vendredi 22 septembre 2017

Vallet : la crypte dédiée à Saint Babylas, du XIe siècle, est en restauration

Lors des Journées du Patrimoine, la crypte de l’église de Vallet (près de Montendre) a été l’objet de toutes les attentions. Et pour cause, les cryptes remontant au début de l’art roman ne sont pas si nombreuses dans la région (la plus célèbre étant Saint-Eutrope à Saintes) ! 


Un programme de restauration, réalisé par l’association Solidarités Jeunesses (implantée dans la maison des bateleurs à Montendre), s’est déroulé durant l’été. Encadré par Benoit Valade, il s’agissait d’enlever les badigeons et de dévoiler la structure originelle. Laquelle présentait des fissures inquiétantes en son plafond et l'un des murs (n’oublions pas qu’une partie du chœur repose sur elle). Pendant plusieurs semaines, se sont succédé des jeunes venant des quatre coins du monde, de religions différentes et finalement si proches en ce lieu qui les a réunis dans une belle fraternité. Soit quelque 80 intervenants et 600 heures d’un travail minutieux car il n’était pas question de bouleverser cet honorable lieu de pèlerinage remontant au XIe siècle.
En 2018, une nouvelle campagne de travaux lui permettra de retrouver une seconde jeunesse. Remise en état des deux voûtes en berceau, jointage, finitions.

La crypte de Vallet
Pilier à rejointer
Fragments de décoration au dessus de l'ouverture qui donnait sur l'ancien cimetière
Autre fragment dégagé lors des travaux durant l'été
L’église de Vallet, une histoire mouvementée

Sa simplicité actuelle, qui se réduit à quatre murs sobres, résulte des guerres de religion. Quelle était sa structure initiale ? On l'ignore, mais on peut toujours imaginer un clocher, des sculptures et des piliers à chapiteaux !
Il y a quelques années, lors d’une conférence, l’historien Marc Seguin a relaté « les malheurs » que connurent certaines églises du canton de Montendre au XVIe siècle… dont Vallet qui était alors une paroisse à part entière. Entre 1570 et 1580, les Saintongeais auraient subi la décennie la plus douloureuse de leur histoire depuis la Guerre de Cent ans…
Avant d’énumérer leurs malheurs, il est bon de rappeler dans quelle situation se trouve alors le pays. La Réforme, grande révolution religieuse du XVIe siècle, divise l’Europe chrétienne en deux camps distincts, les Catholiques et les Protestants. La puissante congrégation des Jésuites ne parvient pas à « contrecarrer » la percée calviniste. Cette division donne naissance à des guerres sanglantes dont l’épisode le plus connu est la Saint-Barthélemy, le 24 août 1572. Aux croyances des uns et des autres, se mêlent passions et convoitises “terrestres” avec, en filigrane, le sacro-saint pouvoir.
La Saintonge n’est pas épargnée. Particularité, la sénéchaussée de Saintonge compte deux sièges, Saint-Jean d’Angely, au Nord et Saintes au Sud. En véritable capitale locale, cette dernière dispose d’un présidial et d’un sénéchal. Les affaires sont traitées au Parlement de Bordeaux qui se réunit au Palais de l’Ombrière, représentant de l’autorité. Le territoire est composé de châtellenies. Elles sont approximativement de la taille des anciens cantons, à part Ozillac et Fontaines d’Ozillac qui n’appartiennent pas à Jonzac.
Dans les zones occupées par les Protestants, la messe n’est plus célébrée depuis dix ans et les églises sont gravement endommagées.

Journées du Patrimoine 2017 : exposition dans la crypte (ici, une grille d'origine égyptienne)
Vallet malmenée par les frères La Rochefoucauld

La région de Montendre n’échappe pas aux règlements de compte. A cette époque, Vallet, dans la Châtellenie de Montendre, dépend du baron Louis de la Rochefoucauld, seigneur huguenot également propriétaire de la châtellenie de Montguyon où est rendue la haute justice. Il vit dans le château de Montendre dont subsiste la fameuse Tour carrée.
La châtellenie de Montendre réunit de 24 paroisses. Elle déborde sur "le Vitrezay" qui comprend, entre autres, Reignac, Marcillac et Donnezac, communes qui se trouvent actuellement en Gironde.
« Les fils la Rochefoucauld sont de sacrés lascars » dit-on. Ils répondent aux prénoms de Louis, François et Gaston. Aux alentours de 1562, ne doutant de rien, ils font, au nom de Dieu, main basse sur les églises du coin, en chassent les curés et s'empressent d'empocher leurs revenus. Leurs exactions sont nombreuses. Charles, par exemple, prend possession du presbytère de Chardes tandis que celui de Vallet est rasé.
La période où ils sévissent le plus se situe vers 1568, 1569. Les églises sont carrément démolies selon une méthode invariable : les assaillants détruisent d'abord la façade, puis ils remontent jusqu'au chœur. Sont ainsi pillées Reignac, Donnezac, Souméras (où existe un édifice consacré à Saint Blaise), Montendre, Corignac, Jussas, Chardes, Coux, Chartuzac, Expiremont, Pommiers, Moulons, Chaunac, Vibrac, Messac, le Pin, Chatenet (moins malmenée par rapport aux autres) et celle qui nous intéresse, Vallet.
Dans cette dernière, ne subsistent de l’architecture primitive que l'abside et la crypte.
Au Moyen âge, cette crypte était réputée pour soigner les maux de tête et les paroissiens y venaient en procession.
Victime des actes de vandalisme commis par les frères La Rochefoucauld, elle aurait été consolidée en son milieu par deux gros piliers. Cependant, une autre hypothèse est envisageable : si le plafond présentait des faiblesses dès sa construction, ces appuis devenaient nécessaires pour protéger les fidèles d’un effondrement, tout simplement.

Les voûtes en berceau vont être restaurées
Deux entrées à cette crypte, l'une extérieure (les marches d'escalier ont été rénovées)
Et l'autre intérieure (dégagée voici quelques années)
Condamnés à mort par contumace

Après la signature de l'Edit de Nantes, la liberté de culte apporte un certain apaisement dans la région. Les Catholiques du secteur de Montendre rebâtissent leurs vaisseaux spirituels et peuvent à nouveau pratiquer leur culte en toute tranquillité.
En 1565, les tensions étant moins fortes entre les deux camps, le roi Charles IX et Catherine de Médicis entreprennent un Tour de France en province. Parmi les objectifs poursuivis, ils pourront constater « de visu » si les Protestants ont restitué les églises aux prêtres. Dans la majorité des cas, les choses sont rentrées dans l'ordre, sauf à Montendre où les trois frères agissent comme au temps d’avant.
Un commissaire du Parlement, M. de Bellot, est mandaté sur les lieux. Un frère La Rochefoucauld récalcitrant est arrêté et écope d'une amende. Courageux mais pas téméraires, les deux autres préfèrent prendre la fuite. Ils sont condamnés à mort par contumace.
Lorsque les hostilités reprennent, on les voit bien sûr réapparaître jusqu'à la signature, en 1598,  du fameux Edit qui met un terme aux agitations.

Dans la région, plusieurs édifices religieux eurent la chance d'être épargnés pour des raisons diverses et variées : Rouffignac appartenait au Roi de France avec Nancras, Saujon et Champagne. Comme Chevanceaux, la paroisse de Mérignac appartenait à l'Angoumois, territoire commandé par le célèbre Duc de Montausier, cousin de Léon de Sainte-Maure qui possédait le château de Jonzac. Tugéras avait un seigneur qui rendait la haute justice (il pouvait donc prononcer une sentence de mort). Bussac et Lugéras (alors paroisse) dépendaient de l'ordre des Hospitaliers, successeurs des Templiers ; Polignac était sous l’autorité d’un avocat bordelais, protestant mais loyaliste. Quant à Sousmoulins, elle fut épargnée. On peut s'interroger à son sujet car elle ne semblait pas figurer dans la châtellenie de Montendre...

Aujourd’hui l’église de Vallet, restaurée une première fois dans sa partie haute dans le cadre des Chantiers Solidarités Jeunesses par Philippe Lalande, alors maire, est trop souvent fermée. Les offices y sont rares et les seuls rassemblements y sont les enterrements.
Les Journées du Patrimoine permettent de la valoriser par des expositions et des concerts, animations qui tiennent à cœur du nouveau maire Ludovic Poujade. Lorsque la rénovation de la crypte sera terminée, il serait intéressant de l’inscrire dans un circuit de visite encadré par l’office de tourisme de Haute Saintonge au même titre que le château de Montendre et son centre ville, les halles en particulier.

L'un des piliers de la crypte de forme circulaire alors que l'autre est carré
• Benoit Valade et Bérénice Doussin, présidente de Chantiers Solidarités Jeunesses. Une belle expérience que de réunir ces jeunes, durant quelques semaines, sur un chantier qui les a sensibilisés, quelles que soient leurs religions respectives. « En ce lieu, règne une grande sérénité » souligne Benoit Valade.


• Les objets exposés dans la crypte ont été réalisés par les membres de Chantiers Solidarités Jeunesses dont cette croix faite par un jeune homme copte.


• Extrait des Etudes Historiques de l’abbé Rainguet qui visite la crypte de Vallet au XIXe siècle : « Cette crypte a servi de sépulture aux Seigneurs de la paroisse. A gauche, se voit une petite fenêtre très étroite ouvrant sur le cimetière. Un autel conserve encore sa pierre sacrée. Au dessus de l’autel, est pratiquée une petite grotte où se voit une statuette dont la tête est brisée »…

La statue initiale citée par Rainguet a disparu. Devant, une sculpture réalisée par un membre de Solidarités Jeunesses
 • L'histoire de Saint-Babylas

Babylas, devenu évêque d'Antioche (actuellement en Turquie) vers 237, fut martyr sous l'empereur Dèce, et mourut dans les fers en 251. On le fête le 24 janvier dans l'Église latine (le 4 septembre en Orient).

Son martyre est évoqué par Eusèbe de Césarée (Histoire ecclésiastique, VI, 39). Jean Chrysostome et Jérôme de Stridon ont fait son éloge. Il aurait refusé l'entrée de son église à l'empereur Philippe l'Arabe, qui résidait à Antioche au début de son règne, et l'aurait renvoyé parmi les pénitents, peut-être parce qu'il était soupçonné de l'assassinat de son prédécesseur Gordien III. Sous l'empereur Dèce, il refusa de sacrifier aux idoles et fut emprisonné sur l'ordre du gouverneur romain Victorinus. Il mourut en prison.

Fresque avec les Saints Babylas (à gauche) et Grégoire (à droite) (église de Saint-Sauveur-in-Chora)
En 351, Constantius Gallus fit bâtir une église pour abriter ses reliques en face du temple d'Apollon à Daphné. Mais en 362, l'empereur Julien, venu à Daphné pour consulter l'oracle, fit exhumer et renvoyer les reliques dans leur lieu d'origine : selon lui, elles perturbaient le fonctionnement de l'oracle (!). En riposte, des chrétiens auraient mis le feu au temple d'Apollon quelques jours plus tard. Une nouvelle église fut construite en l'honneur de saint Babylas, et l'évêque Mélèce y participa de ses propres mains. À l'époque des Croisades, les reliques de Babylas auraient été transférées à Crémone.

Reste à savoir pourquoi l'Eglise a choisi Vallet pour honorer Saint Babylas ? Un travail de recherche à effectuer, pourquoi pas ?

1 commentaire:

Unknown a dit…

je l'ai reparé :)