Propriété de l’Evêché, le site de Croix-Gente, longtemps lieu de pèlerinage, va connaître une nouvelle destination. Une première étape a eu lieu en 2019 avec la démolition de l’église moderne construite au milieu du XXème siècle qui comportait de l’amiante. « Aucune utilisation pastorale n’ayant été trouvée, le collège a donné son accord pour la vente des trois maisons. Seuls seront conservés la chapelle, le calvaire et un petit terrain autour. Le produit de la vente sera consacré à acquérir une autre propriété pour la venue d’une communauté religieuse ou monastique dans le diocèse » expliquent les responsables.
Cette partie avait été construite au milieu du XXème siècle pour accueillir les nombreux paroissiens |
Longtemps, Croix-Gente a été lieu de rencontre pour les chrétiens. Devant l'affluence, la petite chapelle avait fait place à une véritable église dont le chœur était orné d'une superbe fresque représentant Marie et l'enfant Jésus. Il y a une centaine d'années, on allait à Croix-Gente à pied, puis ce fut à bicylcette, en voiture à cheval et enfin en automobile ou en bus. A midi, après la messe, les gens tiraient leur pique-nique du sac et déjeunaient dans les pinèdes environnantes. La journée avait des airs de fête. L’aspect commercial s'en mêla rapidement et une frairie faillit s'installer autour du château. Initiative qu’on écarta. Seuls restèrent les marchands de victuailles et de souvenirs. L'après-midi, se déroulaient les vêpres et une procession en hommage à la Vierge protectrice.
Tout cela appartient désormais au passé, mais l’histoire de Croix-Gente reste attachante. Nous vous proposons de la découvrir à travers l'étude de Pierre-Damien Rainguet :
« Avant le XVllème siècle, il y avait sur la paroisse de Vallet une petite chapelle dédiée à Notre Dame des sept Douleurs située au lieudit Croix-Gente, sur le bord de la route de Jussas à Montendre. On attribue sa fondation à un père désolé qui, se voyant privé de son enfant perdu dans ces immenses plaines de bruyères, fit vœu à N. D. des douleurs, de lui élever un sanctuaire là même où il retrouverait son enfant ; ce qui ne tarda pas à se réaliser. Dans ce lieu d'extrême douleur comme d'extrême joie, s’érigea aussitôt un asile de prière. Chaque année, pour la fête de la Saint-Marc, les habitants de Vallet s’y rendaient en procession. La chapelle fut toutefois dévastée durant les guerres de religion et la statue jetée dans un buisson où elle resta longtemps. Transportée ensuite à deux reprises différentes dans l’église de Montendre, dit la légende locale, elle s’éloigna toujours et fut revue dans le buisson.
Cette particularité se retrouve dans le récit relatif à N.D. de Beaujeu en Bourgogne, et à N.D. de Bonne-Encontre près d’Agen qui, ravie plusieurs fois au buisson qui l’ombrageait, y revenait sans cesse. Depuis la Révolution et au commencement de ce siècle, les habitants de Vallet sont allés quérir processionnellement la statue de N. D. et l'ont placée dans leur église où elle est restée depuis. La légende en conclut que la Sainte Vierge voulait être honorée à Vallet, lieu de la dévotion primitive et non pas à Montendre.
Cette statue en pierre, déposée naguère dans une fenêtre à demi-murée, représente la mère du Sauveur, assise et soutenant sur ses genoux le corps inanimé de son divin fils. II est peu de statues exprimant mieux, dit-on, la douleur que ressentit la Sainte Vierge à l'heure de l’immense sacrifice de la passion de l'Homme-Dieu. La tradition rappelle encore qu'on a tenté, à plusieurs reprises, de cultiver l'emplacement où avait été l’ancienne chapelle sans pouvoir y rien faire croître.
Une commission, à la tête de laquelle se trouvait l’Abbé Rainguet, vicaire-général, avait été désignée en 1860 par Monseigneur l’évêque du diocèse, pour aviser au moyen de réédifier cette chapelle. Le dimanche de la Quinquagésime, 2 mars 1862, a eu lieu la bénédiction solennelle de la première pierre de la nouvelle et modeste chapelle de Croix-Gente au milieu d’un grand concours de prêtres et de fidèles réunis dans cette lande de Vallet, malgré le mauvais temps. Ce fut I'Abbé Rainguet qui procéda à la bénédiction de cette pierre et prononça un sermon. Une inscription, écrite sur parchemin, fut renfermée dans une urne de verre, que reçut une boîte en plomb avec plusieurs médailles. Cette boîte fut ensuite scellée dans une incrustation en forme de croix pratiquée dans la pierre.
L'oratoire de Croix-Gente a été bâti en style roman, d'après les dessins et sous la direction de l'Abbé Maud, vicaire de Sousmoulins. Il a été béni solennellement par Mgr l'évêque du diocèse dans sa tournée épiscopale le 11 mai 1862. Une grande foule, composée, dit-on, de 5.000 personnes, environnait le modeste sanctuaire élevé à la gloire de Marie, consolatrice des affligés.
Beaucoup d'enfants et de jeunes gens, pour mieux voir et entendre leur évêque, étaient montés sur les arbres voisins. Le discours du prélat, prononcé en plein air et par une voix sonore et éclatante, a vivement impressionné l’auditoire. Il traitait des peines et des angoisses de la vie, de celles de Marie qui nous ont été offertes comme exemple, et de la pose sublime et intrépide de la mère de douleur au pied de la Croix alors que tous avaient déserté le calvaire à l’aspect du drame sanglant de la passion. Ce discours, imprimé à La Rochelle chez Deslandes est déjà à son seconde édition et se vend au profit de la petite chapelle de Croix Gente.
Le curé de Sousmoulins a déployé un grand zèle pour l'édification de cette chapelle et pour l'érection d'une maison destinée à abriter les pèlerins, qui ne manquent pas de venir chaque jour.
Quelques grâces signalées ont déjà été obtenues dans ce lieu, ainsi que le constate le registre qu'on y a ouvert ».
Mgr Georges Colomb accueilli à Croix Gente par le doyenné de Haute Saintonge en 2016 |
« La petite chapelle est toujours là, perdue au milieu des bois de pins. A côté, une vaste salle complète les équipements indispensables aux grandes fêtes qui ont lieu le lundi de Pentecôte et en septembre, le dimanche le plus près de la nativité de la Vierge. Il y a quelques décennies, les jeunes filles profitaient du pèlerinage pour « aller toucher le caroul (verrou) de la chapelle pour se marier dans l'année ». Les moins pieuses n'hésitaient pas à dire « qu'elles allaient toucher le Caroul de Croix-Gente » ; c’était une façon d'expliquer qu'elles allaient en pèlerinage sans prononcer le mot fatidique. Longue tradition d'une gestuelle païenne accolée à un pèlerinage pourtant récent.
Que de prières, que de chants et que de facéties parfois ! En effet, Croix-Gente est aussi le lieu de retraite pour la préparation à la première communion des jeunes de tout le sud du département. Dans une ferveur variant avec la foi de chacun, des générations de catéchistes et de catéchumènes s’y sont succédé. Certains y sont revenus parfois, d’autres jamais »…
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