vendredi 24 juillet 2015

Lisier, fumier, paille, pneus :
les agriculteurs en colère
au Centre Leclerc de Jonzac
L'enseigne fermée vendredi après-midi

Après avoir bloqué le pont de l'Ile d'Oléron durant deux jours, les agriculteurs ont manifesté leur mécontentement vendredi vers 11 h 30 au centre Leclerc de Jonzac. Ils ont bloqué l'accès aux pompes à essence avant de déverser du lisier sur les baies d'entrée, répandu du fumier et de la paille, malmené les caddies et apostrophé les hôtesses de caisses. Dans le magasin, c'est le consternation et le directeur, Etienne Joyau, s'est vu dans l'obligation de mettre son personnel au chômage technique vendredi après-midi avec l'espoir de rouvrir samedi matin.

Projection de lisier sur les baies vitrées du magasin (photo Danièle Harispe-Lehmann)


C'est, paraît-il, la phrase malencontreuse d'un directeur de Leclerc (hors Charente-Maritime) qui aurait mis le feu aux poudres : « nous pouvons fonctionner sans la viande française » aurait lâché cet homme qui aurait dû tourner sept fois sa langue dans sa bouche, selon la bonne vieille formule.
Toujours est-il qu'après la centrale d'achat de Ruffec, les Centres Leclerc de Jonzac et de Marennes ont subi les foudres d'agriculteurs remontés qui ont utilisé des méthodes maintenant rodées pour jeter la perturbation.

De la paille devant les caddies
Tas de fumier, des pneus...
A Jonzac, ils sont arrivés en fin de matinée, bien outillés avec force lisier, fumier, bottes de paille, pneus et autres matières qu'ils ont déversés sur le parking de la grande enseigne. Les baies d'entrée, jusqu'au toit, ont été littéralement peintes en lisier, ce qui leur a donné une couleur peu recommandable assortie d'une odeur très "attachante". Des bottes ont été déposées à l'entrée principale afin d'empêcher les voitures de pénétrer.
Dans le magasin, plusieurs agriculteurs se sont dirigés vers le rayon boucherie pour examiner l'origine des viandes.  « En ce qui concerne la boucherie traditionnelle, nous travaillons avec des producteurs de la région. Nos viandes sont françaises, ils l'ont constaté » déclare Etienne Joyau. Il ajoute que cette traçabilité est l'une des priorités du Centre Leclerc de Jonzac.

Après s'être arrêté au rayon du lait, le groupe s'est ensuite rendu vers les caisses dont il a voulu "chasser" les hôtesses pour laisser passer les clients. Certains sont d'ailleurs partis sans payer tandis que d'autres ont pris la défense du Leclerc, critiquant des agissements quasi "révolutionnaires".  « J'ai constaté que de nombreuses personnes ont pris notre défense. Cela nous a réconfortés car nous étions seuls face à des gens mal intentionnés à notre égard ». Une jeune fille de 18 ans, en poste pour les vacances, n'est pas près d'oublier la façon dont elle a été agressée par des femmes, tout aussi remontées que les homologues masculins. La tension montant vitesse grand V, les clients ont pu quitter les lieux par le côté drive.

A la station essence, le responsable de la caisse a été très choqué. A un moment donné, en effet, il aurait été question d'y mettre le feu. Ce qui paraît à peine croyable...

Les agriculteurs sont repartis aux environs de 13 h, laissant l'environnement immédiat du Centre Leclerc dans un état lamentable. « Conséquence, mon personnel est au chômage technique pour une demi-journée. J'espère que nous pourrons rouvrir demain » souligne le directeur qui s'est senti désarmé face aux intrus. « Le matin même, la sous-préfecture m'avait prévenu que nous allions recevoir de la visite. J'étais loin d'imaginer une telle déferlante. Nous ne sommes pas responsables des politiques agricoles menées. D'ailleurs, d'après le récent rapport remis au médiateur, les Centres Leclerc et Intermarché sont les enseignes qui soutiennent le plus les cours du marché ». 

Grand nettoyage au karcher 

Vendredi après-midi, le parking du Leclerc a donc fait l'objet d'un grand nettoyage, tant par des sociétés privées que les services techniques de la ville venus donner un coup de main. La tâche principale était de laver le bitume entièrement recouvert de lisier. Un rare client poussant son caddie s'était aventuré dans ce marigot (alors que le magasin était fermé). « Voilà où conduit la détresse quand on n'arrive pas à se faire entendre » disait-il compréhensif, se souciant guère d'avoir les pieds dans une substance malodorante.
Chacun s'activait pour enlever la paille et déblayer les dizaines de tas sur le sol. Une scène de guerre totalement inhabituelle à Jonzac ou le monde paysan se fait entendre, mais sans jamais atteindre ce stade de débordements. « Il va falloir tout passer au karcher » expliquait Etienne Joyau, encore sous le choc. Les salariés ont eu peur. Fort heureusement, aucune violence physique n'est à déplorer. Seul un employé prenant des photos a vu son appareil cassé.
« Pourquoi nous ? » s'interroge Etienne Joyau... quand Intermarché, Liddle ou Leader Price n'ont subi action de ce type. C'est effectivement la bonne question. Face à ces actes qui ont entraîné un préjudice important qui n'est pas encore chiffré, la direction de la grande enseigne va déposer plainte.

Les agriculteurs, quant à eux, expriment un malaise général lié à une situation qui devient insoutenable puisque certains d'entre eux ne peuvent plus vivre de leur travail. Ils demandent en particulier une réévaluation des prix d'achat « pour ne pas travailler à perte ». Il est évident que si un médiateur avait été présent ce matin au Leclerc de Jonzac pour discuter avec les agriculteurs avant leur offensive "lisier", le ton général aurait été différent.
Tous ces mouvements de colère en plein été ne sont pas bon signe et annoncent une rentrée difficile. Heureusement, François Hollande ne prendra pas de vacances.

Tout passer au karcher...
Christian Balout, maire adjoint, Etienne Joyau, directeur du Leclerc, le lieutenant Carré, les forces de l'ordre vendredi après-midi

Opérations de nettoyage

Au milieu du lisier...

Le responsable des services techniques de la ville, le lieutenant Carré, Etienne Joyau 

La station essence en piteux état... 
L'entrée, ostruée par des bottes de paille (photos © Nicole Bertin)
N.B.

POINT DE VUE : De plus en plus, les consommateurs recherchent les produits du terroir. Or, les législations font qu'aujourd'hui l'agriculture est soumise à un véritable diktat et à la loi du marché qui fixe les cours. Entre un grand céréalier qui ne rencontre aucun problème (et qui pourtant pollue les sols avec des pecticides) et un petit éleveur, existe un monde ! Il y a beaucoup à faire pour rétablir les équilibres (pourquoi les produits allemands ou espagnols sont-ils moins cher que les français ?), permettre à toute la profession agricole de vivre dignement (surtout qu'elle ne ménage pas sa peine), réduire la malbouffe qui génère des maladies (dont des cancers) et coûte cher à la sécu. 
Plusieurs grandes surfaces proposent désormais des productions locales dans leurs rayons (légumes, viandes, spiritueux, etc). 
En fait, les choses changeront vraiment quand les clients eux-mêmes se rebelleront contre ce qu'on cherche à leur faire avaler...

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Cela fait plusieurs dizaines d'années que les enseignes de grande distribution ont eux mêmes créer cette situation En faisant du dumping ils ont fait fermer les magasins qui vendaient du local, les petits magasins les stations services ont du fermer car Leclerc entre autres pratiquait le prix coutant. Ils ont préféré créer des grandes bases logistiques approvisionnées par des produits venant du monde entier. Les circuits d’achat et de distribution locaux ont été annihilés par leur volonté de faire plier et d'imposer leurs prix aux petits producteurs. Pourquoi Leclerc a t'il été condamné a rembourser ses fournisseurs. Interrogez donc les directeurs commerciaux grands comptes de diverses sociétés. Vous serez surement surprise pas leurs allégations. Ils ont semés le vent, il récolte la tempête et je pense que ce n'est pas fini.

Anonyme a dit…

il est facile de denoncer des actions telle que celle ci alors que les grande enseigne tue a petit feu tous les petits commerçanst et producteurs autour deux tous ça en annonçant haut et fort que pour les aider ils mettent des rayons a leur dispositions qui ne feront que leur rapporter que plus d argent (ou l on repressante de gros producteur local qui n ont pas vraiment de difficulter a vivre car un rendement assez elever qui ne favorise pas la qualiter au passage).
deplus je pense qu il faudrait aussi donner le moyen au consomateur de pouvoir acheter des produit francais qui sont toujours a des prix plus elever pour mon cas j aimerai bien etre un tres bon citoyen et favoriser mon pays mais il faut bien admettre que si je paye ( des impots)pour que mon pays puisse vivre ( surtout nos dirigeants)je fais comme beaucoup d autre je suis obliger de respecter un budget assez serre pour m habiller,manger et me deplacer et c sans parler des produit d entretien pour tous ca je regarde plutot le rapport qualiter prix la provence n est qu une option sans importance
pour c raison et encore plein d autre tout les action de nos agriculteur ne devrait etre que l avertissement de ce que tout les petits francais on envie de faire
alors JE VOUS SOUTIENT NOS AMIS AGRICULTEURS ET SOUHETAIS QUE TOUS LES ARTISANTS ET PETITS COMERCANTS SE JOINGNENT A VOUS ET PEUT ETRE QUE L ETAT CONPRENDRAIS QUE SANS LA BASE LA PYRAMIDE S ECROULE

Anonyme a dit…

PAR EXEMPLE, POURQUOI la viande Allemande est-elle moins chère ?
PARCE QUE en Allemagne, on emploie des salariés venus des pays de l'Est de l'Europe, payés beaucoup moins cher ! Il n'est pas question de critiquer ces salariés là qui ont besoin de vivre également, mais le SYSTEME EUROPEEN aberrant qui fait que l'Europe pratique son propre HARA-KIRI industriel , agricole, et commercial !

ET CE, dès l'origine, dès Maastricht ! QUI se souvient, lors de certaines réunions publiques locales,de ces valeureux élus locaux,qui certainement n'avaient pas lu une seule ligne du texte du traité,et étaient là pour la parade,du haut de leur tribune fleurie, prochaines élections obligent, et qui étaient incapables de répondre aux questions du public présent, concernant par exemple la nature NON DEMOCRATIQUE de la COMMISSION EUROPEENNE ?

DEPUIS LONGTEMPS,LES PRODUCTEURS auraient du s'organiser pour vendre directement sans intermédiaires. Pas facile pour certains produits, mais il aurait fallu y réfléchir.

ENFIN, en toute objectivité, il faut rappeler que depuis toujours, bizarrement,le monde agricole vote MAJORITAIREMENT pour le système politique dont il est victime !

Anonyme a dit…

bonjour je suis boucher en grande surface arretons svp de dire des conneries je commandes ma viandes bovine chez un producteur de la region je commandes mon veau en bretagne qui est un veau 100% francais aussi l agneau poitou charente le porc label druide 100% francais ouvrez les yeux svp il faut compter la casse (qui peu etre du vol ,du perimé ,une barquette abandonner dans un autre rayon), le degraissage(les gens ne veulent plus de gras) , le desossage (personne ne mange d 'os )sauf que le boucher le paye tout sa !bien sur pas le meme prix qu il le vend encore heureux ! il faut aussi compter le salaire les charges etc..je pense que les premiers responsable se sont nous autres consomateur qui en voulont toujours plus pour moins chere

Jean Marie Bourry a dit…

Un directeur d’un super marché peut toujours exciper de sa bonne foi, mais il ne peut oublier que des négociations commerciales impitoyables sont effectuées, à son profit, par des centrales d’achat dont les personnels sont formés pour être sans état d’âme et pour toujours pressurer un peu plus des producteurs qui n’ont plus, aujourd’hui, d’autres débouchés. Aggravé par une concurrence sauvage intra-européenne, le constat est sans appel d’une compression et d’un étranglement d’un côté au profit d’une grande distribution qui n’a plus de concurrents ni de limites, si ce n’est celles que les pouvoirs publics pourraient lui imposer. La contractualisation évoquée a déjà échoué et le courage politique de nos gouvernants risque encore une fois de manquer face à une grande distribution qui ne manquerait pas d’invoquer encore une fois le chantage à l’emploi.
Mais le pire pour nos agriculteurs est encore à venir avec le traité transatlantique en cours de finalisation entre l’Europe et les USA, qui est négocié secrètement depuis plusieurs années, et dont le président Hollande se garde bien de parler tant il est antinomique avec les promesses en cours. Un tel accord impose l’application des principes de l’OMC concernant la disparition totale des droits de douane (25% en moyenne pour les produits agricoles importés) face à des productions américaines pour lesquelles n’existent ni principe de précaution ni normes environnementales et sanitaires telles que nous les connaissons en France. Avec des exploitations en moyenne trois fois plus étendues et fortement subventionnées, l’interdiction de favoriser les productions locales, la mise en place d’une juridiction privée pour régler les différends commerciaux, nos agriculteurs vont être submergés par des produits OGM, bœufs aux hormones, poulets au chlore, à des prix imbattables.
Tout en mettant en avant des solutions « rustines » et sans avenir pour l’agriculture, depuis des mois, le parti socialiste et les Républicains nous répètent en boucle que cet accord est une chance pour la France, ce qui témoigne à nouveau de la déconnexion entre nos élites politiques et la population qui, dans le cadre des institutions européennes, se trouve de plus en plus sous le joug d’une évolution sociétale foncièrement comptable et financière, génératrice d’inégalités croissantes et d’atteintes environnementales dramatiques.
Jean Marie Bourry - Jonzac