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dimanche 26 avril 2009
L'anorexie, parlons-en avec Xavier Pommereau, directeur de l’unité médico psychologique de l’adolescent au centre Abadie de Bordeaux
Parmi les maux dont on ose parler ouvertement, se trouve l’anorexie, cette
maladie qui frappe 2% des jeunes filles et plonge les familles dans un véritable
cauchemar. « La cause n’est pas liée à la volonté de ressembler aux mannequins » a expliqué Xavier Pommereau vendredi dernier à la médiathèque de Jonzac où il donnait une conférence. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages traitant des problèmes liés à l’adolescence.
« Une adolescente sur dix souffre de troubles alimentaires. Une sur cent en présente la forme la plus grave pouvant conduire à la mort : l’anorexie mentale. L’opinion publique cherchant des coupables, on incrimine tour à tour la mode, l’obsession des régimes minceur, l’ambiance et les relations familiales. Mais l’anorexie est une maladie qui résiste à ces explications. Et, pour la soigner efficacement, il faut tenter de la comprendre en profondeur » souligne Xavier Pommereau dans son livre Les mystères de l’anorexie.
À la médiathèque de Jonzac, où il animait une conférence vendredi dernier, il a tenté d’expliquer à une large assistance (plus d’une centaine de personnes) d’où venait ce mal qui ronge à la fois le corps et l’esprit, mais « ne s’attrape pas ». D’après les recherches actuelles, cette maladie serait liée à la volonté de réduire le corps à sa plus simple expression. Privé de nourriture, en effet, il n’est plus souillé par les aliments dont l’absorption devient vite insupportable. « Les jeunes filles qui en sont atteintes ne veulent pas être sexy, c’est le dernier de leurs problèmes ».
Selon le psychiatre, l’anorexie trouverait son origine dans « une perturbation des relations nourricières, mère enfant, entre la naissance et trois ans ». Pour son équilibre, l’enfant doit être à la fois nourri et aimé : il "internalise" alors la présence de sa mère, sentiment qui favorisera son épanouissement.
La mère occupe une place importante. D’ailleurs, déclara-t-il, « dans les moments les plus cruels, sur les champs de bataille, quand ils vont mourir, on s’est aperçu que les hommes appelaient leurs mères ». Si ce lien, concrétisé par le cordon ombilical, est altéré, naît une anxiété pathologique. La carence affective ressentie par le très jeune enfant provoquerait « des addictions chez les garçons et des anorexies chez les filles ».
Les mères ne doivent pas pour autant se sentir responsables. Elles-mêmes peuvent être en souffrance pour des raisons qui découlent de leur propre vécu.
À Bordeaux, le centre Abadie soigne ces jeunes filles dont la maigreur fait peine à voir alors que, curieusement, « elles se sentent toujours grosses ». Mieux, elles aiment faire la cuisine à leur entourage, sans y goûter. Et si elles“craquent“, elles se font vomir aussitôt.
Traitements et psychologie sont nécessaires pour qu’elles puissent sortir du tunnel (malheureusement, il y a des décès chaque année). L’idée d’être femme leur serait insupportable. « Dans leurs chambres, on trouve souvent des tas de peluches » remarqua Xavier Pommereau. Il reconnaît qu’elles sont toutes d’une intelligence supérieure. Quant aux hommes anorexiques - ça arrive - ils se rapprochent de la vie monacale et de l'ascèse.
Tout fout le camp, même les pères !
Xavier Pommereau estime que la société ne soutient plus les pères dont l’attitude s’est modifiée. De l’homme qui gagnait l’argent du ménage et s’imposait, il est devenu le compagnon qui s’efface parfois devant la réussite professionnelle de sa femme. Sa virilité en prend un coup et il ne sait plus très bien où est sa place, celle de “chef de famille“, dans le sens ancien du terme, ayant disparu. Le voici déstabilisé dans ses fondements, agressé par des femmes qui, ayant fait des études, veulent avoir le dernier mot ! Est-ce pour se venger ou se rassurer sur sa séduction que, le temps passant, il prend souvent une compagne plus jeune ? D’où le nombre important de foyers recomposés…
« Quand les ados sont en vrac et les mères en vrille, on voudrait bien trouver les pères » lança le praticien, sans déclencher la réaction des (rares) messieurs présents dans la salle !
D’ailleurs, quand les couples se séparent, il est courant que les hommes assurent une nouvelle lignée. Les femmes divorcées, quant à elles, restent rangées, se consacrant à l’éducation de leurs enfants qui font de la résistance : pas question qu’un étranger vienne troubler la maisonnée !
Eviter l’asphyxie d'une surprotection
Bref, la société est en pleine mutation, d’où le malaise des jeunes qui conquièrent leur autonomie d’une manière souvent épique. Se saouler, se droguer, dégueuler bière ou vodka (dont l’avantage est d’être incolore. En boîte, on peut donc la faire passer pour de l’eau minérale), finir la nuit déjanté, faire l’amour “hard“ comme dans les films X, sont autant de rituels qui visent à propulser l’adolescent dans le monde adulte. S’il s’agit de brutes, c’est réussi, mais s’il veut construire un univers plus intellectuel, c’est raté (sans compter qu’il met sa santé en jeu).
Quand son geste est une provocation, la casse est limitée. Malheureusement, certains ont du mal à s’extirper de pratiques qui les retiennent prisonniers. La défonce devient une habitude et avec elle, le décalage par rapport à la réalité.
Les parents s’énervent, les enfants se rebellent et se transforment en marginaux, gobant avec une régularité exemplaire des « substances psycho actives ». Le cercle est infernal et les situations deviennent explosives.
Que faire ? Consulter est une sage décision (le centre Abadie, par exemple, où des spécialistes seront à votre écoute) et ne jamais se dire « jeunesse passera » : ce serait trop simple ! Scarifications, fugues, ivresses répétées, usage de drogues sont des signes alarmants. À ce contexte, s’ajoute le paysage “internet“ où les ados, quand ils ne sont pas sur leurs consoles de jeux, ont des relations virtuelles, en plus de leurs “ vrais“ copains. Gare aux rendez-vous avec des personnes mal intentionnées...
D’une manière générale, Xavier Pommereau conseille aux parents d’être souples avec leur descendance : travail estival dès la majorité, camping avec les amis car le plein air est une bonne école de la vie !
Une surprotection empêche les enfants de forger leur personnalité. En clair, faites leur confiance et apprenez-leur la valeur de l’argent, les billets de vingt euros ne poussant pas encore sur les branches des arbres !
Cette conférence se termina par les questions du public qui gravitèrent autour de l’anorexie. La célèbre photo d’un ex mannequin italien, faite par O. Toscani, est encore dans toutes les mémoires...
Photos 1, 2, 3 et 4 : Après la conférence, Xavier Pommereau a dédicacé ses ouvrages. Ce psychiatre est directeur de l’unité médico psychologique de l’adolescent au centre Abadie, au CHU de Bordeaux, l’une des rares unités hospitalières dévolues aux jeunes
anorexiques
Bonsoir Docteur !
RépondreSupprimerJ'ai l'émission sur la 5 en début d'après midi et je souhaiterais vous faire part de mes inquiétudes au sujet de ma belle fille de 37 ans (elle a la maladie de crohn en plus) mais depuis 2 ans elle a beaucoup maigri et a le comportement anorexique ; elle a de gros soucis maternels, j'ai essayé d'aborder le sujet mais elle se ferme comme une huître !! et le sujet est tabou même avec mon fils ; j'aurais un commentaire plus long à écrire, mais je n'ose pas abuser. Merci beaucoup si j'avais une réponse de votre part.
Très respectueuses salutations.