dimanche 18 novembre 2012

René Figari déclare son amour
à la Sérénissime !


Dans le cadre de « Ciné Conférences », le cinéma le Familia de Jonzac accueillait l’autre jeudi le conférencier René Figari. À la retraite, cet ancien professeur d’anglais de la région royannaise s’est transformé en cinéaste. Ses pas l’ont conduit dans des lieux mythiques. Il a ouvert le bal avec Venise… 

 

Que cherche-t-on en arpentant la grande scène de Venise ? Un décor de théâtre à ciel ouvert ? La découverte d’une architecture séculaire que l’acqua alta menace inexorablement ? Les coutumes et usages des Vénitiens ? Une balade "roucoulante" en gondole ? L’envie d’entrer dans une ville d’art où les cultures se rejoignent ? Savoir comment l’actuel maire de Venise, Giorgio Orsoni, parvient à concilier le passé et le présent, en préservant l’identité de la ville ? Les questions sont nombreuses, mais les réponses obtenues sont souvent superficielles. La Serenissima Republica garde jalousement ses secrets. Elle se dévoile à force d’observation, de patience, voire d’abnégation.


« Voyageur, nul n’entre ici s’il ne conjugue l’art à l’histoire et l’avenir à l’éternité » pourrait être la devise de Venise. Au moment où l’ambiance glisse, les énigmes se résolvent et s’envolent joyeusement sur les ailes des pigeons qui peuplent « cette terre connue et inconnue ». Victime de la vague humaine qui l’inonde quotidiennement et lui donne le tournis, Venise ne parle qu’à marée haute, quand ses flots ont conduit la foule en d’autres lieux. Libre, elle s’ouvre à la confidence, comme la plus charmante des hôtesses.
« Il faut se perdre dans Venise » conseillent les guides. Rien de plus facile ! En dehors des trois points cardinaux que constituent la place Saint-Marc, les ponts du Rialto et de l’Accademia, très fréquentés quelle que soit l’heure, chaque ruelle a des choses à dire. Les pierres murmurent à l’oreille et confessent des intrigues oubliées. Les façades des palais, ornées de gothique flamboyant, se mirent dans l’eau des canaux. Leurs reflets ouvrent les portes d’un univers onirique. Bastions des riches familles, les demeures n’ont rien perdu de leur élégance. Cette promenade, au milieu d’une ville intemporelle, incite à la rêverie.

Conjuguer le passé au présent

Que serait Venise sans son passé ? Chaque année, le jour de l’Ascension, le doge épousait la mer en jetant en son cœur un anneau. À bord du Bucentaure, une magnifique galère, il était escorté par des gondoles et des barques richement décorées. Cette fête particulière symbolisait l’union de Venise à l’océan, élément sans qui elle n’aurait pu commercer.
Protégée par un lion ailé en hommage à Saint-Marc, dont les reliques volées à Alexandrie par deux marchands Bono de Malamocco et Rutico da Torcello furent rapportées triomphalement à Venise, la Sérénissime a longtemps volé de ses propres ailes.

 

Au XVe siècle, en pleine splendeur, elle régnait sur l’Adriatique et la Méditerranée. Sa particularité tenait à son gouvernement, une République qui veilla durant des lustres à ses destinées. D’ailleurs, quand elle mourut, les gondoles se vêtirent de noir, la couleur du deuil. Bonaparte, qui annexa Venise en mai 1797, mit fin à près de 800 années d’indépendance.
Que reste-t-il de ces légendes et de ces faits marquants ? Il suffit de fermer les yeux pour les entrevoir ou de les ouvrir devant « la porte du paradis » dont le fronton orne une rue. Marco Polo, dont la maison est signalée au bord d’un canal, hante encore les lieux.
L’un des doges les plus célèbres de Venise fut Enrico Dandolo. Il accéda à cette fonction à l’âge de 82 ans et participa activement à la quatrième croisade. Habile stratège, il contribua à la prise de Constantinople en 1203. Mécontent de la tournure des événements, le Pape l’excommunia et il ne revit jamais sa région d’origine. Son corps repose dans la mosquée Sainte-Sophie, à Istanbul. Enrico Dandolo fut plus chanceux que son prédécesseur, le doge Vital II Michele. Incapable d’aider ses compatriotes installés en Orient, il fut tué par des Vénitiens déchaînés. Les exécutions avaient lieu près du Palais des Doges, entre les deux colonnes…

Venise, d’Attila à Bonaparte. Et après ?

Dans le monde, Venise est connue pour son carnaval, ses masques et sa galanterie. Les milliers de personnes qui la parcourent en sentent-elles les vibrations ?
Du sommet du campanile, Saint-Marc affiche ses mamelons byzantins dont les rondeurs dessinent un relief inattendu sur l’immensité de toits. Ces dômes dressés, semblables à une gorge déployée et multipliée, inspirent une anecdote qui se déroula en mai 1511. Les prostituées de Venise, victimes du goût qu’avaient les jeunes gens pour leur propre sexe, allèrent se plaindre au patriarche Antonio Contarini. Le Sénat prit alors un décret les autorisant « à dénuder leurs seins pour provoquer le désir ». Gare aux fluxions de poitrine et dommage pour les paparazzi qui n’existaient pas à l’époque !
Surveillées par « les seigneurs de la nuit » (un joli terme pour désigner les souteneurs), les femmes galantes étaient répertoriées dans un catalogue, avec nom, âge, qualités et tarifs.

Aujourd’hui, Venise, ville à la croisée des mondes, poursuit son histoire et grave de nouvelles pages d’écriture. Elle trouve la paix en novembre quand les touristes lui laissent un peu de répit. Elle s’enferme alors dans les brumes. Puis surgissent les hordes qui l’enrichissent et font fuir ses fantômes. Les ombres ne reviennent qu’à la nuit, sous les traits d’une femme à la longue cape de velours noir. Elle se dirige vers la Fenice…

Nicole Bertin

• Prochaines projections

Jeudi 14 février « le Mali et la Culture Dogon », jeudi 7  mars « le Maroc du Sud et la culture berbère », jeudi 11  avril « Huahine, île polynésenne » à découvrir où vécut René Figari. Au cinéma le Familia à 18 h 30.

Et toujours un nombreux public!
 !

• Amusante rencontre : Il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas ! Lors du carnaval que René Figari a filmé avec talent, il a croisé - ô surprise - des habitantes de la région royannaise qui, pour rien au monde, ne manqueraient ce rendez-vous. Elles réalisent elles-mêmes leurs costumes. René Figari était ému de croiser des compatriotes dans les dédales de Venise !


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