vendredi 21 décembre 2007

La truffe : tout un art pour chercher la “précieuse”...


Savez-vous chercher des truffes ? Rencontre en Dordogne avec Lucien, que la truffe passionne depuis des années...

Quand il cherche ses truffes, Lucien est un homme libre. En Dordogne, elles poussent à l'état sauvage depuis des siècles et sur le plateau calcaire, les petites boules noires au parfum subtil sont nombreuses.
Avec ses deux chiennes, le voilà parti. L'habit est sobre : veste, pantalon ample, bottes et surtout "musette" où seront abritées les délicates trouvailles.
Les chiennes ont compris. Elles partent en randonnée truffière et sont tout excitées. Dès leur naissance, ces fox-terriers ont reçu une initiation particulière. Les mamelles de leur mère ont d'abord été badigeonnées avec de l'huile de truffe « pour les habituer », puis du jus - de truffe évidemment - a été mélangé à leur nourriture. Ainsi habituées à cette odeur caractéristique, elles dénichent sans difficulté le fameux champignon grâce à leur flair redoutable.
« Cherche, Betty » scande Lucien à la plus jeune. La quête commence avec Victoire, aussi affairée que sa camarade.
Dans les taillis, la neige a abandonné des lambeaux ouateux et cette soudaine blancheur les intrigue. Elles batifolent un moment. Lucien ne l'entend pas de cette oreille et les rappelle à l'ordre. Pas question de chasser les poules, ni de japper ou encore de lever les lièvres : elles doivent trouver le tubercule ! Il est présent sur la colline, renommée pour abriter les tuber melanosporum, autrement dit "la fine fleur" des gastronomes.
Bientôt, Betty s'excite. Elle gratte la terre avec vigueur et ses pattes projettent de minuscules graviers. Attentif, Lucien l'arrête quand la truffe apparaît. Il montre sa découverte ou, du moins, faut-il la deviner car les plus petites ressemblent à de sombres cailloux. Rapide, l'homme l'extrait du sol avec son couteau, l'enlevant ainsi à l'appétit. des chiens qui l'auraient bien croquée.

La précieuse...

Dans la main d’un enfant, la "précieuse" a l'air d'un fragment de météorite. La question qui traverse l'esprit tient à la ferveur qu'elle suscite : pourquoi cette chose noire est-elle aussi prisée ? Il suffit tout simplement de la sentir et surtout de la goûter.
Sur le terrain, les chiennes s'activent. L'opiniâtreté avec laquelle elles parcourent le terrain, flairent, fouillent, plantent leurs griffes égale la fièvre des chercheurs d'or ! Elles n'ont pas de répit !
S'il les fâche parfois, Lucien récompense ses "filles" à chaque bonne action. Elles reçoivent un morceau de fromage ou de saucisson. On est loin du pain sec donné dans l'Italie du Nord où croît la fameuse truffe blanche, appelée tuber magnatum.
Pendant plusieurs heures, l'homme arpente les lieux et la cueillette est assez prometteuse. Les endroits les plus propices sont situés près des arbres. On dit alors que la végétation y est brûlée car l'herbe n'y pousse plus.
Si Lucien utilise nos amis à quatre pattes, on peut également confier cette tâche à une truie, comme le fait l'un de ses voisins. La bête n'a qu'un seul inconvénient : elle est un peu volumineuse à transporter et difficile à maîtriser. On peut également se fier à une mouche qui indique les truffes. Toutefois, il faut avoir l'œil averti : elle n’évacue pas la terre !
Vers 13 h, l’homme plie bagage et rappelle ses favorites. Ses truffes, il va leur faire honneur ! Les autres se vendront sur les marchés. Elles apparaîtront sur les tables des grands restaurants, pour le plus grand délice des connaisseurs...

Anecdote : on raconte qu’un certain chef d’État, qui avait reçu des truffes en cadeau, les avait confondues « avec une extraordinaire pomme de terre malheureusement gâtée durant le voyage »…

Une production nationale de vingt tonnes...

La truffe vit sous terre et ses fructifications mûrissent l'hiver à la base des chênes pubescents. Produit recherché, elle a une histoire. Au XIXème siècle, elle florissait en France avec un record de 1 600 tonnes en 1868. À cette époque, les agriculteurs possédaient leurs vignes et leurs truffières leur garantissaient un revenu confortable.
Aujourd’hui, le contexte a changé et quand on approche les 20 tonnes, la joie rayonne. Pendant ce temps-là, les Chinois sont en train d'envahir le marché européen avec leur propre production (ils possèdent leur truffe, dite tuber incidum !).
Pour la F.F.T (Fédération Française des Trufficulteurs), il faudrait doubler les surfaces plantées en arbres truffiers - actuellement de 10 000 hectares - pour améliorer la situation. Toutefois, la Commission européenne ne semble pas intéressée puisque l'octroi d'une prime spécifique à la plantation a été écartée.

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