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dimanche 2 février 2014

Philippe Coindeau : « c’est notre dernière chance de demeurer magistrats»


Tribunal de Grande Instance de Saintes

Il y a an, lors de l’audience solennelle de rentrée, Philippe Coindeau, procureur, n’était pas très optimiste. Cette année, il est encore plus inquiet. Explications.

Le TGI présidé par Stéphane Brossard
L’audience solennelle de rentrée du Tribunal de Grande Instance de Saintes, que préside Stéphane Brossard, avait lieu lundi après-midi.
Pour Philippe Coindeau, ce fut l’occasion - devant un parterre de personnalités - de rappeler les difficultés que rencontrent les magistrats du Parquet. « Je suis très fier de la robe que je porte depuis 20 ans. Élimée aux manches et au col, elle est le reflet des milliers d’heures que j’ai consacrées en tant que magistrat à ce qui est pour moi plus qu’un métier, une mission et un devoir : faire œuvre de justice. Aujourd’hui, le rôle du Parquet est remis en cause comme jamais ».
Par cette phrase empreinte d’émotion et de lassitude, on sent toute l’inquiétude qui gagne les procureurs, autrement dit ceux qui représentent la société lors des procès. La charge des parquets a augmenté en moyenne de 25 % en six ans et les effectifs sont préoccupants : à Saintes, seul un poste de juge des enfants a été créé. « La situation des parquets est à ce point catastrophique que 134 procureurs sur 168 se sont engagés à lire une motion appelant à un plan d’urgence pour les Parquets » soulignait récemment le procureur de la République de La  Rochelle, Mme  Pagenelle.

Philippe Coindeau, procureur au TGI de Saintes
En France, le nombre de procureurs est de 3 pour 10 000 habitants alors qu’en Europe, la moyenne est de 11. En 2012, les parquets de la Cour d’appel de Poitiers ont traité individuellement 3 034 affaires, ceux du parquet de Saintes 3 528… Ces chiffres se passent de commentaires. « Nous avons deux options. Soit nous nous laissons gagner par le désespoir, soit nous recherchons de nouvelles plages de respiration » enchaîna Philippe Coindeau qui reste déterminé. Malgré le manque d’effectifs : « si nous sommes cinq grâce au renfort de Mme  Vauquelin, elle nous quittera prochainement pour Poitiers suite à un congé de maternité, ainsi que Mme  Chimère. Comment allons-nous faire face à la situation à trois ? Nous ne pourrons pas. L’alignement du statut des magistrats du Parquet sur celui de ceux du Siège ne suffira pas. Il faut repenser les missions du Parquet en profondeur. Nous sommes les premiers garants des libertés individuelles et devons exercer pleinement notre contrôle sur l’enquête et la police judiciaire. À l’aube de la réforme de la justice du XXIe, c’est notre dernière chance, non seulement de demeurer magistrats, mais encore d’exister comme procureurs ». Il est évident que le resserrement des moyens alloués à la justice ne simplifie pas les choses.

Les avocats de Saintes dont le nouveau bâtonnier est Me Lafont
Les parquets sont-ils menacés d’une asphyxie programmée ? Philippe Coindeau a dressé un état des lieux réaliste. On en saura plus dans quelques mois quand le projet de loi Taubira sera présenté devant le Parlement. Affaire à suivre…


• Des chiffres 

Activité civile : affaires nouvelles 3666. Activité pénale : plaintes 16 872 dont 7 221 auteurs connus. Le taux de réponse pénale atteint 93 %. En chambre correctionnelle : 2020 affaires nouvelles. Tribunal d’Instance de Saintes : 1 155 affaires nouvelles (1 122 terminées) en contentieux général. TI de Jonzac : 354 affaires nouvelles dont 272 terminées. Le nombre de plaintes, qui peut paraître en diminution, résulte de nouvelles instructions. Désormais, toutes les plaintes reçues sur le ressort, mais concernant un autre Parquet, font l’objet d’une transmission directe. Le stock d’affaires nouvelles restant à enregistrer n’était que de 132 à la fin décembre 2013, une situation jamais connue depuis dix ans. Le nombre d’affaires poursuivables a augmenté, passant de 2 865 en 2012 à 3390, soit plus de 40 % des affaires traitées. La Cour d’assises a jugé 14 affaires en 2013 contre 21 en 2012.

 • Le procureur félicita de son action la police judiciaire de l’arrondissement de Saintes et plus généralement policiers et gendarmes. Courant novembre et décembre, des dizaines de gardes à vue ont permis de mettre fin à des trafics d’envergure.


• Un pôle de l’instruction à Saintes ? Stéphane Brossard, président du TGI, a tout d’abord donné les statistiques du Tribunal de Grande Instance dont la charge est presque comparable à celle du TGI de La Rochelle. Il a rappelé que Saintes était également le siège de la Cour d’Assises. Il a donc demandé qu’un pole de l’instruction soit créé à Saintes pour traiter efficacement les affaires pénales. Aujourd’hui, ce pôle n’existe qu’à La Rochelle.

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