Pierre Ratier, premier sous-préfet de Jonzac
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Visite de la sous-préfecture organisée pour les Journées du Patrimoine |
Historique présenté par le regretté Jean-Claude Arrivé (historien et conseiller municipal de Jonzac, il nous a quittés en 2020)
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| Partie du château occupée par la sous-préfecture qui a ouvert ses portes au public les 21 et 22 septembre |
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Création de la sous-préfecture
Quand les audiences du tribunal se tenaient... au presbytère
Après la création de la Charente-Inférieure réunissant les deux anciennes provinces de l'Aunis et de la Saintonge, le décret de Mars 1790 divise le nouveau département en sept districts. Les centres administratifs désignés sont Saintes, La Rochelle, Saint Jean d'Angély Rochefort, Marennes, Pons et Montlieu. Un nouveau décret du 23 Août de la même année désigne les villes où doivent siéger les tribunaux des districts. Les mêmes centres sont cités à l'exception de Montlieu où le tribunal est porté à Montguyon.
Il faut attendre dix ans pour que le Consulat, par le décret du 17 février 1800, érige Jonzac en sous-préfecture en raison de sa position centrale dans l'arrondissement. Cette décision implique la création d'un tribunal d'arrondissement.
Le siège de la nouvelle administration n'est pas encore bien connu quand intervient, deux mois plus tard, le 11 Germinal de l'an VIII (1er avril 1800), la nomination du premier sous-préfet de l'histoire de la cité. Il s'agit de Pierre Ratier dit Ratier de Montguyon. Originaire de Cercoux, avocat à Saintes, il s'est engagé en politique avant sa nomination au poste de sous-préfet. Il a été l'un des rédacteurs des cahiers de doléances de la sénéchaussée de Saintonge avant d'être élu député du Tiers aux Etats Généraux. Il représente la Charente-Inférieure à l'Assemblée Nationale de 1809 à 1815.
La ville de Jonzac devenue siège de la sous-préfecture, il faut trouver rapidement un logement provisoire au sous-préfet ; les locaux de l'ancienne maison curiale, rue Saint-Gervais, servent à cet effet. Ce bâtiment est une maison peu confortable que le malheureux Simon-Pierre de Ribeyreys, ancien prieur de Jonzac, avait fait rebâtir pour se loger. Victime de la vindicte révolutionnaire, l'ecclésiastique mourut sur l'échafaud en 1794. Ses biens furent confisqués et gérés par la municipalité provisoire qui venait d'être mise en place (délibération du conseil municipal du 9 thermidor de l'an II, 27 Juillet 1794).
Le logement est situé à l'emplacement de l'actuel presbytère reconstruit en 1870 sous la municipalité conduite par Georges Coindreau.
Le successeur de Ratier de Montguyon est Jean-Baptiste Thénard-Dumousseau nommé le 17 décembre 1803. Né à Montguyon, fils d'un juge sénéchal de la baronnie de Montlieu, il a été élu représentant de Montguyon au Conseil départemental, puis président du Canton. Après Thermidor, il devient membre du conseil des Cinq Cents et siège à la commission de la justice. Il se distingue en participant activement à la commission chargée de l'élaboration du Code civil.
A son arrivée à Jonzac, il fait l'amer constat que, dans l'arrondissement, tous les services de l'administration restent à mettre en place. L'un des premiers rapports effectués au préfet du Département, le premier jour complémentaire de l'an 13 (1805) souligne les efforts que devrait déployer l'administration préfectorale pour l'organisation des services de l'Etat.
Thénard-Dumousseau déplore l'absence de locaux pour l'organisation des audiences du tribunal qui se tiennent à titre provisoire dans une partie du presbytère - décidément très fréquenté -, situé rue Saint-Gervais. Il estime que « le local ne convient pas, ni à la nature, ni à la dignité de la fonction » mais, optimiste, il rappelle qu'un plan a été tracé et des devis arrêtés « pour construire un prétoire dans l'église de l'ancienne communauté des Carmes ». C'est ainsi que le tribunal de l'arrondissement est déplacé dans la chapelle des Carmes en1806 (manuscrit sur l'histoire des Carmes rédigé en 1971 par Guy de Bois-Juzan, ancien juge).
La Maison d'arrêt de l'arrondissement est située également dans une partie de l'ancienne communauté des Carmes appartenant à la ville de Jonzac. Selon lui, « elle réunit la sûreté et la salubrité ! ». Il est moins prononcé concernant les autres cantons de l'arrondissement. Une maison de dépôt devait se tenir près de chaque justice de paix, mais il n'en existait pas à Saint-Genis, Archiac et Montguyon. A Mirambeau, la prison appartenait à la commune, elle avait besoin de réparations considérables que la municipalité était « dans l'impuissance de faire à cause de l'insuffisance de son revenu ». Il signale que dans ce lieu, plusieurs évasions de prisonniers se sont produites et qu'il y a urgence à entreprendre des réparations. A Montendre, une chambre de dépôts se tient dans les bâtiments de l'hospice servant au casernement de la gendarmerie.
Thénard-Dumousseau est beaucoup plus exigeant sur la gestion des communes de son territoire. Il pense que la plupart des maires pourraient être accusés de négligence en ne cherchant pas de ressources suffisantes pour « l'entretien des chemins vicinaux et la défense des ponts ». Plus grave encore, il déplore l'absence de dynamisme - et peut-être de compétence - du premier magistrat des différentes municipalités. Il remarque que « les maires portent en général peu de zèle dans l'exercice de leur fonction » et rappelle qu'il a déjà eu « l'occasion de présenter au premier magistrat du Département, la nécessité d'une réforme dans cette partie de l'administration ».
Il est un fidèle serviteur de l'Empereur Napoléon ler en demeurant à son poste de 1803 jusqu'à sa démission en 1813 pour raison de santé. Il en profite pour demander une pension à l'Etat et accepte de représenter Jonzac à la Chambre des Cent jours. Au retour de Louis XVIII, il reprend ses fonctions de sous-préfet le 8 Octobre 1815, mais les royalistes déclenchent une véritable opposition qui le conduit à la démission. Il est élu conseiller général de Jonzac trois ans plus tard. Sa fille épouse en 1813 Jacques Julien Blancfontenille, maire de Jonzac de 1813 à 1848.
Il est à noter que la municipalité de Jonzac, à l'image des autres municipalités de l'arrondissement, manifeste à plusieurs reprises une certaine indépendance à l'égard de la Préfecture implantée à La Rochelle. Pour des raisons liées à leur éloignement géographique, mais aussi à cause des liens historiques unissant le sud de la Saintonge à Bordeaux, une majorité de communes souhaitent le rattachement de l'arrondissement de Jonzac au département de la Gironde.
C'est ainsi que lors des changements de régime, et au moins à trois reprises au cours du XIXème siècle, les conseillers municipaux jonzacais souhaitent le transfert de la Préfecture de La Rochelle à Saintes, lieu plus central géographiquement pour les habitants du sud du département.
En mars 1815, ils votent une motion en ce sens, quelques mois après le retour de Louis XVIII au pouvoir. En 1831, après l'arrivée de Louis-Philippe aux affaires, lors de la séance publique du conseil municipal du 15 Novembre, les élus de Jonzac donnent à nouveau un avis favorable « à un rattachement de l'arrondissement de Jonzac au département de la Gironde, mais si la Préfecture était ramenée dans la ville de Saintes, ils accepteraient de demeurer au sein du département de la Charente-Inférieure ».
Une autre tentative allant dans ce sens est ratifiée par les élus jonzacais le 8 Mai 1852, après la prise de pouvoir du Prince-Président, le futur Napoléon III. Aucune de ces demandes n'est suivie d'effet, les élus du sud ne sont pas entendus.
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Le château de Jonzac. Sur cette photo d'archives, le châtelet est en travaux (@ N. Bertin) |
Installation de la sous-préfecture au château de Jonzac
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L'entrée des bureaux de la sous-préfecture |
Dès l'acquisition du château en 1818, les frères Gautret s'empressent de louer une partie de l'aile nord pour y loger la sous-préfecture (emplacement actuel de la salle des fêtes). Il est vraisemblable que ces locaux devaient être d'une grande vétusté.
En 1841, Jacques Blancfontemille, maire de Jonzac, rachète aux frères Gautret pour le compte de la ville, « le donjon du château et l'aile droite jusque et y compris la tour de l'horloge » avec sans doute le secret espoir que l'administration préfectorale ne quitte pas le château. L'importance des bâtiments et la nécessité de procéder à des travaux considérables peuvent expliquer la volonté des anciens propriétaires de se séparer d'une partie des biens.
De leur côté, les élus du Conseil Général souhaitent que l'administration préfectorale soit mieux logée à Jonzac car elle représente l'Etat dans l'arrondissement. A l'époque, la construction d'une nouvelle gendarmerie (actuelle médiathèque de la Communauté de Communes de Haute-Saintonge) est engagée près du Cloître des Carmes, transformé en prison depuis le Premier Empire. Ce bâtiment d'une grande dimension pourrait recevoir d'autres administrations. Les élus du département adhérent à l'idée de transporter la sous-préfecture en ce lieu. Pendant ce temps, le conseil municipal de Jonzac, pressentant avec juste raison, que les moyens de la ville ne permettront pas d'acquérir la totalité du château, dont elle n'aurait pas l'usage, formule le vœu que « l'hôtel de la sous-préfecture s'installe définitivement au château par l'acquisition de son aile gauche par le Département ».
Dès cet instant, une partie de bras de fer s'engage entre le maire Jacques Blancfontenille et le Préfet de la Charente Inférieure, ce dernier souhaitant que la ville cède gratuitement au Département une partie des bâtiments qu'elle vient d'acquérir pour y aménager les locaux de l'hôtel de ville. Après quatre années d'intenses négociations, un accord intervient en 1847 par lequel le département de la Charente Inférieure s'engage à acquérir une partie du donjon, la partie sud (côté place du château) et l'aile du levant, côté prairie. Une grange située approximativement sur l'emplacement de l'actuel monument aux morts, les jardins qui formaient la terrasse haute, fermés par une clôture et un portail sont inclus dans l'accord de vente ainsi que les jardins en bas de la falaise, appelés terrasse basse. Ces derniers étaient reliés à la terrasse haute par un escalier fermé à ce jour (l'emplacement apparaît encore aujourd'hui).
En 1887, la ville de Jonzac rachète la terrasse haute au département « pour donner satisfaction aux habitants et créer une sorte de balcon sur la vallée, d'où ils pourraient jouir de la vue magnifique qu'elle offre ». Plus tard, la clôture et le portail sont démolis. En 1920, la ville de Jonzac fait édifier, à l'angle de la parcelle, le monuments aux morts en souvenir des victimes de la Grande Guerre.
Ainsi depuis 1847, l'administration préfectorale est localisée dans les lieux que nous connaissons aujourd'hui. Un mur d'enceinte séparant la propriété du Département de celle de la ville de Jonzac est édifiée en 1855 dans l'ancienne cour du château (séance du conseil municipal du 24 février 1855). Sous le Second Empire et la Illème République, de gros travaux sont entrepris pour rendre fonctionnels les locaux de l'administration et le logement des sous-préfets.
• Pierre Léger Ratier, dit Ratier de Montguyon, fut le premier sous-préfet de Jonzac. Il était parent de Jeanne Guilhier, seconde épouse de Jean Gautret.
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Le rez de chaussée de la sous-préfecture abrite des éléments de l'ancien château dont une fontaine Renaissance, un puits, un four à pain, etc |
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Photos Nicole Bertin |