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dimanche 2 février 2014

Saintes : Les juges du Tribunal de Commerce 
ne sont pas des potiches  !


Une épée de Damoclès pèse sur leurs têtes depuis un certain temps. Après la fermeture de plusieurs tribunaux de commerce (dont ceux de Jonzac et Marennes), les juges consulaires sont directement visés par la prochaine réforme. En effet, ces tribunaux pourraient être présidés par un magistrat professionnel tandis que les juges consulaires, venant de la société civile, seraient des échevins, c’est-à-dire de simples assesseurs… 

Le Tribunal de Commerce présidé par Roland Tevels
En prenant sa retraite, Gérard Saliba a-t-il bien fait ? C’est en observateur et non en acteur qu’il suivra la présentation du projet visant à moderniser le fonctionnement des tribunaux de commerce. Sur ce chapitre, les craintes sont grandes. Il y a belle lurette que les gouvernements se penchent sur cette question importante : en cas de faillite, des entrepreneurs, des commerçants peuvent-ils être jugés par leurs pairs qui n’ont pas suivi d’études en droit ?


Cette forme de justice, héritée des siècles passés, a des avantages. Bénévoles, les juges consulaires connaissent le monde de l’entreprise : c’est un milieu où ils évoluent ou ont évolué. Plusieurs tentatives de changement ont eu lieu, déclenchant les foudres des intéressés.
En 2002, une réforme prévoyait que les tribunaux de commerce seraient présidés par un magistrat professionnel assisté de juges élus. En contrepartie, des commerçants désignés siégeraient dans les cours d’appel quand seraient évoquées des affaires commerciales. Devant la levée de boucliers, cette perspective a été abandonnée. Une commission a alors été créée pour réfléchir à la formation des juges. En a résulté un droit à la formation pour tous les juges consulaires à l’École Nationale de la magistrature.
En février  2013, Christiane Taubira, ministre de la justice, a mandaté Didier Marshall afin d’étudier le délicat sujet. Au sein d’un groupe de travail, il a été chargé de réfléchir à une réforme globale de la justice de première instance et d’appel dont les conclusions ont été remises dernièrement.

On comprend mieux pourquoi le président Roland Tevels a fait part de ses inquiétudes lundi dernier, lors de l’audience solennelle de rentrée. « L’année 2013 a été marquée par un climat d’incertitude qui n’a pas permis de remplir notre mission dans des conditions sereines. Le chaud et le froid ont été soufflés sur l’avenir de notre institution ». En effet, la future loi prévoyait que le Tribunal de Commerce serait dirigé par un magistrat professionnel aux côtés d’un procureur. Les juges consulaires auraient tenu des rôles « secondaires », certains se comparant d’ores et déjà à des "potiches ". Face aux réactions, l’échevinage a été momentanément écarté car les juges consulaires menaçaient de se retirer. « Nous avons fait le choix de ne pas nous cantonner à un attentisme improductif et avons mené des actions dans l’intérêt de nos entreprises locales » confia le Président. En 2013, la cellule de prévention des difficultés en entreprises, animée par Janik Martin, a connu une progression de 70 % du nombre de convocations à un entretien. « Au nombre de 275, les affaires nouvelles sont en diminution de 9 % » enchaîna Dominique Amblard, responsable des affaires de contentieux. Le nombre de jugements est resté stable, d’où une diminution du stock des affaires en cours de 16 %. En ce qui concerne les procédures civiles, les ouvertures sont en baisse de 9,57 %. Toutefois, souligna Roland Caillet, « les sociétés étaient de taille plus importante ».
Parmi les échecs, citons TCV, entreprise de chaudronnerie située à Saint-Bris-des-Bois placée en liquidation par le Tribunal de Commerce de Nanterre (et non de Saintes). Cette décision a entraîné le licenciement de 35 salariés. Au titre des succès, la société Métalit, implantée à Mirambeau, a sorti la tête hors de l’eau grâce à la coordination de la CCI, de la CDCHS et du sous-préfet de Jonzac, Jean-Philippe Aurignac. Désormais en Scop regroupant 14 employés, elle est repartie avec un carnet de commandes convenablement rempli.


Où en est la justice commerciale ?

La communication officielle serait-elle ambiguë ? Il y a an, Christian Vigouroux, directeur de cabinet de Mme  Taubira, saluait l’engagement des juges consulaires, bien qu’étant à « la recherche des adaptations nécessaires à apporter au fonctionnement des juridictions commerciales et aux procédures collectives ». Sentant le vent venir, le président des Tribunaux de Commerce, Jean-Bertrand Drummen exprima sa détermination à préserver « cette belle exception française » tout en admettant la voie du progrès. Des points d’accords ont finalement été trouvés : renforcement de la formation du juge consulaire, présence d’un juge de la déontologie dans chaque juridiction (Guy Penot), du ministère public à chaque audience, définition prochaine du statut du juge consulaire. Deux questions sont encore en discussion : l’une sur la spécialisation, l’autre sur la simplification du droit des entreprises. Pour Roland Tevels, « l’introduction de l’échevinage constituerait une marque de défiance et de déresponsabilisation ». Récemment, la Garde des Sceaux a été prudente en déclarant : « nous n’en sommes pas là ». Les Tribunaux de Commerce demeurent néanmoins vigilants puisque le rapport Marshall préconise leur suppression avec l’avènement de Tribunaux Commerciaux assortis d’un échevinage généralisé…

Marc Binnié, greffier

Trois juges consulaires font leur entrée : Catherine Roudier Tercinier, directrice de la société Vallein Tercinier installée à Chermignac (dans la famille depuis 1850). L’entreprise spécialisée dans le négoce de cognac et du pineau, compte 7 salariés. Elle développe d’autres produits (liqueurs) et marques. - Michel Bel dirige une société spécialisée dans la gestion et les économies d’énergie. Deux fois président de la Jeune Chambre Économique de Rochefort, président de la Fédération Poitou-Charentes, conseiller économique et social à la Région, Michel Bel est membre de la Chambre des Métiers. - Christophe Drevet, ancien juge consulaire au tribunal de commerce de Saint-Jean d’Angély, est responsable de la concession automobile Volkswagen. Roland Tevels leur souhaita la bienvenue : « nous avons confiance en vos capacités de rendre la justice, indépendante, performante et rapide ». Outre une formation à l’École de la Magistrature de Bordeaux, les nouveaux juges bénéficieront d‘une formation interne de six séances programmées sur l’année.
Les juges consulaires


• Deux juges se retirent : M.  Marsaudon et Williams-Gobeaux ont souhaité prendre une retraite méritée. « Nous leur exprimons nos remerciements » souligna le Président.

 • Une cellule de prévention au suicide 

Le Tribunal de Commerce a mis en place une cellule psychologique de prévention au suicide des chefs d’entreprises. Une première en France qui intéresse de nombreux autres tribunaux. En 2013, 15 chefs d’entreprises ou proches ont été pris en charge dans la région de Saintes/Royan. • C’est moderne ! Le portail des juges leur permet de travailler sur les dossiers à leurs domiciles. Grâce à Marc Binnié, les documents scannés sont consultables à distance y compris sur les tablettes Ipad à disposition durant les audiences (les juges consulaires ont emboîté le pas aux étudiants dont certaines épreuves sont désormais sur tablettes !).

 • Me Lafont, nouveau bâtonnier du barreau de Saintes, rendit hommage à Didier Brejon de Lavergnée, brillant pénaliste décédé l’âge de 87 ans. En 2013, le barreau de Saintes a accueilli 5 nouveaux avocats : Stéphanie Brin, Maxime Chusseau, Thibault Kurzawa, Laure Mellier et Elsa Larrue. Deux autres avocats ont sollicité leur inscription en 2014. Malgré une diminution des moyens, il rappela que les avocats étaient disponibles 24h sur 24 et 365 jours par an pour les permanences de garde à vue et les audiences du juge des libertés et de la détention. « Peut-on concevoir que le budget de la justice ne représente que 2 % du budget global de l’État, dont la moitié est allouée à l’administration pénitentiaire ? » dit-il. En effet, la France se classe 37e sur 43 en terme de contribution. Le bâtonnier estime que « toute évolution, en particulier la création d’un tribunal commercial logé au sein d’une juridiction de première instance unifiée, ne pourra se faire sans moyens financiers, la crainte étant que l’État renonce à ses missions régaliennes sur les territoires éloignés des métropoles régionales ».



• Face à la création d’un tribunal commercial, Philippe Coindeau fit part de ses interrogations quant au rôle que tiendra le procureur. « Cette réforme est une question de philosophie politique. Je ne souhaite pas qu’on me prête un rôle qui n’est pas le mien ». Celui de censeur en particulier. « Quel rôle veut-on nous faire jouer ? Si le procureur est appelé à contrôler les actes, où se situera la confiance ?». Par ailleurs, il a insisté sur le délai de traitement des dossiers au T.C. afin de permettre aux chefs d’entreprises en liquidation de rebondir plus vite.

• Les plans d’une nouvelle organisation judiciaire 

Le rapport Marshall trace les plans d’une nouvelle organisation judiciaire visant à redonner à la Justice des perspectives au long cours. Les propositions issues de ce rapport ont pour objectif de permettre au citoyen d’accéder plus facilement à la connaissance de ses droits, de construire une politique de proximité adaptée à la réalité des territoires, de moderniser l’organisation judiciaire en privilégiant la qualité du service public rendu au justiciable qui devrait être davantage acteur de la solution de son litige, de renforcer les liens entre la Justice et la société civile et d’anticiper les évolutions de la Justice. Parmi les propositions, on peut notamment citer le regroupement des contentieux par blocs de compétence au sein des six tribunaux spécialisés et d’un tribunal dédié aux contentieux de proximité (les sept tribunaux étant regroupés au sein d’un tribunal de première instance), la généralisation des guichets universels de greffe dans les palais de Justice, la réforme procédurale des conseils de prud’hommes, le renforcement des effectifs de greffe dans les maisons de Justice et du droit, l’enrichissement des missions des greffiers, le développement de l’échevinage ou encore la mise en place d’un observatoire national de la Justice.

 • Christiane Taubira n’a pas écarté la possibilité de délocaliser les affaires les plus sensibles ou les plus importantes en termes de chiffres d’affaires quand les tribunaux concernés ne sont pas en capacité de les traiter correctement. En revanche, la réforme de la carte judiciaire des tribunaux de commerce n’est plus à l’ordre du jour.

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