Pages

samedi 19 mars 2011

Après la tempête de 1999,
la centrale nucléaire du Blayais
a tiré les leçons
« d’un incident sérieux »


Le 27  décembre 1999, la région bordant l’estuaire de la Gironde a été victime d’un terrible raz-de-marée. Aux premières loges, la centrale nucléaire du Blayais, construite en bordure du fleuve, a vécu une nuit cauchemardesque, l’eau s’étant introduite dans certaines installations.
Un cas de figure que n‘avaient pas imaginé les concepteurs du site.


Construite en 1975, fonctionnant depuis 1981, la Centrale du Blayais compte 4 réacteurs.

Des équipes ont été rappelées en toute hâte. Certains personnels ont eu bien du mal
à rejoindre les lieux en raison des éléments déchaînés (routes inondées, arbres tombés). Alors responsable de la centrale du Blayais, Jean-Louis Charrière avait tiré les leçons de ces événements inattendus. Il reconnaissait, en particulier, de ne pas avoir suffisamment tenu compte des bulletins météo alarmants reçus dans l’après-midi. En fait, personne ne croyait que les vents déchaînés atteindraient jusqu’à 180 km/h. C’est pourquoi aucune mobilisation particulière n’avait été demandée par les responsables.

En janvier 2000, d’importants travaux ont été réalisés à l’intérieur des bâtiments. À l’extérieur, la hauteur de la digue est passée de 5,20 mètres à 6,20 mètres. Deux mois et demi après la tempête, Jean-Louis Charrière se voulait rassurant : « toutes les dispositions seront prises afin de ne pas revivre une pareille épreuve » disait-il.

Les gens du coin étaient plus méfiants : le jour de la tempête, si le coefficient de la marée avait atteint 110 par exemple (il était bas, fort heureusement), les vagues auraient été plus importantes. Et si elles avaient dépassé trois mètres (au lieu de 80 cm à un mètre environ), on imagine l’ampleur des dégâts subis par la centrale construite, comme chacun sait, sur une “ancienne” zone inondable. En perdant l'alimentation électrique, on aurait alors été proche du cas dramatique de la centrale de Fukushima au Japon. « La centrale du Blayais devrait se trouver beaucoup plus loin à l’intérieur des terres » soulignent les observateurs qui ne sont pas forcément des anti-nucléaires.
Que se serait-il passé si les systèmes de sécurité avaient été mis hors d’usage ? Question…

En 2000, Jean-Louis Charrière, directeur de la centrale du Blayais, nous avait accordé cet entretien 

• La nuit du 27  décembre, la terrible tempête qui s’est abattue sur la région n’a pas épargné la centrale. L’eau de l’estuaire, franchissant les digues de protection, s‘est introduite dans le sous-sol des bâtiments des installations 1 et 2 mettant hors d’usage une partie du système de sécurité. Deux des quatre réacteurs ont été arrêtés, situation qu’aucun responsable n’aurait pu imaginer. Comment avez-vous vécu cette nuit “exceptionnelle” et surtout comment avez-vous organisé les secours ?

Cette nuit était exceptionnelle en effet. Elle a été vécue par toutes les équipes qui étaient de service comme un moment d’une grande intensité et d‘une certaine tension, mais aussi d’une bonne maîtrise. À aucun moment, ces équipes ont eu le sentiment d’être dépassées par les événements car elles possèdent un haut niveau d’entraînement quant aux situations de crise. Ces situations de crises techniques ne sont pas tout à fait de même nature que celles que nous venons de vivre, mais elles permettent d’avoir une expérience et un acquis. Plusieurs semaines par an, les équipes de conduite sont entraînées à faire face à des situations très dégradées sur des pertes de matériels de sûreté risquant d’entraîner un incident, ou à un accident nucléaire. Les hommes répètent ces situations sur des simulateurs dans des centres de formation EDF. Des exercices réguliers leur permettent d’intervenir en toutes circonstances. Le fait de perdre des alimentations électriques du site faisait partie des risques. Nous avons des documents qui permettent de savoir comment gérer ce problème en faisant appel aux groupes électrogènes de secours. Sur ce plan, les équipes étaient dans un domaine connu. Cette expérience leur a permis de se consacrer à la réflexion et à l’adaptation sur d’autres éléments qui, eux, étaient imprévus.

• Vous voulez parler de l’infiltration des eaux de l’estuaire dans les installations. Vos portes de sécurité étaient prévues pour arrêter le feu, mais pas l’eau, dit-on…

De par sa conception, le site est protégé contre un certain nombre d’agressions externes dont l’inondation. La protection, en l’occurrence, était extérieure : c’était la digue ou plutôt les digues. La plus importante est située en front de Gironde, les autres entourent la centrale. Certaines parties du site, en sous-sol, sont situées en dessous du niveau de la mer. La plate-forme par contre, avec la digue de protection, devait être hors d’eau en toutes circonstances… normalement. Pour définir ces protections, nous nous basons sur la nature des événements rencontrés dans le passé, aussi loin que l’on puisse remonter, avec les mesures maximum enregistrées venant de la mer ou de l’estuaire lui-même, c’est-à-dire des crues de la Garonne et de la Dordogne. À partir des niveaux observés et retranscris dans les archives météorologiques, on définit la hauteur des digues avec une certaine marge de sécurité. Nous en étions là jusqu’au 27 décembre dernier.

• L’Autorité de sûreté dont vous dépendez avait remarqué que la digue était trop basse. Elle vous avait demandé d’effectuer des travaux de rehaussement que vous deviez réaliser en l’an 2000, puis en 2002. Pourquoi les avoir ainsi repoussés ?

D’abord, il convient d‘expliquer d’où venait cette demande de rehaussement de la digue. Comme je le disais, les mesures de protection sont réalisées en fonction des données que nous possédons. Ensuite, tous les dix ans, un examen du référentiel de sûreté est fait en tenant compte des nouveaux événements qui sont survenus. Par ailleurs, les règles qui définissent les exigences de protection d’un site nucléaire vis-à-vis de l’inondation sont, elles aussi, évolutives. Les méthodes de calcul peuvent être revues. La demande de surélévation de 50 centimètres de la digue résultait de ce processus de réinterrogation. Elle correspondait à l’exigence de la nouvelle règle fondamentale de sûreté.

Quelle est la politique de l’entreprise ? Elle consiste à regrouper les modifications à apporter sur les installations par “lots”. Les travaux à caractère non urgent sont effectués tous les dix ans environ. Chez nous, les grosses visites décennales commencent fin 2001, c’est pourquoi nous avions souhaité coupler les travaux de la digue avec cette opération de grande révision. Ce regroupement des modifications était plus pratique pour la mise en œuvre. Ceci dit, nous étions en discussion avec l’autorité de sûreté. Elle aurait pu accepter ou refuser notre argumentation. Le courrier qu’elle avait envoyé faisait suite à une visite de surveillance sur le site et elle nous demandait les raisons qui nous conduisaient à différer la programmation à 2002. Nous nous apprêtions à répondre quand la tempête a eu lieu…

• Que dit actuellement l’Autorité de sûreté ? Vous a-t-elle fait des remarques ?

Il est normal que l’autorité de sûreté nous interroge et nous demande de faire au plus tôt des travaux liés à la protection du site. Mais elle approuve également la politique qui consiste à regrouper les modifications de sûreté. Dans les premières années d‘exploitation du parc nucléaire, nous avions pris d’habitude de réaliser les modifications “au fil de l’eau” et nous nous sommes aperçus que cela présentait de nombreux inconvénients. C’est à la suite de cette constatation qu’en accord avec elle, il a été convenu de faire des regroupements et des lotissements, quand il n’existait pas de caractère d’urgence, bien entendu !

La question qui se pose aujourd’hui est simple : avant le 26 décembre, le rehaussement de la digue de 50 centimètres était-il considéré comme une modification urgente ? Je réponds non, très honnêtement ! Bien sûr, si j’avais supposé un seul instant qu’une tempête d’une rare violence allait balayer la région, les travaux auraient été exécutés sans délai. Personne, et vous pouvez interroger de nombreux agents sur le site, ne pensait que cette modification présentait un caractère prioritaire. Il n’y avait pas de danger avéré démontré qui justifiait une programmation immédiate. Mais à partir du moment où l’événement est survenu, il est toujours facile de dire que les travaux auraient dû être faits avant…

Lors des grandes tempêtes (99, Xynthia), le port de Mortagne est régulièrement envahi par les eaux de l'estuaire

• L’observation des événements du 27 démontre que 50 centimètres supplémentaires n’auraient pas suffi à contenir le raz-de-marée. Quelle hauteur fera la nouvelle digue dont les travaux se déroulent actuellement ?

Effectivement, les 50 centimètres supplémentaires n’auraient pas suffi. La cote et le profil exact que la digue devra avoir est en cours de discussion avec l’autorité de sûreté. Des simulations avec le Laboratoire national d’hydraulique d’EDF sont effectuées. Les calculs seront validés par des experts. Une première estimation a été faite. La digue sera rehaussée d’un mètre, elle atteindra donc 6,20 m. Les travaux, engagés il y a une semaine, se termineront aux alentours du 15 avril. Ils précèdent le redémarrage des deux réacteurs. Il est à noter que la digue n’est qu’un élément de la nouvelle protection contre les inondations.
Rien ne dit que d’ici cinq ou dix ans, il ne surviendra pas un autre événement, encore plus terrible que celui de l’année dernière. Dans la conception d’origine, la digue, bien dimensionnée, était censée arrêter l’eau. Pour cette raison, aucune autre protection n’avait été prévue à l’intérieur de la centrale.
Depuis le 27 décembre, la réalité est tout autre. C’est pourquoi, de nouvelles dispositions seront prises afin que l’eau ne puisse pas s’introduire dans les galeries techniques et, de là, atteindre l’îlot nucléaire. Soyons réalistes : si l’eau était restée dans les galeries techniques, il n’aurait jamais été question d’incident du Blayais ! Cette nuit-là, l’eau, qui s’est répandue massivement dans ces galeries, a contribué à mettre en pression des passages de traversées de câbles. Elle s’est alors infiltrée dans les sous-sols des bâtiments "combustibles" et a gagné l’îlot nucléaire.
Du même coup, l’événement a changé de dimension avec la perte de matériel qui contribue à assurer la sûreté de l’installation.

Désormais, nous raisonnons de la façon suivante : imaginons que nous ayons encore de l’eau sur le site, que devons-nous faire pour éviter qu’elle ne produise les mêmes effets que le 27 décembre ? En janvier 2000, les galeries techniques ont donc été compartimentées. À certains endroits, une porte étanche, faite pour résister à l’eau, a été posée. Des parties ont été cloisonnées. On a obturé, par des murs en béton, des liaisons qui existaient entre les galeries. Des travaux d’étanchéité au niveau des câbles ont été faits ; une protection mécanique par une dalle en béton permet de les protéger. Nous avons désormais deux dispositifs : l’un qui fait protection mécanique vis-à-vis d’une hauteur d‘eau qui pourrait arriver sur la nappe de câbles, l’autre qui est un dispositif d’étanchéité au feu et à l’humidité. En conséquence, avec les mêmes causes, nous ne devrions plus avoir les mêmes effets…

• Le 27 décembre, quelle hauteur d’eau y avait-il exactement dans l’îlot nucléaire ?

Deux unités de production ont été concernées par l’inondation. Dans les sous-sols de l’un des bâtiments où se trouvent les piscines de refroidissement du combustible, il y avait respectivement un mètre et deux mètres d’eau.
Au total, nous avons pompé un peu plus de 105,000 m3 d’eau du 28 décembre au matin au 30 décembre. Dans les bâtiments nucléaires eux-mêmes, la quantité d’eau représentait 6 000 à 7 000 m3 environ. Il y avait un risque de radioactivité, de contamination. Ces eaux n’ont pas pu être évacuées selon les moyens de traitements normaux prévus des eaux potentiellement contaminées parce que les circuits n’étaient pas adaptés à une telle quantité.

Nous avons donc utilisé un autre circuit qui est celui de traitement des eaux pluviales du site en s’imposant, avant de transférer les effluents pompés à la Gironde, de faire des analyses toutes les heures, puis toutes les demi-heures en fin de vidange pour s’assurer de l’absence de radioactivité. L’important était de se trouver en dessous des seuils, aussi bien pour la somme des radioéléments émetteurs gamma que pour le tritium. Les analyses se sont révélées négatives, à l’exception de deux mesures qui ont été légèrement supérieures au seuil. Mais si, au pire, toutes nos mesures avaient été de la même valeur que ces deux échantillons-là, la contamination totale rejetée dans la Gironde aurait représenté une journée de production du site en fonctionnement normal. Pour être clair, ce pourcentage est de l’ordre du millième de la limite annuelle de rejets. Les populations n’ont pas à avoir d’inquiétude, il n’y a pas eu d’impact sur l’environnement.

• Et si cette eau avait été très radioactive, qu’auriez-vous fait ?

Nous aurions isolé les parties contaminées et elles auraient été traitées. Nous avons des systèmes pour traiter l’eau contaminée, simplement ils ne sont pas prévus pour accueillir des quantités d’eau aussi importantes. Aussi, en l’attente, ces eaux auraient été stockées dans des réservoirs. Dans le cas présent, nous n’avons pas eu la nécessité de le faire parce que l’eau n’était pas contaminée.

• Y a-t-il eu des rejets radioactifs dans l’air, certaines personnes se posent la question ?

Dans l’air, le problème ne se pose pas puisqu’il n’y a pas eu d’incident nucléaire sur le site. Le seul incident était l’inondation qui avait noyé certains matériels qui contribuent à la sûreté de l’installation. Nous n’avions plus tous les matériels disponibles, comme nous devons en disposer en permanence, si par malheur il était survenu à ce moment-là, en plus de la tempête, un incident nucléaire sur l’un de nos réacteurs. C’est là que se situait la gravité potentielle. Nous aurions été dans une situation moins confortable pour gérer un tel incident qu’en temps normal…

• Ce sont les moteurs de secours qui ont permis le refroidissement du cœur de la centrale ?

Le refroidissement du cœur n’a jamais été interrompu, ni menacé par l’inondation puisqu’il était assuré par l’arrêt des réacteurs. Les réacteurs se sont arrêtés automatiquement quand la production d’électricité a été stoppée en raison de la perte des lignes électriques. Les réacteurs, en état d’arrêt à chaud, ont été placés progressivement dans un état de repli intermédiaire où l’on dépressurise le circuit primaire. Pendant toute cette période, l’extraction d’énergie dans les générateurs vapeur permet de refroidir le réacteur. Ce système n‘avait pas été endommagé par les eaux. Il se compose de deux pompes électriques et d’une turbine à vapeur qui alimente une pompe.
Il existe un autre moyen de refroidir les réacteurs. Il s’agit d’un système de refroidissement du réacteur à l’arrêt. On utilise de l’eau prélevée dans la Gironde qui constitue la source froide. Nous avions perdu une partie des pompes, mais il en restait encore deux. Ce nombre, suffisant, nous aurait permis d’assurer le travail. Nous n’étions donc pas démunis face à la situation, mais il est incontestable que nos moyens de sûreté étaient affaiblis, ce qui justifie le classement au niveau 2 sur l’échelle INES de l’incident du Blayais.

La centrale du Blayais emploie quelque 1200 salariés

• Quand les deux réacteurs seront-ils remis en marche ?

Dès que les travaux engagés seront réalisés, les réacteurs seront remis en marche. Outre le rehaussement de la digue, plusieurs seuils seront remontés, certains murets en particulier, pour éviter que l’eau ne puisse plus descendre dans les sous-sols de la centrale. Auparavant, nous avons à terminer la partie “requalification” des matériels qui ont été inondés. Nous sommes en train d’essayer ces matériels pour démontrer qu’ils sont opérationnels. Lorsque tout sera terminé, le redémarrage de deux unités sera soumis à l’approbation de l’autorité de sûreté.

• Est-ce que les travaux réalisés sur le site du Blayais seront imités par d'autres centrales françaises susceptibles d’être victimes d’une inondation ?

En effet, nous servons d’exemple parce que tels incidents peuvent survenir ailleurs sous des formes différentes. Tous les sites ne sont pas menacés de la même façon, leur géographie est à prendre en compte. Certains sont plus fragiles que d’autres. La cartographie de l’ensemble des sites a été dressée et une transposition de l’incident du Blayais réalisée. Des propositions seront faites à l’autorité de sûreté pour améliorer la protection globale contre l’inondation de l’ensemble du parc nucléaire français, et prioritairement, des sept ou huit sites identifiés comme les plus sensibles. Des exploitants européens, voire mondiaux, sont également intéressés par les dispositions que nous allons prendre.

Situation de la Centrale du Blayais dans l’Estuaire de la Gironde.

• Après les événements, de nombreux habitants se sont demandé quelle attitude adopter en cas d’alerte nucléaire et pourquoi les habitants de Jonzac, par exemple, n’avaient pas droit aux pilules d’iode. Que leur conseillez-vous ?

La protection des populations relève des pouvoirs publics. Si des populations doivent être évacuées, cette décision ne peut pas être prise par EDF ou par le directeur de la centrale, elle résulte du Préfet uniquement. Pour cela, il s’appuie sur le plan particulier d’intervention qui lui permet d’avoir à ses côtés l’ensemble des services de l’État, la gendarmerie, l’armée, les services départementaux d’incendie et de secours, la DDE. Il dispose également de l’appui de la Direction Régionale de l’Industrie et de la Recherche qui donne un avis d’expert technique sur le nucléaire. Au vu des données transmises, la Préfecture prend les décisions qui s’imposent en matière de protection. Il existe deux mesures. D’une part, le confinement à domicile, c’est-à-dire que les habitants sont invités à rester chez eux en attendant que toute menace soit écartée. Si la situation est grave, une évacuation peut être envisagée sur les secteurs exposés à la contamination. Le plan particulier d’intervention fixe un périmètre de dix kilomètres, appelé proximité immédiate, autour de chaque centrale. C’est sur ce rayon que sont distribués les comprimés d’iode et de potassium. Une plaquette d’information est remise à tous les habitants. Elle est réactualisée tous les deux ou trois ans et répond à de nombreuses interrogations.

• Avouez que le danger dépasse les dix kilomètres ! Cela rappelle le nuage de Tchernobyl qui s’arrêtait curieusement aux frontières françaises…

Je ne vous dis pas que les dix kilomètres sont un cercle magique, c’est un ordre de grandeur ! Pour être concerné à vingt ou trente kilomètres, il faudrait que les rejets dans l’environnement soient très significatifs. Néanmoins, il faut faire la part des choses. Même à Tchernobyl où il y a eu une catastrophe majeure, les populations qui ont les plus souffert se trouvaient dans un rayon de dix kilomètres. Le nuage s’est ensuite déplacé, il est passé sur la France en particulier. Chez nous, on parle beaucoup de lui, mais il n’y a aucune commune mesure entre ses retombées sur l’hexagone et les énormes dégâts qu’il a provoqués sur l’environnement russe.

• Est-ce qu’un accident type Tchernobyl pourrait survenir dans une centrale française ?

Non, parce que la technologique des réacteurs n’est pas la même. Même si nous avions une destruction aussi importante du cœur et si le circuit primaire était cassé, toute la radioactivité serait contenue dans l’enceinte de confinement. Ce n’est pas le cas des réacteurs de l’ex-URSS. Cet accident-là, avec les conséquences qu’il y a eu sur l’environnement, ne peut pas avoir lieu en France. En 1979, un accident grave s’est déroulé aux États-Unis à Three Miles Island. Au départ, la gravité se rapprochait de celle de Tchernobyl au niveau du cœur du réacteur qui avait partiellement fondu. Mais l’impact sur l’environnement n’a rien eu à voir avec Tchernobyl parce que la radioactivité est restée à l’intérieur de l’enceinte de confinement. Les populations n’ont subi aucun dommage par rapport à celles de Russie. Il y a un rapport de rejets qui a des ordres de grandeur de plusieurs millions entre les deux.

Depuis ces accidents, on a imaginé un dispositif ultime au cas où l’enceinte de confinement présenterait une défaillance. Pour éviter une destruction de l’enceinte à moyen terme par un effet de montée en pression, un filtre qui piège une partie de l’activité permet un relâchement vers l’extérieur. C’est un principe de sûreté dont dispose la plus grande partie des réacteurs qu’on trouve aujourd’hui dans le monde.

• Pour conclure, comment voyez-vous l’avenir énergétique de la France ? On parle beaucoup du solaire, d’éoliennes. Et le nucléaire dans ce paysage ? Reste le problème du stockage des déchets ?

Le nucléaire est le moyen de production de masse, de base de l’électricité. Il est performant économiquement et il présente des avantages environnementaux puisqu’il ne contribue pas à produire des gaz à effet de serre. C’est l’une des données à prendre en compte parce qu’aujourd’hui, tous les pays doivent s’engager à réduire les émissions de ces gaz qui contribuent, comme vous le savez, au réchauffement de la planète. Le nucléaire est un moyen propre de produire de l’énergie. Si on le remplaçait par des moyens classiques, on multiplierait nos émissions de gaz carbonique. Se pose, effectivement, le problème des déchets mais de nos jours, on n’avance pas assez vite sur les expérimentations de solutions qui permettraient de gérer ce problème sur le moyen et le long terme. Il y a pourtant des pistes à exploiter. Le débat reste trop passionnel !

L’avenir du parc de productions sera plus diversifié dans l’avenir. Il y aura bien sûr des centrales comme celle-ci, nucléaire, charbon propre, combiné gaz. S’y ajouteront des moyens de production décentralisés de plus petite puissance qui correspondront au nouveau schéma du secteur concurrentiel du marché de l’électricité. En complémentarité, ces unités seront construites par des concurrents d‘EDF ou EDF lui-même. Elles seront proches de certains lieux de grosse consommation. Il y aura un rééquilibrage. Des moyens nouveaux vont émerger qui peuvent être le cycle combiné gaz, la cogénération, les énergies renouvelables qui apporteront une diversification plus grande que dans le passé. L’énergie solaire en fait partie et elle peut avoir un rôle d’appoint, comme les éoliennes.
Propos recueillis par Nicole Bertin

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire