• François Ehlinger : « Mettre une usine de produits chimiques au dessus d’une nappe phréatique sensible, ne tient pas la route » !
• Rémy Catrou : « Le conseil municipal doit faire preuve de courage politique »
• Eurovia : « Notre but n’est pas de polluer la zone de captage de Lucérat ! »
La question 6 du dernier conseil municipal portait sur "la demande d’enregistrement par la société Eurovia Grands Projets France de l’installation d’une centrale d’enrobage au bitume de matériaux routiers à chaud temporaire rue des Perches à Saintes". Objectif : la réfection d’un tronçon d’autoroute de 24 km entre Pons et Saintes. Durée de fonctionnement : six semaines. L’opposition n’attendait que cette occasion pour faire entendre sa voix, préoccupée par cette perspective qui « pourrait entraîner la dégradation de la source de Lucérat, l’une des rares dans le département à ne pas être polluée » (elle alimente des milliers de personnes en eau potable). Le député Fabrice Barusseau s’est d'ailleurs interrogé sur « une possible menace pour l'environnement et les ressources en eau potable ». Une manifestation a eu lieu samedi dernier dans la cité santone, réunissant une soixantaine de personnes devant le palais de justice. Lors du vote final, la majorité conduite par Bruno Drapron a adopté la même attitude que lors du conseil précédent, elle s’est abstenue. « Ce n’est pas moi qui décide ! Quelle que soit la position des municipalités concernées, Saintes, Thénac et Chermignac, c’est le préfet qui tranchera » souligne avec fermeté le premier magistrat saintais.
Bruno Drapron, maire de Saintes, aux côtés de Marie-Line Cheminade, Philippe Callaud, Ammar Berdaï |
Jeudi dernier. Face à Bruno Drapron, maire de Saintes, les membres des oppositions ont aiguisé leurs "outils", autrement dit leurs arguments, quant à la future centrale d’enrobage. Parmi eux, François Ehlinger, lequel connaît bien le dossier, Rémy Catrou, Pierre Maudoux ou Didier Martin. Conviés à la réunion, les représentants de Vinci Autoroutes et d’Eurovia sont appelés à donner des informations sur le projet. Le conseil, en effet, doit disposer de tous les éléments pour se prononcer. Dans le public (nombreux), une pancarte annonce la verte couleur. Le ton est donné !
Les responsables apportent des détails : « En tant que maître d’ouvrage, les dispositions réglementaires quant aux conditions de rejets des eaux de la plateforme et les prescriptions indiquées dans l’arrêté de 2023 seront respectées par l’entreprise Eurovia ». Cindy Bouchez développe la partie environnementale : « sur le site, des travaux ont été réalisés pour la gestion des eaux avec notamment un bassin de rétention étanche. L’usine de production permet d’avoir moins de déchets en sortie de chantier. Nous sommes soumis à des contrôles, rejets atmosphériques, niveaux sonores et qualité des eaux dirigées vers un fossé. Si un problème surgit, les équipes sont formées pour intervenir rapidement. Le bitume obtenu est stocké dans deux cuves aériennes ».
Sont présents : Pour Eurovia, Cindy Bouchez, Boris Carrère ; Pour Vinci autoroutes Frank Pinaud, Xavier Rivière, Manon Duplessy. |
François Ehlinger : « Je suis scotché, il est étonnant que les acteurs viennent défendre leur projet » !
« C’est la première fois que je vois ça, mais si c’est la loi… Les trois géologues ont donné un avis favorable au projet sous réserve de préconisations dont j'ignore si elles ont été suivies puisqu’il est impossible de le savoir ! On n’aurait jamais dû donner l’autorisation de remettre en état cette plateforme, créée en 1980 et située au dessus d’une zone hypersensible. 65000 personnes environ dépendent de cette eau brute non polluée qui ne nécessite aucun traitement pour être distribuée. Mettre une usine de produits chimiques au dessus d’une nappe phréatique sensible ne tient pas la route ! Plusieurs non-sens apparaissent : Non-sens sanitaire, de santé publique, lié aux poussières fines. Il y a des filtres, mais les gens très sensibles au niveau respiratoire vont être impactés par les émissions. Non-sens économique : nos impôts servent à garantir la qualité de l’eau. Eau 17 dépense des centaines de milliers d’euros pour nous protéger. Non-sens politique : il est préconisé aux agriculteurs des environs de faire attention aux pesticides en raison de la source. Les maires du secteur avec qui j’échange depuis des années appartiennent pour la plupart à Eau 17. Alexandre Grenot, maire des Gonds, m’a confié récemment son vœu de diminuer les intrants en agriculture. Dans la zone principale, l’endroit à protéger, on installe une usine qui pourrait potentiellement entraîner une pollution. Je ne remets pas en cause le sérieux et la bonne volonté d'Eurovia. Le problème réside dans la plateforme. L’anomalie est le décret de 2023. Je suis désolé de le dire, mais il y a d’autres sites à exploiter que celui-ci. Je voterai contre ce projet en raison de ses non-sens et que dire des agriculteurs qui observent de près le dossier ! » remarque François Ehlinger.
François Ehlinger monte au créneau |
« Le préfet n’est pas obligé de suivre les avis consultatifs donnés par les mairies » mentionne Bruno Drapron, attentif aux propos. « Ne me faites pas croire que l’avis du maire de Saintes et président de l’Agglo ne sera pas pris en compte. Si cet avis n’est pas important, votez contre dans ces conditions ! » rétorque François Ehlinger.
Rémy Catrou : « Faites preuve de courage politique » !
« J’abonde dans le même sens que François Ehlinger avec une façon de penser différente. Nous ne sommes pas dans un traitement technique du problème, même si la présentation que nous venons d’entendre est intéressante. Le conseil municipal doit faire preuve de courage politique ! Pourquoi implanter, au seul endroit où ce n’est pas possible, une usine d’enrobé ? Le principe de précaution est à appliquer afin de ne pas faire courir de risque à la population. Cette usine doit être installée ailleurs. Pour une fois, Monsieur le Maire, il faut faire front commun et voter contre cette décision » déclare Rémy Catrou.
Bruno Drapron réagit : « Au sein de l’Agglo, j’ai pris avec l’exécutif la décision d’arrêter l’extension de la zone des Charriers. J’ai retiré du schéma son développement économique. Il faut mener des actions sur le temps long. La ville de Chermignac a voté pour cette centrale d‘enrobage. Je n’oppose pas l’agriculture et l’économie. Tout le monde fait des efforts. Evitez de nous faire trop de leçons de courage politique ! ».
Pierre Maudoux : Nous ne sommes pas des opposants systématiques
Manifestation samedi à Saintes. Pierre Maudoux au micro |
« Aujourd'hui, nous ne faisons pas le procès d’Eurovia qui est une entreprise sérieuse. Il y a quelque temps, nous avons été invités sur le site et j’en remercie les organisateurs. Nous sommes venus pour nous informer et avons évoqué les risques que nous ressentons. On a eu un vrai débat de conscience. Toutefois, après l'exposé que nous venons d'entendre, les contrôles qui vont être effectués me semblent insuffisants. Le sujet de fond, c’est qu’on se trouve au dessus d’une source d’eau potable. Vous dites que l’arrêté préfectoral de 2018 permet l’installation d’une centrale, je conteste cette version. Il stipule que toute installation de société nouvelle, soit à risques, soit manipulant des hydrocarbures, soit présentant un risque de pollution, est interdite tant que la source de Lucérat sera d’utilité publique, ce qui est toujours le cas » déclare Pierre Maudoux qui ajoute : « Sur l'actuel projet de centrale, nous notons les avis défavorables d’Alain Rousset, président de la Région Nouvelle-Aquitaine, de l’Agence de l’eau Adour Garonne, de l'association Eau 17, du député Fabrice Barusseau, le retour négatif du Ministre de l’Agriculture. Nous avons lancé une pétition qui a recueilli 673 signatures ».
Défilé dans les rues de Saintes samedi dernier (© MB) |
Le ton est donné... |
Au second rang, les élus d'opposition Sabrina Chaborel, Pierre Maudoux, Sylvie Sarfaty, Didier Martin (Unis pour Saintes) |
Quid du risque zéro ?
Pierre Dietz (qui n’appartient plus à Unis pour Saintes dont il a été pourtant le chef de file) s’interroge sur le risque zéro : « Le préfet a-t-il réagi au vote précédent du conseil municipal à ce sujet ?».
« Non. L’enquête publique a été relancée et elle vient de s’achever. Le préfet prendra sa décision. De mon côté, comme je l’ai dit, j’empêche dorénavant le développement de toute activité économique sur la zone des Charriers, à l’exception de la déchetterie » rappelle Bruno Drapron.
Et ce fameux risque zéro ? Quel niveau sur le curseur ? « Il est très faible » d'après Eurovia. « Le bassin de récupération est à l’extérieur de la zone de captage. Le but, ce n’est pas de polluer la zone de captage de Lucérat ! Toutes les précautions seront prises ».
Bruno Drapron met la question au vote : « Au départ, nous étions partis pour voter pour. Au cours des débats, nous avons changé d’avis. Je propose à la majorité de s’abstenir ». Ce qu’elle fait, l’opposition se positionne contre.
A gauche de la photo, les élus d'opposition de liste de l'ancien maire, Jean-Philippe Machon, lequel se représente aux élections de mars 2026 |
L'info en plus
Les mesures de rétention détaillées par Eurovia
• Le stockage de produit polluant se fera sur plateforme étanche (en enrobés) comprenant un stockage dont le volume est équivalent au cumul des volumes de produits stockés, soit une capacité de rétention de 100% du volume total. Toutes les cuves sont aériennes.
• Les cuves de bitume sont positionnées au sein d'un parc à liant étanche permettant de récupérer 100% des produits stockés et les éventuelles eaux d'extinction en cas d'incendie. Le réchauffage des cuves est électrique. Les zones de dépotage sont également étanchées.
• La cuve de combustible biosourcé, positionnée sur une zone en enrobés, dispose d'une rétention intégrée et d'une zone de dépotage étanchée et positionnée sur un enrobé.
• La cuve à émulsion dispose d'une rétention intégrée ; elle est positionnée sur une zone étanchée et positionnée sur un enrobé. Les zones de dépotage sont également étanchées.
• Les entretiens des engins (type vidange) sont effectués en atelier (hors plateforme) avant le démarrage du chantier.
• Le stockage des huiles et autres produits potentiellement polluants est effectué sur une rétention de capacité 100% du volume total.
• En cas de déversement accidentel, présence de sables sur la plateforme et de kit antipollution
2 commentaires:
Excellent article qui résume bien la situation . Point complémentaire la réglementation encore en vigueur à ce jour « interdit formellement toute activité polluante même temporairement » or cette activité est polluante par nature , notamment avec le risque d’émission accidentelle ou résiduelle dans l’environnement de particules fines, d’huiles lourdes bitumineuses, de métaux lourds et de produits cancérigènes et mutagènes , ainsi que des perturbateurs endocriniens. Toutes les études scientifiques l’ont déjà largement documenté. Le process industriel mais aussi les matériels d’exploitation industrielle, notamment les groupes électrogènes et la gestion de leurs combustibles et de leurs déchets constituent un risque industriel polluant . De plus, comme toute activité industrielle , le risque d’accident industriel et de sur accident restent possibles ce que personne ne nie, même pas eurovia. Tout le monde se rappelle de l’accident d’AZF et de ses conséquences. et c’est justement à cause de ce risque industriel toujours possible que « toute activité polluante, même temporaire, est interdite sur ce site» . Il y a un risque additionnel lié à la proximité immédiate des silos . Pour toutes ces raisons de santé et d intérêt publics, de sécurité de principe de précaution et pour la principale, qui serait le simple respect des lois, règlements et arrêtés préfectoraux en vigueur à ce jour, il semble urgent de préserver non seulement cette source d’eau potable , mais aussi la santé de tous les buveurs d’eau concernés sur le territoire de la CDA de Saintes et sur les territoires voisins qui nous achètent de l’eau quand ils sont en pénurie
Excellent article, complet. Bruno Drapron (et sa majorité) avait décidé de voter pour cette installation lors du premier vote( conseil municipal précédent). Il avait changé d'avis suite à mon intervention complétée par celle de François Élhinger, et le groupe majoritaire s'était abstenu.. Là il récidive en leur indiquant de s'abstenir. Pour une municipalité se vantant de défendre l'environnement, on en sera surpris. Cette position, qui n'en n'est pas une, est sans doute pour ne contrarier aucun électeur en 2026.
Enregistrer un commentaire