jeudi 29 septembre 2011

Sénat : La prise du Luxembourg


Larcher
prend une flèche en plein cœur


Sous les ors du Palais du Luxembourg, on osait à peine y croire. Et pourtant, l’UMP est placée devant le fait accompli. Dimanche dernier, la Gauche a remporté les Sénatoriales. La chambre haute va-t-elle devenir une chambre froide pour les amis de Gérard Larcher, actuel président de cette assemblée chargée, comme le Parlement (appelé chambre basse), d’examiner les projets de lois. Question.

Il doit se retourner dans sa tombe. En 1968, Charles de Gaulle voulait rénover le Sénat en recentrant les pouvoirs sur le Gouvernement et l’Assemblée Nationale. Il avait alors subi un échec cuisant. Le message des sénateurs avait été clair : ils n’entendaient pas se voir marginalisés de la vie politique française. En 1969, le non au référendum entraîna le départ du Général et la nomination par intérim d’Alain Poher, président du Sénat, à la présidence de la République. Candidat à cette fonction, il s’inclina devant Georges Pompidou.

Entre dorures et peintures de maîtres, la vie continua au Palais du Luxembourg, comme si de rien n’était. Les occupants de ce somptueux édifice, construit au début du XVIIe pour Marie de Médicis, justifiaient leurs actions - et donc leur présence - par une mission d’équilibre. Contrairement à l’Assemblée Nationale, victime des turbulences politiques, le Sénat adoptait une position sage et apaisée dans le travail législatif. Et même si certains comparaient le mandat de sénateur à une « maison de retraite pantouflarde pour élus en fin de cycle », l’implication d’une majorité de ses membres était suffisamment édifiante pour atténuer cette méchante rumeur.

Majoritaire depuis Gaston Monnerville, Radical de gauche qui présida le Sénat de 1959 à 1968, la Droite n’imaginait pas qu’un jour, cette tendance puisse basculer tant les coutumes et usages y semblaient solidement institués. C’était sans compter sur les élans qui poussent les Français à tout bousculer !

Cette fois, la leçon est dure puisque le vote du 25 septembre concernait les grands électeurs, autrement dit les élus (maires, conseillers municipaux, conseillers généraux, etc). En effet, le Sénat, renouvelable par moitié tous les trois ans, est composé d’élus issus de ce suffrage indirect.
Que les responsables locaux, traditionnellement attachés à leurs racines, en finissent avec le conservatisme est révélateur d’un malaise. « Les hommes politiques l’ont bien cherché entre scandales financiers, réforme des collectivités territoriales, suppression de la taxe professionnelle » avouent-ils. Les maires eux-mêmes se sentent menacés : « nous voyons bien que le rôle des communes s’amenuise. Si notre fonction se cantonne à l’état civil, si nous devons être simplement une voix perdue dans la masse des CDC ou des CDA, le rôle de premier magistrat n’a plus aucun intérêt ».

Par ailleurs, l’avènement du conseiller territorial, qui siégera à la fois au Conseil général et au Conseil régional, tétanise ceux qui devront tirer leur révérence puisque le nombre des nouveaux représentants sera inférieur à celui que nous connaissons. Si les citoyens y voient une économie substantielle pour les deniers publics, les intéressés appelés à disparaître s’estiment par avance dépossédés d’un pouvoir auquel ils avaient pris goût. Et pour cause, titulaires d’un mandat de six ans, les futurs conseillers territoriaux seront 3 000 au lieu des 5 899 conseillers généraux et régionaux actuels. Un chiffre révélateur d’une coupe rase…

Ce contexte de mécontentement, à sept mois des Présidentielles, n’est pas réjouissant pour Nicolas Sarkozy. On se souvient du sort que connut François Mitterrand en 1993, après la révélation de dossiers gênants pour le PS. L’affaire Urba a d’ailleurs été à l’origine de deux lois sur le financement des partis politiques par l’État, celle de janvier 1990 et la loi Sapin de janvier 1993, dispositif achevé par la loi Séguin de 1995. Ces dispositions en faveur d’une plus grande transparence n’ont pas empêché la circulation de valises de billets, semble-t-il. Les faits récents, détaillés par la presse, peuvent-ils contrarier la réélection de Nicolas Sarkozy en mai 2012 ou, plus simplement, est-ce le personnage qui irrite ? Certains UMP ne cachent pas qu’ils préféreraient pour candidat François Fillon, « un homme plus rassembleur que l’actuel chef du gouvernement ».

Sur cette photo, quatre sénateurs UMP, Jean-Pierre Raffarin et le trio de Charente-Maritime, Michel Doublet, Claude Belot et Daniel Laurent.

Une chose est sûre : les mois qui viennent seront durs entre la Droite et la Gauche et tous les coups seront permis.

Qui sera le nouveau président du Sénat ?

Élu président du Sénat en octobre 2008, Gérard Larcher, sénateur UMP des Yvelines, avait devancé son rival Jean-Pierre Raffarin. Dimanche soir, à peine décoiffé par les résultats et toujours aussi bien nourri, il a annoncé qu’il serait à nouveau candidat à sa succession, jetant la stupéfaction dans les rangs socialistes. Pourquoi ? Parce que pour eux, il ne fait aucun doute que le futur leader doit être de gauche. « Oui mais… il y a les alliances » déclare un observateur qui préfère garder l‘anonymat. Mais encore ? « Larcher peut rallier à sa cause un certain nombre de Radicaux. Il lui faudra être suffisamment persuasif ».


Face aux ambitions de Gérard Larcher, Jean-Pierre Bel, responsable du groupe PS et candidat lui aussi au poste de président, a plutôt mal réagi, allant jusqu’à parler “d’un hold-up“ tandis que Pierre Moscovici a utilisé le terme de “tripatouillages“. Bref, le PS n’entend pas perdre la face après cette victoire.
« Une partie des tractations pourrait se dérouler à l’intérieur des loges » souligne un sénateur qui rappelle un article paru dans l’Express en 2008.

À la question du magazine : « Que représente pour vous la franc-maçonnerie ? Quelle est son influence dans la rédaction et le vote des lois ? », Jean-Pierre Raffarin, sénateur UMP de la Vienne, avait répondu : « Pour moi, la Franc-maçonnerie est une école de pensée avant d’être un réseau. La réflexion philosophique qu’elle développe pénètre la société à travers des valeurs comme la laïcité, la fraternité, l’humanisme. En ce qui concerne la loi contre le voile à l’école, pour la laïcité, j’ai bénéficié en 2004 d’un réel appui des francs-maçons dans tous les groupes de l’Assemblée et du Sénat ».

À droite, Gérard Larcher est venu à Jonzac présenter la réforme des Collectivités Territoriales. Il est aux côtés de C. Belot et M. Doublet.

Gérard Larcher avait abondé dans son sens : « Pour moi, la Franc-maçonnerie est une famille de réflexion et de pensée qui plonge ses racines dans le siècle des Lumières. Au travers du rôle important qu’elle a joué sous la Troisième République, où nombre de ses valeurs ont inspiré des législations fondatrices, elle a contribué à bâtir notre démocratie. L’influence de la Franc-maçonnerie ne me paraît ni plus, ni moins importante que celle d’autres fortes communautés de pensée de notre pays qui s’impliquent dans la vie sociale. Il ne faut pas fantasmer à partir du halo de secret qui entoure le mouvement maçon. Pour le vote des lois, il n’y a pas de bloc maçon. Il y a répartition, d’ailleurs à peu près égalitaire d’après moi, entre la Droite et la Gauche ».

Samedi 1er octobre, jour du scrutin au Palais du Luxembourg, la situation s’éclaircira. La réélection de Gérard Larcher ferait beaucoup de bruit, mais après tout, nous avons un précédent en Charente-Maritime. En 2004, Claude Belot (sénateur maire UMP de Jonzac) parvint à garder la présidence du Conseil Général alors que la Gauche était majoritaire sur le papier.
Une nuance cependant, l’écart avec le candidat PS y était minime. Il n’en est pas de même pour Gérard Larcher...

Jean-Pierre Raffarin à l’Abbaye de Trizay. N’étant plus Premier Ministre, il se consacre au Sénat.

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