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mercredi 13 avril 2011

Michel Danglade descendait
d’une lignée de corsaires


L’artiste a quitté le port

Michel Danglade, membre de l’Académie de Saintonge, est parti avec le printemps à l’âge de 92 ans. Vendredi 18 mars, il a quitté son port d’attache à la jolie saison. Sa famille et ses amis nombreux l’ont accompagné à sa dernière demeure, dans le petit cimetière de Chassors, en Charente. Il y a quelques années, cet artiste, qui excellait dans les marines, avait exposé au Cloître des Carmes de Jonzac. Histoires d’eau, ambiances d’été, légèreté du trait : le rendez-vous ne manquait pas de charme.


Michel Danglade était un homme courtois et discret qui vivait au Logis de Chassors, une commune souriante de Charente. Poète et artiste, il sortait son chevalet dès que l’occasion se présentait. Il y a quelques années, il avait exposé à Jonzac, invité par l’Université d’été que présidait alors Pierre Nivet.

Plusieurs lieux avaient retenu son attention. Il s’était installé du côté du Pont de Pierre, à Jonzac, et à Meux où il avait “croqué“ le château de Monique Guilbot.
« Au plus subtil de son art, Michel peint la lumière de la brume qui voile l’horizon et quelque chose d’autre » écrivait son ami et voisin Jean Duché. « Quelque chose d’autre » ? Que voulait dire cet auteur renommé ? La meilleure façon de le savoir était de poser la question à Michel Danglade.

Une famille de corsaires

Ayant obtenu ses “brevets“ de capitaine au long cours, il s’était livré à la confidence. Les vagues clapotaient doucement sur la coque du temps, ravivant les souvenirs d’une époque où la mer était scène de combats acharnés. « Savez-vous que je descends d’une lignée de corsaires ? Mes ancêtres ont sillonné l’Atlantique du XVIe au XIXe siècles, de Louis XIII à Napoléon. À Bayonne, ils occupaient toute la rue des Basques ».


Un pan du rideau se levait : cette hérédité lui avait donné le goût de la découverte ! « Ne confondez pas corsaire et pirate » ajoutait-il dans un souci de précision, « le corsaire était habilité par le Gouvernement à capturer les bâtiments de commerce ennemis au pays tandis que le pirate était un bandit qui s’adonnait au pillage ». Sans autorisation du Roi.

Les Danglade n’avaient pas froid aux yeux et surtout, ils avaient le pied marin. « Être corsaire était un bon métier. L’équipage gardait une partie de la cargaison et remettait l’autre aux autorités ». En réalité, il faisait un peu ce qu’il voulait ! Comme la France était souvent en guerre, contre l’Angleterre et l’Espagne en particulier, les attaques étaient nombreuses et l’activité prospère. Les corsaires se trouvaient à Saint-Malo et dans le golfe de Gascogne. « Un de mes cousins a récupéré des documents nous concernant aux Archives de la mairie de Paris. Parmi les prises les plus importantes, l’un de mes aïeux, prénommé David, à bord de l’Aimable Françoise, avait capturé un énorme bateau anglais. Par contre, Jean-Baptiste Danglade, responsable du Iéna, avait capitulé face aux Britanniques. Les capitaines capturés servaient alors de monnaie d’échange ».

Comme vous l’imaginez aisément, les Danglade and Cie ne vivaient pas un long fleuve tranquille ! Ils étaient courageux et aventureux…

Fraîcheur et évasion

Michel Danglade avait choisi une destinée plus calme que ses ancêtres. Né à Libourne, en Gironde, il avait fait carrière dans les spiritueux.
La famille de son père étant dans “le vin“ (affaire créée avant la Révolution) et celle de sa mère dans “le cognac“, il ne pouvait guère échapper au destin des “alcools“.
Il travailla successivement pour la Maison Bisquit, achetée par Ricard en 1967, puis devient directeur commercial chez Martel. Dès qu’il en avait l’occasion, il dessinait : « je peins depuis toujours » avouait-il. Ce passe-temps lui permettait de retrouver la fraîcheur d’une nature qui s’offre au rythme des saisons.

Il appréciait la quiétude des grandes étendues et la paix, lui qui connût les affres de la Seconde Guerre Mondiale. « En 1940, j’appartenais au 20e Dragon de Limoges et j’escortais à cheval les troupes de reconnaissance. On m’avait confié ce poste parce qu’au régiment, je dressais des chevaux dans la cavalerie. J’ai vu mourir des camarades sous mes yeux et j’ai moi-même été fait prisonnier par les Allemands qui m’ont conduit dans un camp, en Autriche. On dit que c’est un pays magnifique. Je n’ai jamais osé retourner dans le village où j’ai été détenu. J’y ai contracté une double pleurésie et je suis rentré à moitié mourant. Je m’en suis sorti. C’est presque un miracle »

Ces moments douloureux, Michel Danglade les avait “exorcisés“ par la bonne humeur et la convivialité, les joies simples, le bateau qu’il a longtemps pratiqué et surtout l’aquarelle qui l’accompagnait vers d’apaisants rivages.
Au fil des années, sa palette s’était imposée tant en France qu’à l’étranger. Des galeries parisiennes renommées ont accueilli ses œuvres, sans oublier le Palais de Chaillot et la Fondation Rothschild.
Ses tableaux, aux thèmes campagnards ou maritimes, en disent long sur sa personnalité généreuse, qui voulait rendre au monde ses teintes azurées et ses sources abondantes de sérénité.

Réunion de l'Académie de saintonge à Chassors, chez Michel Danglade. Michel est au premier rang, derrière lui, on reconnaît son ami Alain Braastad.

Lors de la dernière assemblée de l'Académie de Saintonge, en 2010, Michel, qui n'avait pu se déplacer jusqu'à Saintes, était apparu sur l'écran de la salle Saintonge. La médaille spéciale de l'Académie lui avait été décernée.

Vendredi 18 mars, il a jeté sa bouteille à la mer. En y laissant un charmant message pour chacun d‘entre nous. Nous ne l’oublierons pas.

Nous adressons à son épouse, ses trois enfants Annie, Laure et Bertrand, ses sept petits-enfants et à toute sa parenté, nos sincères condoléances.

Nicole Bertin


Michel Danglade avait publié plusieurs livres, tous joliment illustrés par ses soins : L’abécédaire des bateaux, Nouvelles des îles, Topographie des Estuaires. Des titres qui conduisent le lecteur vers d’autres horizons.

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