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dimanche 29 décembre 2013

Charente-Maritime :
Tempête sur les maires du Sud


Le redécoupage des cantons suscite de nombreuses réactions. Le canton de Montguyon trouve surprenant qu’on puisse l’associer à celui de Montendre qui conserve sa place de chef-lieu. Réunis à Saint-Pierre du Palais lundi dernier, les maires ont clamé haut et fort qu’ils ne se laisseraient pas faire en se donnant rendez-vous le 24  janvier à La  Rochelle… 


Poignée de main historique entre Francis Savin et Alain Chiron, tous deux candidats aux élections cantonales de 2008 sur le canton de Montguyon
Serions-nous à l’aube d’un grand mouvement de contestation ? Il n’est par interdit de le penser. Que Francis Savin, conseiller général, et Alain Chiron, maire de Saint-Aigulin, entourés des 11 maires du canton de Mont-guyon, puissent s’exprimer d’une seule voix démontre que l’heure est grave.
Réunis lundi dernier à Saint-Pierre du Palais, ils ont scellé un pacte, celui de résister à la carte cantonale présentée la semaine dernière par Béatrice Abollivier, préfet. En effet, appartenir au grand Montendre leur semble incohérent, même s’ils ne nourrissent aucun grief contre les habitants de la cité des pins !

  «  Montendre va l’emporter sur les cantons de Montlieu et de Montguyon  » 

 Francis Savin est devenu conseiller général du canton de Montguyon en 2008. Il appartient à la majorité départementale et plus généralement à la mouvance radicale qui bannit le sectarisme : «  il m’est arrivé de voter des dossiers présentés par la gauche au nom de l’intérêt du territoire. Je m’en explique d’abord avec le président. Il a toujours admis que nous ayons une liberté d’expression, en dehors des partis ». Il est vrai que Dominique Bussereau, lors du renouvellement de la présidence départementale, a lui-même bénéficié d’une voix venue d’ailleurs qui n’a toujours pas été identifiée. Officiellement, du moins !
Francis Savin n’est pas un homme à faire des esbroufes. S’il a décidé de réunir ses troupes, c’est qu’une offensive est en vue. Une bataille en réaction à la carte cantonale qui devrait être opérationnelle en mars 2015. Cette fameuse carte, qui réduit considérablement le nombre des cantons (de 51 à 27) était attendue depuis longtemps : «  elle était connue depuis un an environ, mais elle était tenue secrète. Nous espérions que des modifications interviendraient entre-temps  » explique-t-il. Quand la présentation en a été faite vendredi à La  Rochelle, les élus du canton de Montguyon ont réalisé avec stupeur que les rumeurs se confirmaient . Leurs communes et celles de Montlieu seraient désormais englobées dans le grand canton de Montendre (eux préfèrent « canton des Trois Monts »).
« Vu la configuration géographique, cette sorte d’entonnoir, nous nous attendions à rejoindre Montlieu, mais pas Montendre. De ce fait, Montendre va l’emporter sur les cantons de Montlieu et de Mont-guyon. Or, si la ville de Montendre est effectivement la plus peuplée, le canton de Montguyon est plus dynamique avec des ouvertures de classes, l’installation de nouveaux habitants sur La Clotte et Saint-Martin de Coux en particulier. Avec ce redécoupage, nous craignons la disparition des services de proximité  » souligne un édile. En effet, qui prendra en charge les collèges de Montlieu, Montguyon et Saint-Aigulin et que deviendra la perception de Saint-Aigulin ? «  D’ici deux ans, elle risque de disparaître  » estime Alain Chiron. Des menaces planeraient pareillement sur les gendarmeries de Montguyon et de Montlieu. Le maire de cette commune, située au bout du département, est victime d’une situation compliquée : Saint-Aigulin est à la fois proche de la Dordogne et de la Gironde, département dont il se sent très proche. La  Rochelle est bien éloignée et que dire de Poitiers !


«  Lalande se tourne trop vers Jonzac  » 

 Le maire de La Clotte, Claude Peynaud, déplore la distance qu’il faut accomplir pour se rendre à la préfecture ou au Conseil général de La Rochelle. «  Montendre ne sera pas la porte à côté pour aller récupérer les documents administratifs. Ce que nous voulons, c’est un rapprochement équilibré des cantons de Montlieu et Montguyon. Je vois comment ça se passe à la Communauté de Communes de Haute-Saintonge, Bernard Lalande se tourne trop vers Jonzac  ». Le maire de Saint-Martin de Coux abonde en son sens : «  ce qui est regrettable, c’est la disparition des chefs-lieux que sont Montlieu et Montguyon  ». Des comparaisons sont avancées au niveau de la population : «  Le canton de Montguyon compte 10 000 habitants et ce chiffre devrait évoluer dans les années à venir. Ceux de Montlieu et de Montendre sont respectivement à 6 000. Cela veut dire que nous allons faire 30  km pour se rendre à Montendre où la population est inférieure à la nôtre. Pourquoi les législateurs n’ont-ils retenu que le critère de population de la ville centre ?  ».

Francis Savin s’interroge sur la disparition des 15 % de subventions alloués aux chefs-lieux appelés à disparaître : «  La ville centralisatrice en profitera-t-elle ? Le Ministère n’a pas donné de réponse. Je suis l’action de Dominique Bussereau qui est de défendre la ruralité et son développement face aux zones urbaines qui ont davantage de moyens. Il n’y a pas si longtemps, on entendait dire que le Sud Saintonge était désert et qu’il ne s’y passait rien. Nous avons travaillé pour insuffler une vitalité et voilà que nos efforts seraient réduits à néant  ».
Alain Chiron, décidément remonté, rappelle qu’à Saint-Aigulin, il y a «  2 000 habitants, 2 800 hectares, 35 km de routes, 9 km de rues, 10,000 m2 de places, des entreprises et des artisans. Je pense que nous avons toute notre place  ». François Bastère, maire de Mont-guyon, partage ses arguments : «  A Montguyon, nous sommes à égale distance entre Montendre et Saint-Aigulin. Montguyon doit être chef-lieu de canton. Si l’on raisonne en terme d’habitants de pareille façon pour la CDCHS, ce n’est plus Jonzac qui devrait en être la capitale au 1er  janvier 2014, mais Pons !  ». 
Les préoccupations des maires pourraient se résumer à cette déclaration : « Nous, au fond de la Saintonge, on va perdre notre identité si Montendre est le patron !  ». Et un édile d’ajouter : « tout cela est politique, la gauche veut prendre la présidence du département. On politise tout et c’est mauvais. Moi, je suis de gauche et pourtant, j’ai voté pour Francis Savin aux dernières élections. Il est important de savoir dépasser les clivages  ». Certains ajoutent que la proportionnelle imposée dès 1000 habitats va changer la donne tandis que d’autres auraient carrément souhaité un référendum pour redéfinir les cantons.


Les ruraux ont une valeur moins importante que les urbains 

 Cette réunion était la première. Face aux journalistes, les maires ont dit ce qu’ils avaient sur le cœur, mais ils veulent aller plus loin : «  ce sera plus hard  » avoue l’un d’eux. Bien sûr, ils seront le 24  janvier au Conseil général avec leurs écharpes tricolores : les 472 maires que compte le département seront invités à y exprimer leurs doléances. «  Nous ferons entendre nos voix face à ce tripatouillage. Les ‘‘Doubots’’, autrement dit les habitants de la Double, sont en colère. Nous sommes des hommes libres et entendons le rester  » clame Alain Chiron qui n’y va pas de main morte : «  Savez-vous que les ruraux ont une valeur moins importante que les urbains ? 75  euros pour le secteur rural, 115  euros à La Rochelle et 128 euros à Bordeaux ! Les CDA ont des dotations plus conséquentes que les CDC  ».
«  Quand le département choisit d’aider les communes de moins de 5 000 habitants, il fait le bon choix  » ajoute Francis Savin qui guide le canton de Montguyon dans sa riposte. «  Ce redécoupage, nous ne l’acceptons pas. Nous dirons au préfet que nous voulons rejoindre Montlieu. Le maire de Montlieu ne sera pas d’accord ; les autres communes, comme Chevanceaux ou Bussac, le seront. Si nous ne sommes pas entendus, nous ferons des recours auprès du Conseil d’État  ».


Claude Peynaud est las de voir le Sud Saintonge « oublié » : «  Par notre action, nous avons démontré que nous appartenons pleinement à ce département  ». «  Il ne faut pas croire que nous sommes opposés aux Montendrais et nous n’avons rien contre la personne de Bernard Lalande. Le seul hic, c’est de voir l’anéantissement d’années d’efforts pour densifier le canton. Les gens qui arrivent ici veulent des structures, de la vie associative. S’il n’y a plus rien à offrir, aucun ingénieur ne viendra travailler à Saint-Aigulin. La désertification sera à craindre  » déclare Alain Chiron. Francis Savin admet que depuis la réouverture de l’école, fermée durant seize ans, la physionomie de Saint-Pierre du Palais a changé. «  Nous allons soumettre une contre proposition au préfet. Ce n’est pas une attitude de village gaulois, mais une réaction de bon sens  » conclut-il en ne se faisant guère d’illusion : «  Le ministère a travaillé sur deux ratios, la population et l’aspect politique. Ici, on est habitué à être bouffés et si l’on voulait faire de l’humour, on pourrait dire qu’il faut en faire deux fois plus, comme les femmes, pour être reconnus !  ».

Bref, les maires du canton Montguyon, fiers de leur culture gabaye (qui les distingue du secteur de Montendre) sont prêts à monter au créneau : «  Nous sommes des tignousses !  ». À suivre…

Nicole Bertin

 • Cherchez la femme ! Les nouvelles dispositions des élections départementales, où seront élus à la tête de chaque canton un homme et une femme, attire l’attention d’Alain Chiron : «  Quelles femmes seront sollicitées par les candidats masculins ? Là, il ne s’agit pas d’une simple suppléante (une adjointe, une proche), mais d’une élue qui aura de véritables responsabilités et n’habitera pas l’ancien canton du sortant. Avec le nouveau découpage, on peut imaginer qu’un élu de gauche prendra pour partenaire une femme qui aura pris sa carte au PS la veille ! Où seront alors les cohérences  » ? S’il est pour la parité, Francis Savin admet qu’il est inélégant, pour la gent féminine, de légiférer afin de favoriser leur entrée sur la scène publique : «  on aurait pu trouver d’autres solutions. Infliger de grosses amendes aux partis par exemple  ».

 • Francis Savin souligne que Montguyon a un vrai rôle à jouer dans le Sud Saintonge : Il y a la LGV et le futur centre de maintenance de Clérac, le centre d’enfouissement des déchets, l’usine Calcia, des entreprises, des travaux routiers prévus au Jarculet, etc.

 • Alain Chiron est désespéré quand un Aunisien lui demande où se trouve Saint-Aigulin : «  entre Marrakech et Oslo  » répond-il. Francis Savin se souvient qu’à son élection de 1995, un élu honorablement connu lui avait dit en venant à Saint-Pierre du Palais : «  jusqu’à Montendre, je prendrai la diligence et le chameau jusque chez vous  ». Depuis, la personne a révisé ses appréciations !

 • Le pont de la Dronne : Il est bien mal placé à Saint-Aigulin entre la Dordogne et la Charente-Maritime. Bilan, les travaux nécessaires traînent en longueur…

 • C’est sous Napoléon que La  Rochelle a été désignée préfecture plutôt que Saintes. La faute à un décolleté, paraît-il ! Histoire que déplorent vivement les maires du Sud favorables à un rapprochement avec la Gironde. Daniel Daviaud, le père de Pierre-Jean, en était le fervent défenseur avant que Jean-Pierre Raffarin ne reprenne le flambeau. D’ailleurs, de nombreux habitants du Sud Saintonge se font soigner à Libourne et vont faire leurs courses à Bordeaux. Jonzac et Saintes, c’est plus loin !

• Pour tous les maires, ce redécoupage est politique. Dix-huit conseillers masculins vont d’ailleurs quitter la scène en 2015, devant céder leurs places à des femmes. Sur le canton de Montendre, la situation risque d’être cocasse avec un duel Bernard Lalande (PS) face à Francis Savin (majorité départementale). Le choix de leurs compagnes féminines reste bien sûr à déterminer…  

Plutôt bons amis, Bernard Lalande et Francis Savin seront-ils opposés lors des prochaines élections départementales de 2015 ?

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