• Que serait devenu l'arc sans Nicolas François Blondel... bien avant Prosper Mérimée et Victor Hugo ?
• Au XIXe siècle, renversement de l'arc-de-triomphe romain élevé sur le pont de Saintes : « De tels faits déshonorent une nation aux yeux de tout ce qu'il y a d'hommes éclairés »…
Guide conférencière, présidente de l'association Médiactions, Cécile Trébuchet nous présente l'histoire de l'arc dit de Germanicus, en fait arc monumental. Inauguré en 19 après J.C alors que l'actuelle Saintes - appelée à l'époque Mediolanum - était capitale de la province romaine d'Aquitaine, il n'a été démonté qu'en 1843. Puis remonté sur la rive : de ce fait, il est toujours présent ! Autrement dit, cette illustre construction a traversé les siècles. Mieux, elle en a été le témoin, s'adaptant à chaque situation y compris les plus délicates, envahisseurs, guerres de cent ans, de religion, conflits du XXe siècle. Pas étonnant que la population y soit attachée comme à un ancêtre dont elle respecte le nombre des années. Un Sage de pierres - protégé par les mânes de Germanicus, qui sait ? - certes un peu bouleversé par rapport à son aspect originel puisque certains blocs ne sont pas authentiques, mais qu'importe ! Il est là, campé sur ses deux arches. Un monument attachant, mieux un ami de toujours épargné par quelque divine providence.
« C’est jusqu’au milieu du XIXème siècle que pouvaient être admirés le vieux pont remanié et la porte antique marquant l’entrée de Medialonum. Construit en 18/19 après J.C, l’arc monumental de Saintes reste l’emblème de notre cité antique et de ses héritages urbanistiques. La cité n’a pas fini de nous livrer tous ses secrets » souligne Cécile Trébuchet.
Entrons avec elle dans les arcanes du temps...
• Cécile Trébuchet, à l’époque où Saintes « Mediolanum » était capitale de la province romaine d’Aquitaine, quels étaient les axes routiers y conduisant et où était situé l'arc ?
|
L'arc, éternelle présence de l'antiquité à nos jours (© Nicole Bertin) |
L’arc signe l’entrée de la via Agrippa, soit l‘axe principal est-ouest du réseau routier antique qui faisait le lien stratégique, militaire et commercial entre Lugdumum (Lyon) et Mediolanum (Saintes).
Lugdunum est alors la capitale des trois nouvelles Gaules impériales héritées des conquêtes césariennes
« la Lyonnaise, la Belgique et l’Aquitania » ajoutées à la Gaule sénatoriale déjà existante, soit la Narbonnaise.
Tandis que Mediolanum est attestée capitale de la province Aquitania, certainement jusqu’au IIème siècle après J.C, la cité-colonie romaine serait ensuite supplantée dans ce rôle prépondérant par Burdigala (Bordeaux), selon certaines hypothèses. Une autre hypothèse proposant Lemonum (Poitiers) comme capitale de la province semble, par contre, bien peu probable.
Le passage de la République romaine à la fondation de l’Empire est une période plus pacifique que la Guerre des Gaules de César. C’est lors de cette période, vers 27 avant J.C, nommée
« Pax Romana », qu’Agrippa, à la fois gendre et co-régent de l’empereur Auguste, établi quatre axes routiers traversant les Gaules à partir de Lugdunum. Le premier axe relie Lyon au pays des Santons. Mais il est fort plausible que ces voies étaient préexistantes et que les Romains les aient seulement réaménagées.
La fondation de la ville romaine se définit, quant à elle, de manière précise avec les deux voies principales de la cité, le
« decumanus maximus » selon l’axe ouest-est et le « cardo maximus » selon l’axe nord-sud.
Ces tracés ne sont pas spécifiques à la Gaule. Les agrimenseurs (géomètres-experts utilisant la groma, appareil de levée) sont chargés de définir les limites de la ville romaine autour de ces deux axes dans les cités de l’Empire. Ils se retrouvent dans chaque ville romaine et le croisement des deux rues au sein de la ville positionne généralement le forum (la grande place publique). Dans ce réseau routier romain, vient ensuite un tracé de rues parallèles. Celles qui sont en parallèle du
« decumanus » sont appelées
« decumani » et celles en parallèle du
« cardo » se nomment les
« cardines ».
A Mediolanum, l’arrivée de la via Agrippa définit également le
« decumanus maximus » dans l’alignement du pont et le croisement de cette rue principale est-ouest avec le cardo (nord-sud) situe le forum autour du site Saint-Louis (entre la Providence et l’emplacement de la Banque de France ?). Cela explique, entre autres, notre refus de voir ce lieu chargé de notre histoire, bradé au simple profit d’un hôtel privé. Il est en effet le lieu historique et topographique idéal pour la fondation d’un nouveau musée archéologique. Le cas contraire marquerait une rupture définitive avec l’histoire de notre cité.
|
L'axe Mediolanum/Lugdunum |
•
Parlez-nous plus précisément de l'ancien pont de Mediolanum, aujourd’hui disparu ?
Au-delà de l’actuelle rue piétonne Victor Hugo qui correspond à l’emplacement du
« decumanus », le pont donnait alors au franchissement de la Charente toute la splendeur attendue.
Le pont, dans l’antiquité romaine, a en effet l’allure de la continuité de symbole du pouvoir.
« Si le pont est un symbole de l’ingéniosité des hommes, il est également une représentation de la supériorité du pouvoir commanditaire » précise l’éminente historienne Mireille Cébeillac-Gervasoni dans l’étude
« Le pont dans l’Antiquité romaine à travers les témoignages épigraphiques ». Même si le pont répond d’abord un équipement qui permet de suppléer aux gués afin de faciliter la circulation des hommes et des biens ! Vitruve, à l’époque augustéenne, a consacré plusieurs passages de son « De architectura » aux techniques employées dans la construction des ponts de bois comme de pierre.
Le pont est aussi une nouvelle occasion de manifester la légitimité du pouvoir, chargeant l’ouvrage architectural d’une force sacrée et religieuse. L’historienne nous rappelle que César, dans
« La Guerre des Gaules » avait déjà combiné les deux aspects du pont, à la fois équipement et symbole, quand il décrivait la construction de ponts sur le Rhin pour mener ses légions en Germanie en 55, puis en 53 avant J.C.
Il est alors à se demander si l’Arc dit de Germanicus, en sa fonction d’arc routier, n’inaugure pas plus la construction d’un nouveau pont de pierre chargé de symboles de pouvoir, que l’arrivée de la via Agrippa. Finalement, n’aurions-nous pas tort de simplifier ses fonctions à la notion de porte votive ? Dans sa construction en 18/19 après J.C, il pourrait être aussi et surtout le signe inaugural d’un nouveau pont de pierre, imageant la symbolique de la puissance impériale.
Qu’en est-il exactement du passage du pont de bois au pont de pierre et de quand date ce dernier ? Il semble judicieux d’imaginer la construction du pont de pierre en contemporanéité avec l’érection de la cité et le tracé du
« decumanus ». Le pont de pierre ferait alors partie des enjeux de la création de l’urbs (ville construite à la romaine) et de la romanisation.
Si le bornage des villes n’est pas une invention romaine mais plutôt une réinterprétation des rites de la
« limitatio », déjà bien connus des Etrusques, tout comme le rite du templum (définition de l’espace sacré) et des axes des villes (le cardo et le decumanus du plan hippodamien en damier quadrillé), on peut généralement, au-delà de colonies comme Narbonne (118 avant J.C) considérer que la ville gallo-romaine et l’habitat urbain apparaissent sous la Pax Romana. Mais seuls nos archéologues sauraient vraiment évoquer le caractère évolutif de la cité et le passage du bois à la pierre.
Il est somme toute très périlleux d’imaginer que l’habitat fut de suite constitué de maçonnerie, celle-ci étant plus généralement réservée aux bâtiments publics qu’à la construction privée.
On pourrait néanmoins situer la
« limitatio » du
decumanus à Mediolanum au tout début du 1er siècle après J.C, soit antérieur à La porte de la cité. L’arc, en ce cas, pourrait alors se définir comme la célébration de la fin de la construction du pont de pierre construit quelques années auparavant.
Tout ceci reste, bien sûr, en l’état d’hypothèse et de simple interprétation...
Quoi qu’il en soit, l’ouvrage du pont de Mediolanum donnait bel et bien cette impression de majesté.
• L’arc est dédié à l’empereur Tibère, puis à Drusus et Germanicus ?
En effet, au-delà de son rôle de porte d’entrée et de sortie de la ville, qui justifie sa spécificité d’arc à deux baies, l’arc de Mediolanum est aussi une architecture votive dédiée à l’empereur Tibère et ses deux princes héritiers, Drusus (son fils) et Germanicus (neveu et fils adoptif).
La généalogie de l’empereur est ainsi gravée dans la pierre et l’on tient pour originalité locale, l’erreur historique de le nommer
« l’arc de Germanicus » au simple fait que seul le nom de ce dernier personnage soit encore lisible dans la pierre.
Première rectification : nous devrions l’appeler
« l’arc de Tibère » et non
« l’arc de Germanicus ». Il serait donc bien étonnant de faire uniquement hommage à ce dernier dans le cadre des prochaines fêtes romaines ! Est-ce que la tradition est plus forte que la vérité ? Voilà un exemple qui aurait pu faire témoignage pour les candidats au baccalauréat de cette année concernant les questions philosophiques de
« la vérité définitive » !
En sa construction originelle, on suppose que l’arc était aussi doté des trois statues de l’empereur et des deux princes héritiers au niveau de l’attique. C’est donc avec beaucoup de précaution et de recherches historiques que Muriel Perrin, directrice des services de la ville d’art et d’histoire, travaille à la réinterprétation des architectures de l’arc, du pont et de ses quais, pour une restitution numérique.
|
En haut à gauche, on lit "Germanicus" |
• Que sait-on du généreux donateur, Caius Julius Rufus, qui offre sur sa fortune personnelle un arc à Médiolanum... et pas seulement !
L’autre point essentiel de l’épigraphie est la deuxième dédicace sous la corniche narrant la généalogie de celui qui a financé la construction de l’arc, soit
« Caius Julius Rufus ». De préciser avant tout que le nom de Caius Julius est une marque non pas d’identité, mais de citoyenneté. L’identification d'un Romain se fait par trois noms (tria nomina) : dans l'ordre, le praenomen (prénom), le nomen (nom), et le cognomen (surnom).
Tandis que l’esclave n’a pas de nom et qu’il est le plus souvent appelé par le lieu de son origine, ce sont les personnes dotées de la citoyenneté romaine qui peuvent prendre le nomen (nom) de celui qui a favorisé sa naturalisation. Sous l'Empire, la citoyenneté romaine, accordée par l'empereur à des cités entières, répand ainsi les nomina des familles impériales.
Le troisième nom (le cognomen) est le surnom identitaire placé derrière le prénom et le nom. Il permet de distinguer les membres des différentes branches d'une même famille d'origine, marquant souvent une particularité physique ou morale du fondateur filial. Caius Julius Rufus serait donc alors
« le citoyen roux » et la citoyenneté associée à César.
Rufus, le haut personnage de Mediolanum qui a financé la construction de l’arc, est donc membre d’une famille de notables santons. C’est sa citoyenneté romaine, associée à son origine familiale gauloise, qui prouve magistralement l’intégration des gaulois à la romanisation ainsi que l’affirmation de leur rôle politique dans l’organisation de la cité-colonie romaine. Une romanisation incontestable sur une période d’à peine 70 ans ! L’inscription montre, en effet, que trois générations ont suffi pour lui permettre de devenir un personnage politique de très haute renommée sous l’empire romain, allant jusqu’à présider l’assemblée annuelle des cités gallo-romaines au sanctuaire impérial de Lugdunum.
La filiation gauloise est attestée par le nom de son grand-père
« Epotsorovidius », contemporain de Jules César. Les fonctions de Caius Julius Rufus
« prêtre de Rome et d’Auguste à l’autel du Confluent et préfet des ouvriers » montrent aussi son total dévouement à l’empire. Le titre de préfet des ouvriers englobe un certain nombre de charges honorifiques et politiques dans l’administration de la ville romaine. Auguste avait créé des
« préfectures » pour mettre des hommes compétents et dévoués à la tête de certains services importants de la cité comprenant le commandement des pouvoirs d'administration et de justice.
Quant à Lugdunum, il est à rappeler qu’en son titre de capitale des trois Gaules, Lyon est à la fois le lieu de confluence (condate) des axes fluviaux et des réseaux routiers, mais aussi confluence des actions des hommes face aux décisions prises. Lugdunum est en effet le lieu où se réunissent les représentants des trois Gaules où chaque année, ils élisent un grand prêtre, chargé du culte de Rome et de l'empereur (comme le fut C.J. Rufus). Ainsi, l’amphithéâtre de Lyon, dédié au culte de Rome et d’Auguste, fédère les provinces gauloises et se définit comme centre de rassemblement politique. En réalité, outre les spectacles, il avait pour fonction principale de rassembler les soixante nations gauloises, chaque année, le 1er août pour les élections. Sa datation, contemporaine à l’arc de Mediolanum (19 après JC) et la dédicace trouvée en son sein, rappelle l’importance du rôle politique de notre Santon Rufus. Il est ainsi écrit :
« pour le salut de Tibère César Auguste, C. Julius Rufus, citoyen de la cité des Santons, prêtre de Rome et d’Auguste, [et Caius Julius ?...] son fils et son petit-fils ont construit à leurs frais cet amphithéâtre et son podium ».
À sa ville natale, Mediolanum, Rufus offre donc un arc, payé sur sa fortune personnelle. À Lyon, il fait construire un grand amphithéâtre sur le modèle romain... et la Gaule se romanise totalement. Cette « obligation » de payer la construction de bâtiments ou de financer l’organisation de spectacles dans l’amphithéâtre (plus tardivement à Mediolanum) s’appelle l’évergétisme. Le terme
«évergétisme», datant de 1923, a été inventé par l’historien André Boulanger à partir d'une expression grecque (
« qui veut le bien »). Apparu dans la Grèce hellénistique, ce principe de mécénat n’est pas une loi, mais un devoir moral qui se diffuse dans le monde romain en devenant une forte tradition sociale. Les notables, liés à l’exercice de leurs fonctions municipales ou religieuses, se doivent de financer des banquets, des spectacles ou des monuments. Sorte d’ancêtre de l’impôt sur la fortune... Tout n’est finalement qu’une affaire de cycles dans les univers politiques !
|
Lyon, autrefois Lugdunum capitale des Gaules, possède le plus ancien
amphithéâtre romain de la Gaule. Il avait pour fonction principale de
rassembler les soixante nations gauloises, chaque année, le 1er août
pour les élections |
• Comment doit-on appeler l’arc, de triomphe ou routier ?
|
Gravure ancienne du pont détruit en 1843 |
Les habitudes sont bien ancrées. Je m’imagine mal dire à un Saintongeais que je lui donne rendez-vous devant l’arc routier. Ainsi, tradition oblige, je l’appelle moi aussi l’arc de triomphe ou de Germanicus, comme je dis les
« Arènes » ou la crypte de Saint-Eutrope... qui n’a jamais été une crypte. Mais cela fait partie de notre quotidien. J’accepte volontiers, comme un attachement familier, tout ce langage coutumier et associé à notre belle cité saintaise.
• Que représente l’arc de triomphe dans la Rome antique ? Il est bien plus qu'un monument de prestige, semble-t-il ?...
Il existerait des centaines d'arcs de triomphe dans l'Empire romain et toutes ces arches ont en commun une origine religieuse. Après chaque bataille en effet, les soldats devaient passer à travers une porte sacrée, appelée
« fornix », qui les délivrait des forces destructrices s'étant emparées d'eux au moment des combats. Elle leur donnait la paix. La porte purificatrice devait être située à l’entrée de la ville, comme à Orange, ou du forum. Le terme de
« fornix » désignerait le passage que la voûte enjambait.
Au contraire de nombreux monuments, l’arc n’a pas d’origine hellénistique et il devient une nouveauté romaine dans l’art d’immortaliser la victoire militaire. Les premiers fornices laissèrent vite place à des constructions de pierre sur lesquelles étaient gravées les images des valeureux guerriers.
En République romaine, la cérémonie du triomphe voit un général vainqueur défiler dans Rome à la tête de ses troupes. Il ne pouvait y avoir de triomphe si
« l’ager romanus », le territoire de la République, n'avait pas été agrandi. Il fallait détenir l’imperium (le pouvoir) comme consul, dictateur, ou préteur et ramener son armée à Rome, signifiant que la guerre était finie.
À partir d'Auguste, le triomphe est réservé à l'empereur et à la famille impériale. Les généraux victorieux doivent alors se contenter de
« l’ovatio », moins important que le triomphe, ou des ornements triomphaux. Ornées de bas-reliefs, ces portes monumentales prennent alors une signification beaucoup plus politique qu'une signification rituelle. Il n'était pas nécessaire à un empereur d'avoir combattu pour obtenir le triomphe. L'empereur Claude obtint le triomphe pour les victoires remportées par ses généraux.
La construction de ce type de structure va se généraliser dans toutes les provinces et les arcs impériaux sont érigés pour celui qui célèbre un triomphe. L'arc monumental devient un vecteur de la propagande impériale présent dans tout l'Empire, symbole de la puissance romaine.
Au sens strict donc, un arc de triomphe est dressé pour célébrer la cérémonie du triomphe romain qui se déroule à Rome. Ainsi, les véritables
« arcs de triomphe » se trouveraient uniquement à Rome tandis que les autres arcs, dont ceux des Gaules, appelés aussi
« arcs de triomphe » ne seraient en réalité que des arcs monumentaux honorifiques, ne servant pas à la cérémonie du triomphe mais glorifiant un événement ou un personnage.
|
L’Arc romain au XIXe siècle, illustré par Alexandre
Debelle (1805-1897) |
En règle générale, les arcs dits de triomphe ont trois ou une baie, permettant ce passage cérémoniel sous la porte principale. C’est ce que représente l’arc à baie unique de Titus de Rome, construit par Domitien pour les victoires de son frère et dont les reliefs présentent deux scènes se déroulant durant le triomphe pour ses victoires en Judée. C’est aussi le cas de l’arc d’Orange à trois baies, en Gaule, nommé communément
« arc de triomphe », même si rien ne suppose qu’il ait servi réellement de porte de cérémonie de triomphe. Il ferait alors partie de ses arcs des Gaules uniquement monumentaux et honorifiques, dont la construction glorifie les victoires de la famille impériale. Cet arc date des années 20. 25 après J.C. et célèbre les victoires de Germanicus, mort en 19 après J.C. On suppose que cet arc a ensuite été attribué à Tibère dans les années 26/27 après J.C. C’est du moins ce que laisse comprendre la dédicace ajoutée en cette deuxième période.
• L’arc de Saintes ne ferait donc pas partie des portes de triomphe honorifique ?
Sans doute devrions-nous oublier le terme de triomphe à Mediolanum, d’une part parce que l’arc, dans la définition de
« triomphe » au sens strict, n’a pas fait l’objet d’une cérémonie rituélique impériale et, d’autre part, parce que notre région n’a connu aucune conquête militaire.
Mais la dédicace à Tibère et Germanicus, au même titre que l’arc d’Orange, peut tout de même nous obliger à une certaine prudence. On peut se demander, en effet, comment les notables constructeurs de Mediolanum, contemporains au décès de Germanicus, ont vécu et célébré la mort du Commandant de l’armée romaine de Germanie ? Ont-ils, de quelque façon que ce soit, immortalisé sur l’arc cette disparition ? Cette mort aurait-elle pu être figurée dans une sculpture de l’arc ignorée aujourd’hui ? On atteste que lors de sa déconstruction en 1843, il demeurait encore des sculptures qui seront définitivement endommagées pendant le déplacement des pierres (selon les annales archéologiques dirigées par Didron aîné de la Bibliothèque royale – 1844). On sait aussi que le triomphe de Germanicus avait été célébré à Rome en 17 après J.C. et que sa mort, en 19, fut amplement honorée du fait de la grande popularité du défunt. Et bien qu’il soit attesté que l’arc actuel est une reproduction fidèle de l’original, on peut s’interroger sur l’existence d’une expression honorifique. Le seul nom lisible dans l’épigraphie justifie-t-il la permanence du nom de
« Germanicus » par tous les érudits au fil des siècles ?
Les choix de deux baies pour notre arc et l’absence de tout relief commémoratif nous font dire, sans le moindre doute, que l’arc de Mediolanum ne fait pas partie des portes de triomphe honorifique. Mais on ne peut avoir la prétention de tout connaître de l’état d’esprit des commanditaires de la construction, au moment même de la mort de Germanicus.
|
Peinture de Nicolas Poussin : La mort de Germanicus - 1628. Minneapolis Institute of Art |
• Puisque nous parlons conquête, il est difficile de ne pas évoquer la malheureuse histoire des Helvètes qui convoitaient notre région ?
|
La Gaule romaine |
Concernant l’absence de conquête militaire, c’est donc au contraire une alliance avec les Romains que nous devrions célébrer. Le peuple santon a-t-il dénoncé un pacte préalablement contracté avec les Helvètes ? Serait-ce une piètre promesse d’hospitalité à l’époque césarienne ?
Après avoir abandonné leur plateau, brûlé leurs douze cités et plus de 400 villages refusant de les laisser au profit des envahisseurs germains, les Helvètes tentèrent vainement d’obtenir des droits de passage destinés à rejoindre le pays des Santons. Les malheureux orphelins de leur chef Orgetorix furent finalement massacrés pour la plupart d’entre eux et les survivants renvoyés sur leur triste plateau en l’année 58 avant JC.
Entre alliances et trahisons, le héros de l’histoire n’est autre que le proconsul de la Narbonnaise et imperator Cesar, qui profita tant de la désunion des tribus celtes que du prétexte de protéger les Gaulois des Helvètes, mais aussi de la nécessité de défendre la riche Toulouse pour organiser ce qui deviendra la guerre... et la conquête des Gaules.
Les Fêtes Romaines de Saintes seront-elles aussi la redécouverte des différentes hypothèses des origines des Santons et des liens entre Santons et Helvètes ? Parlerons-nous de la Guerre des Gaules? Voilà un sujet que nous aimerions entendre développer, en écoutant nos érudits et spécialistes locaux.
Si une alliance au regard tourné une nouvelle fois vers le Rhône est heureuse dans notre actualité, il serait malgré tout bien navrant de laisser seulement la parole à la culture arlésienne, telle une mise sous tutelle intellectuelle...
• A quoi ressemblaient l’arc et la ville de Saintes au Moyen-Age ?
Crénelé à l’allure d’une porte défensive, inscrit dans un parcours remparé vers la fin du 3ème siècle après J.C. et faisant corps avec un pont à l’architecture devenant très hétérogène, l’arc de Mediolanum n’ouvre plus son histoire que sur une cité repliée dans sa muraille, passant d’environ 100 hectares de ville occupée à un intramuros réduit à 16 hectares. Les pierres des monuments des 1er et 2ème siècles sont démontées pour construire cette première enceinte encore visible dans ses soubassements, place des Récollets.
La ville construite,
« Mediolanum » devient Santonum retrouvant ainsi la toponymie de son peuple celte dont elle était la civitas, comme cela est fréquent en Gaule. Evangélisée, elle gardera, comme de nombreuses cités évêchés, un héritage de droit romain. L’archéologue Jean-Louis Hillairet précise qu’elle continuera à utiliser l’aqueduc de Mediolanum.
L’arc fait désormais partie des trois portes de la cité avec la porte Aiguière au niveau de l’entrée de l’actuelle rue Alsace Lorraine et la porte Evêque, qui comme son nom l’indique, se situe vers l’actuelle Place Blair, en axe de la cathédrale.
Au contraire de la ville enserrée dans ses murs côté rive gauche, le lit de la Charente prend ses aises sur la rive droite, s’étalant bien au-delà du pont et de sa porte au fil du temps. L’agrandissement du pont romain est attesté au Moyen âge pour pouvoir relier, bon an mal an, le pont et de nouvelles berges.
C’est au gré de ces agrandissements du pont que l’arc se retrouve, non plus comme son positionnement originel à l’extrémité du pont, mais au milieu d’un pont affaibli par de nouvelles constructions médiévales dont la tour Montribe, une chapelle et un pont-levis. Ces éléments sont parfaitement visibles sur le plan Braun qui a l’avantage de montrer la ville avant les guerres de religion, en 1560.
|
Le plan de Braun en 1560 |
• Oublié, le premier « sauveur de l’arc » est en réalité Nicolas François Blondel !
En effet, c’est Nicolas François Blondel qui, dans l’histoire de notre arc, peut être considéré comme son premier sauveur lorsqu’il préserve le pont et le prolonge de quatre travées supplémentaires.
En l'absence de sol ferme, il conçoit une solution de fondation générale superficielle constituée d'une grille de madriers surmontée d'un radier en maçonnerie. C’est ce qu’atteste Jean Mesqui dans son ouvrage, « Le pont en France avant le temps des ingénieurs » (1986). Cet architecte de l’époque classique a été rendu célèbre par la construction de la porte Saint-Denis à Paris. Cette porte est, en fait, un arc de triomphe inspiré par l'arc de Titus de Rome en remplacement d’une porte médiévale. Il est aussi connu pour son Cours d’architecture sous la signature de l’Académie royale d’architecture dont il est directeur et professeur en 1671. Et il reste le grand défenseur des ordres d’architecture et des ordres des colonnes réfutant bien souvent les propos de l’architecte Claude Perrault. Menant une carrière militaire et des missions diplomatiques à l’étranger, c’est en 1664 qu’il devient ingénieur du Roi pour la Marine.
De Rochefort, où il suit la construction de la Corderie royale, il est chargé de la reconstruction du pont de Saintes et cette mission sera finalement son tout premier contact avec l’architecture.
Les principales réalisations de Blondel sont le plan de la ville de Rochefort, de son arsenal et sa Corderie royale, la porte Saint-Bernard, la Porte Saint-Antoine, la Porte Saint-Denis et le rhabillage de la Porte Saint-Martin de Paris.
C’est lors des constructions des portes de Paris, qui ressemblent plus à des arcs honorifiques et de triomphe qu’à de véritables lieux de passage, qu’il reprend les symboles et les héritages des vestiges romains. L’arc de Mediolanum, avec son carré presque parfait, serait alors devenu le modèle de la construction de portes parisiennes (hauteur de l’arc de Mediolanum : 14,71 m et longueur 15,80 m)
• Le second, Prosper Mérimée, viendra bien plus tard…
|
Prosper Mérimée |
L'édifice faillit être détruit en même temps que l'ancien pont, mais il sera sauvé in extremis en 1843, grâce à l'intervention de Prosper Mérimée, alors deuxième inspecteur des Monuments historiques après la nomination de Ludovic Vitet, (premier inspecteur en titre), comme secrétaire général du ministère du Commerce.
Ludovic Vitet préside néanmoins la commission des Monuments historiques jusqu'en 1848 et la correspondance des deux hommes montre leur relation constante de 1843 à 1851.
Ainsi et avec de nombreuses péripéties, c’est en 1843 que l’arc fut démonté, puis il sera rebâti à une quinzaine de mètres de son emplacement d'origine. Il fera l'objet d'une rénovation en 1851 grâce à l’intervention de l’architecte Victor Fontorbe, grand nom et personnage illustre de notre cité, autre sauveur de l’arc de Mediolanum.
Concernant Victor Fontorbe, remarquons que cet architecte a profondément marqué l’architecture néoclassique de notre ville telle que nous la connaissons, avec la construction du haras, de la sous-préfecture et du palais de justice.
Notons aussi qu’en 1843, la jeune Société d’archéologie et d’histoire de Charente-Maritime, fondée en 1839, avait déjà alerté les instances nationales des urgences de l’arc, mais aussi du bien triste état de l’amphithéâtre. Le ministre de l’Intérieur avait répondu six mois plus tard que pour cette dernière demande, il était encore à démontrer
« que leurs restes avaient un véritable degré d’importance ». C’est en relisant les annales archéologiques de la Bibliothèque Royale que l’on peut clairement concevoir la démolition du pont de Saintes et le déplacement de l’arc comme un véritable acte de vandalisme.
Cécile Trébuchet, vous présidez l’association Médiactions qui est opposée aux gradins dans l’amphithéâtre ? Où en est votre combat ?
En 2017, la municipalité saintaise veut transformer l’amphithéâtre de notre cité en salle de spectacles. En 2018, celle-ci ne saurait s’inscrire désormais comme
« sauveuse » du monument. La mairie avait, en effet, demandé une réception de chantier des gradins pour 5 000 places dès août 2019 dans son appel d’offres que nous avons conservé. Elle avait écrit un argumentaire erroné qui ne tenait jamais compte de nos alertes quant à la grande fragilité du monument. La municipalité voulait recevoir la soirée de clôture du festival de Cognac
« Blues passion » en été 2019 ou même dès 2018, sans le moindre respect, ni signe de connaissance des patrimoines et des risques de détérioration. C’est l’association MédiaCtions que je préside qui a alerté des mois durant les instances territoriales et le ministère de la Culture,
« implorant » de soumettre notre amphithéâtre à une restauration, puis à la rénovation de ses accueils.
Aujourd’hui, nous sommes satisfaits de savoir que la restauration prime enfin sur une transformation irresponsable du site en salle de spectacles. La ville de Saintes est, en effet, contrainte d’appliquer les obligations de restauration.
On parle encore de gradins bien entendu... On dit aussi que le monument n’est authentique qu’à raison de 10 % de ses pierres, manipulant les chiffres avec le seul souci de faire croire que si plus rien n’est
« romain », tout projet est possible. On oublie juste de dire que la majorité des pierres concernées restent authentiques car simplement restaurées. Et la nuance est tellement importante.
Si l’amphithéâtre est, selon la municipalité, non authentique, l’arc de la ville le serait encore moins puisque reconstitué avec
« les moyens du bord », c’est-à-dire avec certaines pierres qui ne faisaient pas partie du monument initial. Et pour cause, la base de l'édifice, qui opposait trop de résistance, a été ouverte à l'aide de la poudre à canon…
Je persiste et je signe, l’amphithéâtre doit bien sûr être restauré, puis demeurer sans gradins modernes et inutiles, au respect de
« l’authenticité » de sa construction, sa forme, son environnement et de sa valeur patrimoniale. Et comme si
« l’affaire » de l’amphithéâtre ne lui suffisait pas, la municipalité saintaise est maintenant tout autant responsable du bien douteux transfert d’usage annoncé sur le site Saint- Louis. Saintes n’est pas à vendre. Si la mairie désire une économie prometteuse au sein de notre ville, qu’elle bouge pour soutenir la création d’entreprises, la survivance des commerçants de proximité et la rénovation des accueils touristiques. Et qu’elle ne fasse pas de notre histoire une vulgaire catin !
|
Propriété de la commune, l’arc a été classé Monument Historique en 1905 |
•
Archives et sources diverses
• 1844 / Les annales archéologiques dirigées par Didron Aîné de la Bibliothèque royale – secrétaire du Comité historique des arts et monuments - Paris
… Nous nous sommes donc empressés de porter à la connaissance de M. le ministre de l'intérieur l'article suivant de
l’Écho rochelois, qui signalait l'inconcevable destruction de l'arc de Saintes. Nous ne doutons pas que le gouvernement n'ait donné satisfaction à nos trop justes plaintes. Saintes est une des plus anciennes villes de France, et les monuments qu'elle renferme attestent la puissance du peuple qui l'avait soumise. Un arc-de- triomphe, placé au confluent de la Seugne et de la Charente, laissait encore lire sur ses frises qu'il avait été élevé en l'honneur de Germanicus. Lorsque, sous les coups du temps et du premier dévastateur, tout croulait autour de cet édifice romain, seul il resta debout dans un état de conservation presque complet.
Les Huns, les Vandales, les Goths et les autres barbares, qui tour à tour se ruèrent sur la Saintonge, le respectèrent. Aux ingénieurs du XIXème siècle, était réservé l'honneur de le faire démolir. Depuis un mois, on procède à cet acte inqualifiable. Un architecte envoyé de Paris, et qui n'avait pas le temps de rester à Saintes, confia la surveillance des travaux à un salarié du Gouvernement; celui-ci, qui avait des occupations personnelles, recommanda à l'entrepreneur d'y faire attention. Cet entrepreneur, qui a plusieurs chantiers, en laissa le soin à son contremaître, qui, ayant lui-même des travaux à surveiller sur différents points de la ville, s'en rapporta à un Limousin. Les pierres ont donc été mises sans soin, sans précaution sur un charriot et transportées dans un pré voisin. Là, on les faisait basculer, et, en roulant, elles allaient se heurter, se briser les unes contre les autres. Pas une n'est restée intacte, et le peu de sculptures qui subsistaient sont mutilées, méconnaissables. La base de l'édifice, qui oppose trop de résistance, est ouverte à l'aide de la poudre à canon : qu'on juge maintenant de l'état dans lequel se trouvent ces blocs après l'explosion ?
Ce n'est pas tout : le conseil municipal a décidé que cet arc-de-triomphe serait réédifié sur la route de Rochefort, à plus de 500 mètres du lieu où il demeura planté pendant dix- sept siècles ! Une députation a été, dit-on, envoyée pour cet objet à Mirambeau, près de M. le ministre de l'intérieur, pour le prier d'appuyer ce projet. En attendant, les blocs de granit sont là gisants dans un pré et dans les rues voisines. i M. l'architecte de Paris, de retour à Saintes, a paru peu satisfait de la manière dont ces pierres ont été transportées. Il a l’intention de les faire empiler et recouvrir d'un hangar pour les protéger contre les injures de l'air et surtout des passants. Qu'il se hâte donc, car dans un mois probablement deux mètres d'eau les couvriront. Si des pierres étaient susceptibles de pourrir promptement, nous pourrions les voir tomber en décomposition avant qu'on eût songé à les remettre à leur ancienne place. Le bruit court encore qu'on vient d'acheter, à raison de 5 fr. pièce , des tronçons de colonnes romaines provenant de la reconstruction d'un mur de l'hôpital, pour remplacer les morceaux cassés ou détruits dans la démolition.
• Plaintes dont l’Écho Rochelois s'était fait l’organe, au mois de décembre :
L'arc romain, qui donnait une si grande illustration à notre ville, et qu'un architecte de Paris vient de faire sauter par la poudre à canon, avait été consolidé en 1666 aux frais de M. de Bassompierre, évêque de Saintes. On voyait, sculptées sur les nouvelles arches du pont, les armoiries de ce prélat, qui avait fait rempiéter et maintenir par un vigoureux contrefort la porte triomphale dédiée à Germanicus.
En ce moment, où l'on attaque avec aigreur le clergé français, il est bon de signaler ce zèle d'un évêque pour un des plus nobles monuments de la civilisation romaine. Nous regrettons que M. Dufaure, député de Saintes et ancien ministre des travaux publics, et que M. Duchâtel, ministre actuel de l'intérieur, tous deux membres du conseil-général de la Charente-Inférieure, n'aient pu conserver, ni à notre ville ni à notre département, une antiquité dont nous étions si fiers. »
Ce qu'il y a d'étrange ici, c'est que l'arc de Saintes n'ait pas trouvé un seul défenseur parmi ses amis naturels, ceux qui s'occupent infatigablement d'archéologie romaine. Ni les membres de l'Académie des Inscriptions, ni les conservateurs de la Bibliothèque Royale, ni les membres de la Société royale des Antiquaires de France n'ont dit une phrase, n'ont écrit une ligne afin de sauver ce monument précieux.
Pour tout le monde et surtout pour ces messieurs, il a fallu que des gens qui se contentent de défendre les monuments chrétiens, et ils ont déjà beaucoup à faire pour remplir cette lourde tâche, se fissent les avocats officieux de l'arc de Saintes.
Un fait plus étrange encore, c'est qu'on fasse venir d’Afrique, et à grands frais, un arc romain qu'on veut dresser sur une place de Paris, pendant qu'on démolit un autre arc romain, debout sur le sol national. Si nous avions l'honneur d'être député, nous demanderions compte de cette anomalie, lors de la prochaine discussion du budget. Ce ne doit pas être pour détruire des monuments qu'on accorde un crédit affecté à leur conservation.
|
Le pont Valentré à Cahors. Si Saintes avait conservé son pont historique,
il aurait aussi fière allure ! |
• Fin de décembre, le 28, parut dans divers journaux, et notamment dans L’Univers, la note suivante qui est fort dure, mais qui, par malheur, semble trop bien justifiée :
Le système de destruction des monuments se poursuit dans notre pays avec un zèle digne d'une meilleure cause. L'administration vient de commettre un acte inqualifiable, qui excite l'indignation des savants de l'Europe entière. Ce qui nous fait regarder comme un peuple d'ignorants et de barbares: nous voulons parler du renversement de l'arc-de-triomphe romain élevé sur le pont de Saintes. De tels faits déshonorent une nation aux yeux de tout ce qu'il y a d'hommes éclairés. Aujourd'hui Chambord, la merveille du seizième siècle, est menacé à son tour ; la bande noire plane sur ce chef-d'œuvre comme une nuée de corbeaux sur un cimetière. A Valenciennes, on renverse les dernières ogives du beffroi, qu'il était facile de conserver ; les journaux nous annoncent que, pour donner aux habitants leurs étrennes, l’administration municipale fait paver l'emplacement de ce vieil édifice et veut que tout soit prêt dans les premiers jours de janvier. Enfin, on vient de démolir à Auch, dans l'ancien couvent des Cordeliers, transformé en caserne de gendarmerie, un cloître magnifique du quatorzième siècle, dont les ogives polylobées reposaient sur des chapiteaux à feuillages et sur des colonnettes de marbre. Le monastère se trouvait entre les mains du gouvernement, et c'est le gouvernement qui a toléré la destruction d'un aussi précieux monument »…
Au sujet de l’arc de Saintes :
|
Victor Hugo |
Victor Hugo, qui passait à Saintes au moment où s'opérait cette démolition, vient de nous confirmer de vive voix la réalité des détails qui précèdent. L'illustre défenseur de nos antiquités nationales a senti la rougeur lui venir au front à la vue de cette barbare et inutile destruction. Comme membre du Comité historique des ans et monuments, M. Victor Hugo avait demandé, dans le sein même du Comité, et avait cru obtenir la conservation de l'arc de Saintes. Il semble qu'il ait été amené tout exprès dans cette ville pour voir l'estime qu'on porte aux plus raisonnables réclamations.