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vendredi 30 novembre 2007
Unique : le cabinet de curiosités de Clément Lafaille
Samedi, l’Académie de Saintonge était reçue par l’Académie des Belles lettres, Sciences et Arts de la Rochelle que préside l’historien Jean Flouret. Au programme, la visite du cabinet de curiosités de Clément Lafaille, qui sera ouvert au public en 2008.
Samedi matin, l’Académie de Saintonge, que dirige Marie Dominique Montel, était l’invitée de son homologue rochelaise. En ce port renommé, les deux sœurs n’ont pas armé un bâtiment ; elles ont préféré axer cette rencontre sur la découverte du Muséum d’Histoire Naturelle qui a rouvert ses portes après dix ans d’une (magnifique) restauration.
Après les travaux de la matinée, le groupe s’est donc retrouvé dans ce bel édifice - demeure du Gouverneur avant la Révolution - au milieu d’animaux et d’oiseaux variés, sous la haute protection de la girafe qui veille en haut de l’escalier.
À l’entrée, un crocodile souhaite la bienvenue au public. Pas de danger qu’il le croque, il est naturalisé ! En Papouasie, les habitants sculptent ce reptile sur la proue de leurs pirogues afin qu’elles voguent, comme lui, à grande vitesse.
De la rapidité au Muséum, les visiteurs n’en ont guère besoin. Ils prennent le temps de regarder, chaque élément méritant l’attention.
Créé à la fin du XIXe siècle, ce lieu dédié à la connaissance s’est constitué autour de deux fonds anciens : le cabinet de Clément Lafaille et le Muséum Fleuriau. Au fil des années, les collections se sont enrichies et s’y trouvent des témoignages insolites. Ainsi d’anciennes raquettes de neige qui rappellent la lointaine Nouvelle-France de Champlain (Québec actuel)...
Une grande partie des salles d’exposition est consacrée à la faune du monde entier, de la steppe aux forêts luxuriantes. Les thèmes, nombreux, gravitent autour de l’archéologie, les sciences de la nature, l’ethnologie et les arts primitifs. « L’intérêt scientifique des pièces rares est renforcé par l’aspect historique de certains spécimens. Ainsi, la girafe donnée au roi Charles X, l’orang-outan offert à l’impératrice Joséphine, les objets rapportés par les navigateurs dont Bougainville à la fin du XVIIIe siècle et par Dumont d’Urville au début du XIXe » soulignent les responsables. À ne pas manquer également, la bibliothèque regorge d’ouvrages et de cartes.
En avant-première, une visite du cabinet
Grâce à Jean Flouret, nous avons la chance de pénétrer dans le cabinet de curiosités de Clément Lafaille. En effet, il ne sera ouvert que l’an prochain et c’est un plaisir de vous le présenter en avant-première.
Pour mémoire, il est bon de rappeler que les cabinets de curiosités, qui ont vu le jour dès le XVIe siècle, « désignent des lieux dans lesquels on collectionne une multitude d’objets rares représentant les trois règnes du monde animal, végétal et minéral, en plus des réalisations humaines ».
Il y a trois ou quatre siècles, l’information ne circulait pas encore en ligne et les grands voyageurs étaient peu nombreux. Les expéditions maritimes étaient l’occasion de ramener des carnets de dessins ainsi que des espèces inconnues en Europe (plantes, graines, etc). Ces périodes de découvertes étaient exceptionnelles et les esprits curieux - savants, amateurs éclairés, dans la lignée des Encyclopédistes - n’hésitaient pas à regrouper leurs trouvailles inédites en un “cabinet“. Les amis y venaient pour admirer les étrangetés que recèle le vaste monde ! Clément Lafaille, qui vivait à la Rochelle au XVIIIe siècle, fait partie de ces heureux possesseurs.
« Après des études de droit, il a été nommé contrôleur ordinaire des guerres, charge fondée en 1710 qui consistait à surveiller les intendants militaires et la façon dont ils utilisaient les sommes qui leur étaient allouées » explique Jean Flouret. Cette tâche - qui ne devait pas être excitante - lui permet néanmoins de s’enrichir. Il peut alors s’adonner à ses passions que sont la conchyliologie, la botanique, la géologie et l’étude faunistique. Il correspond avec des érudits et ne dédaigne pas la peinture.
Membre de l’Académie royale de la Rochelle, il lègue ses collections renommées à cette docte assemblée, ainsi qu’un millier de livres et un médailler contenant de fort belles pièces.
La suite est un peu compliquée. L’exécution testamentaire est entravée par la Révolution et Clément Lafaille a la mauvaise idée de mourir à Paris. Pour les héritiers, les choses eussent été plus faciles s’il s’était trouvé à son domicile rochelais ! Après bien des péripéties, l’Académie (qui reprend ses activités en 1805) fait valoir ses droits auprès de la mairie. Elle est entendue.
Aujourd’hui, le fameux cabinet de curiosités a changé de rue et il est situé dans le Muséum d’Histoire Naturelle.
Les vitrines, aux frontons sculptés, ont trouvé leur place et les meubles, commandés à un ébéniste de la capitale, n’ont pas pris une ride. Ils abritent coquillages, reptiles, oiseaux. Sans doute l’esprit de Clément Lafaille règne-t-il dans cette pièce intime que d’aucuns préféraient « dans son jus », c’est-à-dire un brin poussiéreuse, avant qu’elle ne fasse l’objet d’un aménagement soigné. Selon les spécialistes, « il s’agit du seul cabinet naturaliste du XVIIIe siècle conservé actuellement en France ».
En y pénétrant, on remonte le temps, quand la Rochelle était un port bruyant. On imagine Clément Lafaille écrivant ses fines observations sur l’environnement : les insectes qui attaquent la vigne, la limace testacée, la taupe, la pholade, coquillage connu sous le nom de “dail“ ou bien encore les pierres figurées du pays d’Aunis, les changements arrivés aux côtes de la Rochelle et les fossiles qu’on peut y trouver.
Cette époque d’éclosion intellectuelle, le Muséum d’histoire naturelle vous invitera à la partager dès l’an prochain, quand le fameux médailler aura été restauré.
En l’attente, il reste les nombreuses autres salles ! Quant à Clément Lafaille, il vous faudra seulement l’imaginer car il n’existe de lui aucun portrait. Peut-être s’est-il perdu dans quelque déménagement ou une admiratrice l’aurait-elle secrètement gardé...
Détails pratiques : • Muséum d’histoire naturelle, 28 cours Albert 1er à la Rochelle (parking à proximité). Ouvert tous les jours sauf le lundi. Tél. 05.46.41.18.25.
Photo 1 : Grâce à l’Académie de La Rochelle, l’Académie de Saintonge a visité ce superbe cabinet de curiosités.
Photo 2 : Le cabinet de curiosités se trouve désormais au muséum. Restauré, il sera ouvert au public en 2008 quand le médailler aura retrouvé sa place. Les meubles, authentiques, datent du XVIIIè siècle.
Photo 3 : Belle collection de coquillages.
Photo 4 : Exposition de différentes espèces d'animaux sauvages.
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