient l’Iran. Que se passe-t-il dans cette région du monde où vous venez d’effectuer un déplacement ?
De l'Europe, la grille de lecture des affaires du Moyen-Orient se fait très largement à travers le point de vue ou la propagande israélienne. Il y a effectivement soixante ans que le Proche-Orient est « déstabilisé » par cette dernière tentative de colonisation européenne. Ceci étant, penser qu’il y a un front islamiste qui se heurterait à l’Occident chrétien est un leurre. Le voyage du Pape en est largement la preuve.
L’Afghanistan a effectivement servi de refuge et de base arrière au mouvement de Ben Laden, lui-même inspiré par le wahhabisme saoudien. C’est cette rencontre frontale avec les Etats-Unis qui entraîna le drame du 11 septembre. N’oublions pas que les Etats-Unis avaient cru intelligent de se servir de l’islam wahhabite contre le matérialisme marxiste de l’Union Soviétique. C’est ainsi que les services spéciaux pakistanais ont soutenu la guérilla afghane pachtoune contre les Russes alors que les Iraniens étaient plutôt derrière le commandant Massoud qui était lui-même tadjik.
Les Etats-Unis ont également appuyé des mouvements musulmans en Bosnie et au Kosovo, c’était la mode ! Seulement l’islam n’a pas besoin des Etats-Unis et très vite, la politique américaine au Proche-Orient, largement inspirée par Israël, a conduit à un affrontement majeur, la guerre d’Irak.
C’est un paradoxe puisque Saddam Hussein venait du parti baas, le parti socialiste laïc, qui a également le pouvoir en Syrie. Or, l’Irak était la force militaire la plus importante du monde arabe. C’est pour cette raison que les USA l’avaient lancée contre l’Iran pendant la guerre de huit ans qui s’acheva par une victoire iranienne.
Encore une fois, on attendait l’Iran sur le front nucléaire et l’on trouve le Pakistan qui, lui, possède un armement atomique complet et opérationnel : si ce pays vient à tomber aux mains des Talibans, il peut devenir le leader du monde musulman.
Actuellement, où sont les intérêts de l’Iran puisqu’il ne possède pas encore l’arme atomique ?
L’Iran, comme le Pakistan et la Turquie, sont aujourd’hui les trois grandes puissances du Proche Orient. Aucun de ces trois pays n’est arabe. L’Iran a une particularité, c’est le seul grand état chiite dans le mode musulman. Or, les Chiites semblaient condamnés à être les éternels minoritaires.
La posture prise le gouvernement iranien dans l’affaire libanaise et palestinienne, en aidant le Hezbollah et le Hamas, lui a donné une aura considérable dans le monde musulman. L’Iran a obtenu une sorte de leadership à travers une reconnaissance populaire, des rives du Maghreb aux confins de l’Inde.
Effectivement, l’Iran a prêté main forte au Hezbollah libanais et soutenu le Hamas alors que les états arabes restaient plutôt discrets dans cette affaire. La popularité du régime iranien dans le monde arabe découle directement de cet engagement. C’est un extraordinaire paradoxe puisque l’Iran n’est ni arabe, ni sunnite, si bien que dans la situation actuelle, Israël a besoin d’une prétendue menace iranienne pour continuer sa politique militaire tandis que l’Iran a besoin d’un conflit avec Israël, même virtuel, pour conserver sa position.
Nous en arrivons aux affaires du Pakistan qui peuvent complètement renverser la donne. Le Pakistan, en effet, compte 170 millions d’habitants et c’est une vraie puissance militaire. Des tensions existent avec l’Iran, notamment dans la région du Balochistan et pour l’Iran, l’Afghanistan est un phénomène déstabilisant.
N’oublions pas que les USA ont empêché l’Iran d’intervenir en Afghanistan après le massacre de la mission consulaire iranienne à Hérat et que la drogue afghane inonde notamment les marchés iraniens, situation qui irrite considérablement les autorités.
Aujourd’hui, on observe une amélioration des relations entre les Etats-Unis et l’Iran qui reste sous embargo. Que va faire la France ?
Le gouvernement Obama a parfaitement compris que géopolitiquement, la seule grande puissance locale capable d’apporter une certaine stabilité dans la région est l’Iran. C’est d’abord sa situation géographique et ensuite son histoire. Certes, l’actuel président iranien apparaît comme un véritable repoussoir et ses déclarations, notamment à Genève, ont été très mal perçues, y compris dans l’opinion iranienne.
De nouvelles élections ont lieu le 12 juin prochain. Il est extrêmement difficile de savoir qui l’emportera des utopistes au pouvoir ou des réalistes qui veulent mettre fin à l’embargo économique et rejoindre le concert des nations.
Il se passe en Iran une partie politique compliquée et la nouvelle administration américaine semble en avoir pris toute la mesure. La diplomatie française est plutôt moins réactive que celles de USA et de l’Allemagne, car plus dépendante de la vision israélienne de la région. Mais il est évident que la diplomatie occidentale, Europe et USA, est en train d’avoir un nouveau regard sur les conflits qui menacent la paix du monde depuis si longtemps. Les observateurs pensent qu’un changement global d’attitude est possible.
Quels intérêts économiques présente l’Iran pour la France ?
L’Iran est un pays grand comme trois fois la France et peuplé de 71 millions d’habitants. Il est potentiellement le deuxième producteur mondial de gaz, c’est donc une source alternative à la production russe, et le quatrième producteur mondial de pétrole. Le pays contrôle le détroit d’Ormuz au sud et la Caspienne au nord. Les pipelines passent nécessairement sur son territoire.
Il bénéficie en outre de productions agricoles, minières et industrielles diversifiées. C’est donc un grand partenaire économique et l’un des marchés émergents qui attirent les investisseurs internationaux. Ainsi, les voitures fabriquées en Iran sont principalement de marques Renault, Peugeot et Citroën et le groupe Total est probablement la société étrangère la plus importante dans ce pays.
L'info en plus :
Wahhabisme : doctrine de l’islam fondamental saoudien
Tadjiks : habitants de la partie Nord de l’Afghanistan
Pachtounes : Peuple du Sud Est de l’Afghanistan
Hezbollah : mouvement chiite libanais
Hamas : mouvement palestinien extrémiste
Balochistan : provinces de l’Est de l’Iran
Photo 1 : Xavier de Roux
Photo 2 : Avocat international, Xavier de Roux a fait une carrière politique en Charente Maritime (ici avec des élus de la région de Saintes dont l'ancien ministre de l'Intérieur de François Mitterrand, Philippe Marchand)
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