Pages

vendredi 6 septembre 2013

Pondichéry, Dubaï, Sainte-Rose : Pourquoi ils ont choisi de vivre ailleurs ?

  
Pourquoi quitter la France, la terre dite de la liberté, de l'égalité et de la fraternité, pour s'installer à l'étranger ? Après tout, pourquoi pas ? Dans les siècles passés, on faisait bien ses "humanités", c'est-à-dire que toute personne empreinte d'humanisme partait à la découverte d'autres cultures, donc de nouveaux pays, pour compléter son éducation qui comprenait l'étude du latin et du grec. Cette formation sur le terrain prenait du temps, voire plusieurs années, les moyens de déplacement étant moins rapides qu'aujourd'hui. Certains allaient à pied. Imaginez le périple d'Anvers à Naples ! 
De nos jours, les motivations sont multiples, mais elles ont souvent le même fondement : le goût du dépaysement, la curiosité, le partage. D'autres raisons sont nettement plus matérialistes : salaires plus attractifs, mentalités différentes, impositions moindres, désappointement quant à la vie en France où l'emploi est parfois difficile à trouver. 

Les trois couples qui ont accepté de témoigner possèdent des racines saintongeaises. Leur départ à l'étranger résulte soit du hasard, soit d'une sorte de prédestination. En tout cas, ils continent à aimer la France, cette mère patrie où habitent encore leurs parents et familles. Racines, quand tu nous tiens… 

• Valérie et Denis Delcroix :
Destination Pondichéry 

En choisissant l'Inde, Valérie et Denis Delcroix n'ont fait que raviver une vieille tradition. Certes, l'Inde est actuellement un pays émergent où l'informatique - leur domaine professionnel - est en pleine expansion. Toutefois, on ne peut s'empêcher de penser que l'Inde, ou plutôt les Indes comme on les appelait autrefois, a fait fantasmer des générations d'Européens.
C'est au XVIIe siècle, sous le règne de louis XIV, que la jeune Compagnie Française des Indes Orientales, émanation du ministre Colbert, achète un village du nom de "Poudouchéry". L'objectif est précis, il s'agit de devancer les autres comptoirs français que sont Chandernagor, Karikal, Yanaon et Mahé.
Au XVIIIe siècle, la ville de Pondichéry connait une véritable essor qui suscite l'envie des Britanniques. Ce sont d'ailleurs les Anglais, nos ennemis de toujours, qui finissent par l'attaquer et la raser. Après une suite compliquée faite de rebondissements (alors que l'Inde se prépare à l'indépendance, n'oublions pas que les comptoirs français, peuplés d'environ 300.000 habitants, deviennent le 27 octobre 1946 un territoire d'Outre-mer avec un statut particulier représentés par un député et deux conseillers de la République !), Pondichery est finalement rattachée à l'Inde sous le gouvernement de Pierre Mendès France.
La France est donc restée trois siècles à Pondichéry, c'est pourquoi elle en garde des traces indélébiles. La présence d'un quartier français en son sein n'est pas autrement surprenante.


 En s'installant en Inde, Denis et Valérie se sont soumis à un rituel hindouiste qui consiste à bénir l'entreprise que l'on vient de créer.
« Il s’avère que très fréquemment, les candidats au départ cherchent à fuir. J’ai rencontré plusieurs types de fuite : ceux faisant suite à un échec amoureux, assez nombreux ; c’est une façon très officielle de prendre de la distance géographique. Certains fuient également une famille trop pesante. Il y a aussi ceux qui décident de partir après un échec ou une "crise" professionnelle. Une entreprise en difficulté, des séries noires, la crise économique, les difficultés à trouver de nouveaux clients. Dans notre cas, nous étions confrontés à la concurrence des agences web parisiennes qui faisaient déjà appel à la création offshore afin de minimiser leurs coûts de production. Une agence de province comme la nôtre ne pouvait pas lutter, surtout si l’on ajoute à cela un gros impayé laissé par un client indélicat » explique Valérie. Quand une société rencontre des problèmes, certains se contentent de laisser les bras et de se lamenter.  

Valérie, Denis et leurs quatre enfants, dont le dernier n'avait que 16 mois, se sont envolés pour Pondichéry en 2007. Pour eux, quitter Jonzac n'était pas forcément triste puisque la perspective d'un nouvel avenir se dessinait. N'empêche, il y a toujours un pincement au cœur.

« Pour quitter sa terre, il faut un ingrédient indispensable : l’envie ou le besoin de relever un challenge. Se donner un nouveau défi à affronter constitue en soi une nouvelle aventure. Il s’avère que c’est un très bon antidote aux problèmes du passé, surtout quand à force de travail, on parvient à être satisfait de la tâche ou de la mission accomplie loin de chez soi. Bien sûr, il y a aussi l’indispensable le goût de l’aventure, l’attrait de la nouveauté. La découverte de nouveaux horizons est extrêmement stimulante : nouvelle culture, nouveau paysage, des personnes ayant d'autres paramètres d'éducation. Lorsque la routine et les tracas nous envahissent, on aime l’idée d’aller voir si l’herbe n’est pas plus verte ailleurs. On ne sait jamais ! Toutefois, s'en aller n’est pas facile. On laisse des êtres chers derrière soi et malgré les moyens modernes de communication, rien ne remplace une vraie présence physique. On paie parfois le prix fort lors d’un départ, surtout lorsqu’on ne peut pas être auprès des siens lors de moments graves. Les périodes de fêtes sont l’occasion de profonds questionnements. Mais lorsqu’on fait le choix du départ et que l’on enclenche le processus administratif qui concrétise chaque pas, il y a quelque chose d’extrêmement grisant qui nous porte. En affrontant chaque nouvel obstacle avec détermination et patience, on parvient à ses fins ». 

A l'heure des bilans, Valérie et Denis sont satisfaits de ce qu'ils ont construit à Pondichéry. « Aujourd’hui nous partageons nos vies, à tour de rôle, entre l’Inde et la France. Cette aventure nous a également donné un regard neuf sur notre propre pays, peut-être plus indulgent. Notre vie à Pondichéry nous a permit de découvrir plus profondément la culture hindouiste, riche et passionnante. Il faudrait des pages et des pages pour en décrire toutes les nuances, les subtilités. L’Inde est un pays immense plein de paradoxes, de contrastes, de surprises »…

Actuellement, les enfants du couple suivent leurs études en France après avoir fréquenté le lycée français de Pondichéry. Plus simple pour eux, sans doute ! La famille reste cosmopolite et c'est sans surprise que toute la tribu est bilingue ! A part Lorenzo le petit dernier, trop jeune encore, mais qui ne devrait pas tarder à suivre l'exemple familial !

• Antoine et Belky Furet
en Guadeloupe 


La Guadeloupe, c'est la France. Pourtant, il faut environ huit heures pour s'y rendre en avion en traversant l'Atlantique. Un mieux appréciable par rapport au passé quand il fallait prendre le bateau !
Le départ d'Antoine, dont les parents habitent Expiremont dans le canton de Montendre, est intimement lié à son premier emploi. « Je savais que je ne trouverais pas de travail en Charente-Maritime ! J'ai donc cherché ailleurs » avoue-t-il.
Diplômé dans le secteur du bois avec une spécialité dans le commerce international, il a été recruté par la scierie Piveteau, dont le siège est en Vendée. Elle possède plusieurs agences en Guadeloupe, au Lamentin, Basse Terre et Saint-François. Antoine n'a pas hésité à boucler sa valise quand on lui a proposé de partir aux Antilles. Sa famille, qui a vécu en Chine, lui avait donné le goût du voyage. Chez les Furet, on a l'habitude des aéroports !

Le rocher de l'Anglais (Guadeloupe)
En poste au Lamentin depuis 2003, Antoine est chargé de gérer les arrivages et de développer les ventes de bois qui servent à la construction des bâtiments : « En Guadeloupe, Piveteau est une société qui propose du pin en provenance de France, épicéas, pins maritimes, mélèzes, Douglas. Autrefois, dans les Caraïbes, on n'utilisait que du bois exotique, mais la déforestation fait qu'il est devenu plus rare et cher. Le pin présente des avantages. En effet, il résiste mieux aux vents violents. En cas de cyclone, les maisons sont déformées mais elles restent debout, alors qu'avec du bois rouge, elles cassent. Le pin offre un bon rapport qualité. C'est un produit durable à un tarif tout à fait accessible».
Antoine est devenu incollable sur le sujet. Il s'est d'ailleurs familiarisé avec le créole, langue couramment parlée dans les Caraïbes pour répondre aux besoins de la clientèle. Avait-il pensé un jour vivre loin de sa terre natale ? « Non, les choses se sont déroulées ainsi » dit-il simplement.

La plage de Cluny en Guadeloupe (photo N. Bertin)
Il a découvert la Guadeloupe avec plaisir : il y fait toujours beau (fini les pulls et le chauffage) et que dire des nombreuses activités sportives (plongée, VTT, rando, nautisme, etc). Les paysages sont superbes, les plages tout autant : « en une seule île, tout est réuni, partie sèche volcan, végétation tropicale, mer ! ». La vie, moins stressante qu'en Europe, présente des avantages, mais aussi un inconvénient . Les prix des denrées sont très élevés car elles arivent de métropole. D'où des mouvements de contestation qui ont lieu de temps à autre (le dernier concernait le prix de l'essence en particulier et les dix produits de première nécessité). La culture de la canne à sucre et de la banane ne suffit pas, en effet, à faire prospérer l'économie.

Antoine en famille
Antoine et sa femme Belky, d'origine haïtienne, ont deux filles qui fréquentent l'école primaire de Sainte-Rose, Melissa et Cathy. Au fil des années, Antoine s'est habitué à sa vie guadeloupéenne et il n'a pas l'impression d'être un "métro", surnom que donnent les autochtones aux natifs du continent. Pour lui, vivre son premier job aux Antilles est intéressant. Par la suite, il reviendra peut-être en France, qui sait ?

• Frédéric et Samiramees Copper-Royer :
c'est Dubaï qu'ils préfèrent ! 

Bonne nouvelle pour Béatrice Copper-Royer, psychologue bien connue, et Edouard son époux, leur fils Frédéric est en France pour les vacances. Accompagné de son épouse d'origine irakienne, Samiramees, il fait une pause à la Boucauderie, grande maison située sur la commune de Chaniers dont son oncle, Xavier de Roux, est maire. 
Derrière ses lunettes rondes, le regard de Frédéric pétille : il est heureux d'y retrouver sa fratrie ! Il y a belle lurette qu'il n'est pas venu en Charente-Maritime. Le voilà tout prêt à y faire des escapades : Saintes, La Rochelle, Talmont, Cordouan et pourquoi pas Bordeaux ? 

Evidemment, les paysages saintongeais le changent de Dubaï, cette ville des Emirats Arabes Unis connue pour le gigantisme de ses projets immobiliers comme Palm Islands, presqu'île artificielle en forme de palmier, The World, archipel artificiel qui reproduit la carte du monde, la Dubaï Marina à l'architecture démesurée, le Burj Khalifa, l'immeuble le plus haut du monde ou le Burj-Al-Arab, l'établissement le plus étoilé de la galaxie ! Arrêtez, n'en jetez plus. Nos modestes églises romanes ou gothiques sont incapables de rivaliser avec l'architecture démesurée de la première destination du tourisme de luxe au monde…

Frédéric a toujours a été attiré par l'international ; il a donc naturellement privilégié l'apprentissage des langues étrangères, dont l'arabe. Après des études de droit, il a fait un master à l'Université américaine du Caire où, coupant le cordon selon l'expression, il a appris à voler de ses propres ailes : « Même si la ville semble énorme, on n'y est jamais seul. L'Egypte est un pays accueillant où se lient facilement des contacts ». Il y séjourne de 1999 à 2002.
De retour à Paris, intéressé par la musique, les droits et les licences, il écrit au responsable de la société EMI qui lui propose un poste à Dubai. L'offre est tentante : « les Emirats sont une région dynamique du Golfe. Le contexte y est plutôt libéral, les choses bougent !». Il est alors chargé d'organiser la production et la vente de musique arabe pour les détaillants. Incollable dans ce domaine, c'est avec une certaine émotion qu'il montre des vidéos d'artistes renommés, Amr Diab, Nancy Agram ou George Wassouf.
Peu à peu, Frédéric pose ses marques. Après avoir travaillé pour Warner, il est engagé par Nokia pour diriger la plateforme musique (téléchargements, relations avec les maisons de disques). Aujourd'hui, il fait partie du groupe audiovisuel OSN (bouquet satellite) dans le "business dévelopment".

Frédéric Copper-Royer et son épouse Samiramees qu'il a épousée en 2011. Elle travaille avec lui à Dubaï dans le marketing digital.
Comment vit-on à Dubaï ?

« C'est comme partout. Quand on arrive, on essaie de trouver sa place. La concentration à Dubaï est importante. Les gens qui s'y installent viennent du monde entier, Anglais, Australiens, Canadiens, Sud Africains, Français, Indiens, Iraniens, Pakistanais, Philippins, Arabes. On y vit bien à condition de trouver un emploi suffisamment rémunérateur. Le salaire minimum n'existe pas, de même que l'impôt sur le revenu. Les salaires liés aux services sont faibles. Sur les feuilles de paie, vous n'avez aucune retenue. En ce qui concerne les revenus les plus bas, l'employeur prend à sa charge la nourriture et le logement, participation qui peut simplifier la situation ».
A partir d'un certain niveau, les cadres peuvent s'offrir un logement : il en coûte environ 1800 euros mensuels pour un maison avec deux chambres et un garage. Le monnaie utilisée est le dirham (un euro = 4,85 dirhams). Les résidents sont soumis à des impositions sur l'habitation, le foncier.
« A Dubaï, il est préférable d'avoir une voiture car les distances sont importantes et les transports en commun peu nombreux. Les commerçants sont très disponibles. On peut se faire livrer à n'importe quelle heure et la plupart des boutiques sont ouvertes toute la nuit. Les marchés, riches en produits typiques, sont légion. Le choix est vraiment large ».
Les voitures que l'on croise le plus souvent sont des Ford, des Porsche ou des Toyota. Les Françaises, à l'exception des Peugeot, y brillent par leur absence. « Les habitants sont souvent flambeurs car la réussite sociale est un élément capital à leurs yeux ». 
Le week-end, les habitants font du bateau, de la plongée ; ils vont à la plage ou au cinéma où ils retrouvent des Saoudiens (il n'y a pas de cinéma en Arabie Saoudite !). Il voyagent également, à destination d'Oman par exemple.

Un eldorado, Dubaï ? Il faut tout de même se méfier : « en 2008, la bulle immobilière a explosé et Dubaï n'a pas échappé à la crise. Les gens endettés sont partis et on les a vus abandonner leurs Ferrari devant les aéroports. Cette vision était surréaliste » admet Frédéric. Depuis, Dubaï a pansé ses plaies et de nouveaux challenges sont à relever.
Dans quelques semaines, Frédéric et Samiramees rejoindront leur pays d'accueil… sans vêtements hiver dans leurs valises. En effet, à Dubaï, le temps est ensoleillé presque toute l'année ! Rares, les pluies se concentrent en hiver. De décembre à février, il fait de 22 à 25 degrés. L'été, le thermomètre grimpe, assorti d'un taux d'humidité important. En juillet et août, on peut atteindre des pics à 50 degrés avec tempêtes de sable ! Certains vacanciers cherchent alors la fraîcheur dans les centres commerciaux. Bref, le dépaysement est assuré !

La condition des femmes à Dubai : Seules les musulmanes pratiquantes se voilent dans leur vie quotidienne ; les autres sont libres de se vêtir à leur guise. Le femmes peuvent occuper des postes à responsabilité et conduire une voiture. Contrairement à l'Arabie Saoudite, elles se rendent à la plage et mettre un bikini n'est pas interdit. Chaque pays du Moyen Orient a sa propre culture et ses traditions. Ainsi, dans les Emirats Arabes Unis, la femme porte souvent la abaya, sorte de manteau léger de couleur noire.

• Les Dubaïotes connaissent la France : En effet, les gens du Golfe voyagent souvent en Europe, Paris, Londres, Marbella. Comment voient-ils les Français ? Paris est la capitale de l'élégance, du savoir-vivre et de la gastronomie.

Reportage : Nicole Bertin

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire