Pages

jeudi 31 juillet 2025

Saintes : Robert Perneki, chef pâtissier, accède à la grande finale du prix Goût et Santé MAAF des Artisans 2025

Depuis plus de 20 ans, le Prix Goût et Santé, organisé par MAAF avec le soutien de CMA France, récompense le talent des meilleurs artisans des métiers de bouche. Chaque année, les candidatures sont plus nombreuses, un succès à l’image de l’intérêt des Français pour le bien-manger. Cette 23ème édition est marquée par une belle participation puisque 62 artisans ont candidaté. Début juin, le pré-jury s’est réuni pour sélectionner 12 finalistes, répartis dans 4 catégories : « recettes salées », « recettes sucrées », « recettes à emporter » et « recettes à conserver ». Par leur créativité et leur audace, ils défendent leur savoir-faire et réaffirment leur intérêt pour une cuisine locale, durable et saine.

Robert Perneki s'est qualifié dans la catégorie "Recettes sucrées", avec un "entremets vitalité, fraise, argousier et gingembre" 

Depuis l’enfance, la pâtisserie est pour Robert bien plus qu’un simple métier : c’est une manière d’apporter du plaisir et du bien-être. Fasciné par cet univers où la créativité et la précision se rejoignent, il s’engage très tôt dans cette voie qui lui ressemble. Formé en apprentissage BTM Pâtisserie, Robert construit un parcours polyvalent et exigeant : CAP service en salle, CAP cuisine, Mention Complémentaire assiette de dessert en restaurant, CAP pâtisserie, CAP boulangerie et CAP chocolaterie. Autant d’expériences qui lui permettent d’aborder son métier avec une vision globale, à la fois technique et sensible. Il forge son savoir-faire au fil des années, dans des lieux aux identités variées comme le Bistrot du Breuil, le restaurant Les Pissenlits, ou encore la pâtisserie Thiébaut. Même s’il n’a pas encore travaillé aux côtés d’un chef de renom, chaque établissement a joué un rôle clé dans sa construction professionnelle. Aujourd’hui, Robert travaille chez La Boul’Ange de Gaëtan, où il participe à la réalisation de pâtisseries et viennoiseries artisanales. Un lieu qui lui permet de s’épanouir et d’exprimer pleinement sa créativité dans le respect d’un haut niveau d’exigence.

Il participe pour la première fois au Prix Goût & Santé, avec un dessert signature : l’entremet « Vitalité ». Imaginé autour de la fraise, de l’argousier et du gingembre, ce dessert allie plaisir et bienfaits naturels, sans gluten, allégé en sucres, riche en fibres et antioxydants. Un entremet frais, croustillant, gourmand… pensé pour être dégusté sans culpabilité, et surtout au quotidien, pas seulement lors des grandes occasions. Sa mousse légère au yaourt grec pauvre en sucres enveloppe un insert fondant au gingembre frais, le tout posé sur un biscuit moelleux avoine–amande sans gluten, relevé d’un croustillant chocolat–avoine. Un dessert à la triple texture, pensé pour limiter les sucres libres et les graisses saturées, tout en apportant fibres, antioxydants et pré-probiotiques.

À la croisée du plaisir sensoriel et de la nutrition, « Vitalité » incarne une pâtisserie durable et innovante.

• PORTRAITS DES 12 FINALISTES DE LA 23ème ÉDITION DU PRIX

• Recettes à conserver

Antoine Spitz, cuisinier et fondateur de la conserverie du Rhin à Niederhergheim (68) et ses « saveurs du Rhin aux parfums Thaï et tapenade de potimarron rôti crocal » ; Nicolas Chiron, chef de cuisine et gérant de restaurant à Plescop (56) et ses « ravioles d’araignée de mer et langoustines à l’estragon, velouté de brocolis bio aux graines de sarrasins torréfiés » ; Tony Suaud, maître chocolatier à Saint-Gelais (79) et « ENFIN ! Le bon biscuit »

• Recettes salées

Louis Festa, cuisinier restaurateur à Saint-Astier (24) et son « esturgeon de la vallée de l’isle, noix et champignons » ; Marie-Anne Lacomblez, traiteur et cheffe à domicile à Lille (59) et son « haddock betterave & lait ribot » ; Alexis Buquet, chef cuisinier à Banyuls sur mer (66) avec son « maquereau grillé à la flamme, betterave, yaourt et kumquat »

Recettes sucrées

Sarah Emtir, cheffe pâtissière nutritionniste à Montrouge (92) et son « entremet Ismahan » ; Robert Perneki, chef pâtissier à Saintes (17) et son « entremet vitalité, fraise, argousier, gingembre » ; Camille Crohin, cheffe pâtissière à Angers (49) et sa « tarte citron noir & sésame noir »

Recettes à emporter

Emmanuel Tessier, artisan boulanger à Lyon (69) et son « pain umami, kojio et malt, saveurs d’automne » ; Angélique Monnier, artisan traiteur à Cesson Sevigné (35) et sa « tête haute» ; Florence Daübe, cheffe artisan à Montferrat (38) avec son « ananas de l’audace »

RENDEZ-VOUS POUR LA GRANDE FINALE LE 13 OCTOBRE 2025

Pour la 23ème édition de ce concours national, les dossiers des candidats ont été examinés en mai dernier par un pré-jury. 12 finalistes ont été sélectionnés pour participer à la grande finale du concours le 13 octobre prochain. Elle se déroulera au sein de l’école de cuisine du Chef Thierry Marx, CUISINE MODE D’EMPLOI(S) à Paris. 

Saintes : Et si vous dormiez à la Belle Etoile ?

La Belle Etoile est une maison « fertile » du quartier Saint-Eutrope que sa propriétaire, Laurence Dune, a transformée en chambres d’hôtes. Mais pas seulement ! Salon de thé, artisanat, ateliers, jardin pédagogique de santé sont réunis au cœur de cette bâtisse du XVIIIe siècle. Incroyable construction qui descend en cascade de la rue jusqu’au vallon des arènes. Son architecture exceptionnelle retient l’attention ! Cette année, la Belle Etoile fêtera ses 5 ans assortis d’un programme de manifestations dont une grande affiche de 365 sourires...

La Belle Etoile, magnifique maison datée du XVIIIe siècle
Vue plongeante sur le vallon

De la rue Saint-Eutrope, en face de la basilique, on n’imagine pas qu’une maison puisse dégringoler jusqu’au vallon, à quelques encablures de l’amphithéâtre. Lieu historique s’il en est, emblématique de la ville de Saintes. En craquant sur cette élégante demeure qui appartenait autrefois à un dentiste, Laurence Dune a tout de suite compris qu’elle avait trouvé son « havre ». Venant du milieu artistique parisien, elle avait cherché jusqu’en Auvergne. En vain. C’est finalement en Saintonge que son coup de cœur s’est concrétisé. « Mes amis Anaïs et Fred ont repéré cette maison, sur la route de Saint-Jacques de Compostelle. Au départ, je l’ai visitée sans trop savoir, puis les choses se sont combinées pour que je puisse l’acquérir ». Intérieur et extérieur comportent de nombreux éléments architecturaux rapportés, le précédent propriétaire étant féru d’histoire. La terrasse est remarquable. Elle constitue une sorte de belvédère avec vue imprenable en contrebas, sur le sentier pédestre qui conduit aux arènes. La descente s'opère par un escalier et des paliers qui offrent l'accès au jardin où s’élèvent d’autres constructions. L'étoile qui guide Laurence Dune se résume en cinq points : culture, artisanat, productions locales, jardinage et tourisme. Cinq directions. Récemment, son ciel s’est enrichi d’un métier à tisser, une nouvelle activité, et elle s’adonne également à la broderie. Voilà qui la change de la musique et de sa harpe préférée !

Le nouveau métier à tisser
Laurence Dune au jardin

L'étoile de verdure
Passion Patrimoine

Ces dernières années, le premier escalier qui déroule jusqu’à la balustrade a été refait par le SAS, chantier d'insertion sociale. Soit neuf mois de travaux. Récemment, lorsqu’elle faisait des plantations d’iris, Laurence Dune a mis au jour une cavité dans ce secteur. Elle a alors contacté un bureau d’études et des spécialistes : « on a deux possibilités, soit on la garde, soit on la bouche ». La question est en suspens. Dans ce périmètre, ce peut être une ancienne citerne ou un lieu d’entrepôt. Une autre partie de maçonnerie (marches) est à restaurer. La propriétaire se mobilise pour trouver les fonds nécessaires. Dans le jardin ouvert à tous, dont un massif (permaculture) a été aménagé par des élèves du Petit Chadignac, l’espace est dédié à la poésie et la diversité. Le public peut y venir librement le mercredi après-midi se reposer, dessiner, imaginer, refaire le monde ! De 17 h à 18 h, un thème est développé : le 6 août, il traitera d’un sujet éternel « être heureux» ! L’artiste Cédric Tissot a créé des îlots en osier d’une belle originalité. Les sculptures de François Desforges sont à découvrir. « Venez semer vos idées pour faire germer le jardin de La Belle Étoile, un lieu aux possibilités infinies » remarque Laurence Dune qui cite en référence le livre d’Aymeric Lazarin « Rénover avec le vivant, tout commerce au jardin »… 

Le pigeonnier
Sculpture de François Desforges
Structures en osier

Les 5 ans de la Belle Étoile

Les festivités commenceront le 20 septembre jusqu’en octobre. Plusieurs partenaires seront conviés dont le domaine viticole de la Belle Étoile en Anjou et J’y crois à Bréville en Charente. « 80 personnes m’ont aidé à bâtir cette Belle Étoile avant et pendant. Je tiens à ce qu’elles soient présentes ». Il sera question d’elles et de leurs engagements respectifs. Une grande affiche composée de 365 sourires sera réalisée. Ils seront intégrés au logo. Avis aux amateurs ! Un concert est prévu le 20 septembre avec le groupe Split à partir de 18 h 30. « Pendant plusieurs semaines, nous vivrons au rythme des rencontres et des moments conviviaux ». Un concours photo sera organisé et le public sera invité à découvrir l’oasis des créateurs. Évènement : le forum mondial de l’économie sociale, qui se tiendra à Bordeaux, viendra passer une journée à Saintes avec, pour étapes, la Belle Etoile et le Silo. 

« Donner du sens au vivre ensemble et faire territoire sont les valeurs essentielles de mon projet » souligne Laurence Dune. N’hésitez pas à lui rendre visite. Entrez, c'est tout vert !

• La Belle Étoile, une maison fertile - 20 rue Saint-Eutrope Saintes 05 46 95 96 59 – 06 08 07 41 92


A découvrir l'oasis des artisans et des artistes 

• Souriez, vous êtes photographiés !

Depuis le 20 Septembre 2020, date d'ouverture de la Belle Etoile, on ne compte plus les sourires qui passent par la porte d'entrée, soit au 20 rue Saint Eutrope, soit par le jardin. Alors pour les 5 ans de La Belle Etoile, le 20 Septembre 2025, préparons ensemble un grand tableau des Sourires, pour fêter ce prochain anniversaire ! Comment participer ?
 Venez prêter votre sourire lors de votre prochain passage à La Belle Etoile. Pensez à un mot que la Belle Etoile vous inspire et déposez-le auprès de Laurence Dune. Il faut récolter 365 sourires et 365 mots pour tisser ce grand tableau des Sourires. Au plaisir de vous accueillir !

Incroyable construction qui descend en cascade de la rue
jusqu’au vallon des arènes !

L’artiste Jean-Michel Bénier nous a quittés : Pour lui, peindre était un acte de liberté

La mort l’a emporté dans la nuit, sans faire de bruit. Il a laissé ses toiles et ses pinceaux pour rejoindre ses chers maîtres flamands. Le Viking de la Massonne, comme on l’appelait parfois, a quitté cette Terre qui fut pour lui source d’inspiration et d’éternelle interrogation. Artiste peintre et écrivain, il nous laisse son œuvre, riche et puissante. Un hommage émouvant lui a été rendu mardi dernier en l’église de La Gripperie Saint-Symporien. Nous adressons nos sincères condoléances à son épouse, Roselyne, à ses enfants et à leurs familles.

Jean-Michel Bénier dans l'église de La Gripperie Saint-Symphorien
où il a peint plusieurs grandes scènes

Comment oublier notre première rencontre il y a plusieurs décennies à la Massonne ? On m’avait décrit, sans doute hâtivement, un homme qui n’aimait guère se livrer aux journalistes. J’ai rencontré un artiste discret et sensible, prêt à ouvrir les portes de son atelier, décrire son travail, sa quête de vérité. Car Jean-Michel Bénier peignait et racontait un chemin, celui qui conduit là où les autres craignent de s’égarer. Il voulait comprendre et pour y parvenir, il a voyagé, amoureux d’une nature authentique, emplie d’une ambiance mystique et du secret des anciens. Sa peinture était précise, lumineuse, envoûtante parfois. Il la voulait parlante, éloquente. Elle racontait une histoire, à la fois par ses personnages, dont les regards ne laissaient jamais indifférents, et dans ses paysages. L’eau, la terre, les éléments, l’humanité. Aux feux de la rampe, il préférait la douce chaleur des étoiles et l’harmonie. Avec son épouse Roselyne, dont la famille est intimement liée à l’Aquarium de La Rochelle, il partageait la même conviction : « se mobiliser pour l’environnement et veiller sur la beauté du monde ».

Lors de sa cérémonie annuelle, l’Académie de Saintonge l’a distingué en 2012 pour son œuvre. Ses expositions se sont succédé tant en France qu’à l’étranger. En 2011, moment phare, il a présenté une exposition au Logis de la Massonne qui a marqué les esprits : L’art contre la mort. Magnifique ! D’Anvers à Venise, l’artiste conduisait le visiteur dans un voyage initiatique aux côtés de Pieter Bruegel…

A Venise
Portraits
Nature et musique

Retour sur cet événement dans cet article publié à l'occasion du vernissage : 

« Devant l'œuvre de Pieter Bruegel, je suis en pays d'amour »

« Qu’allons-nous chercher par-delà l’horizon sinon la guérison d’être vivant ? Natif du Jura, il y a longtemps que Jean-Michel Bénier se pose cette question. Au delà des cimes, des vertes vallées, quel est ce monde qui grouille ? Par la peinture, art où il excelle, Jean-Michel Bénier essuie la buée qui envahit les grandes baies de l’existence. Appuyant fortement sa paume contre le verre froid, il fait jaillir les couleurs de sa palette. 

En 2007, il s’est lancé un défi : entreprendre un voyage à travers l’Europe sur les pas de Bruegel l’ancien, peintre flamand qu’il admire. 

Il prend alors son bâton d’humaniste, d’Anvers à Venise. Ce défi, il le relève avec patience et détermination. Jean-Michel Bénier sait donner du temps au temps, tout en combinant les époques. Avec son guide spirituel, il imagine un dialogue entre Bruegel, peintre du XVIe siècle dont le talent est universellement reconnu et lui, l’homme du XXIe siècle. « Devant son œuvre, je suis en pays d‘amour, la mer, la neige, les saisons, les paysans, le paysage. Il est le premier peintre avec Dürer et Vinci à avoir peint la montagne. Il a surtout ce regard lumineux posé sur les vanités humaines ». 

Chaque jour, dans son journal, Jean-Michel Bénier note ses rencontres et ses émotions. L’Europe défile sous ses yeux et la montagne l’appelle : « quand j’ai songé à ce projet, je l’ai appelé Ascensions poétiques, sans laisser de traces, juste pour voir un instant le monde d’en haut ». Puis viennent la plaine, les villes belges, la Suisse, le col du Saint-Bernard, le Val d’Aoste, et bientôt l’Italie, Mantoue, Vérone, Padoue, Venise. Venezia se dessine. Un bonheur que cette ville où chaque ruelle est un décor de théâtre.

« Tu as appris à danser parmi les anges. Maintenant, il va te falloir apprendre à danser parmi les serpents »

Ce voyage initiatique a inspiré à Jean-Michel Bénier une nouvelle exposition « L’arte contro la morte, l’art contre la mort ». Il témoigne ainsi de sa trace, de sa vie face à la mort. L’œuvre, forte et habitée, conjugue paysages, figurations, collages, abstractions et une fresque magistrale. En effet, après la visite de la Brera à Milan et le choc de la Sainte Félicité de Mantegna, l’artiste a éprouvé la nécessité de peindre a fresco. Un exercice difficile s’il en est ! « L’art est né le premier jour où l’homme primitif a gravé la paroi. Il a eu conscience de sa fragilité et du mystère qui entourent son existence »  explique-t-iI.


Dans chaque toile, le sacré apparaît en filigrane. La première salle, consacrée aux étapes nordiques, offre une peinture réaliste. Parmi les tableaux, « les songeries érotiques d’une religieuse flamande » est l’un des clins d’œil qu’offre Jean-Michel Bénier à la galerie. Dans le second espace, le grand polyptique, inspiré de « La pauvreté et de la mort » de Rainer Mara Rilke, s’impose. Le regard s’arrête, frappé par ces femmes de noir drapées dont les yeux apeurés crient l’incompréhension. Abandonnées à leur sort terrestre, elles semblent implorer le visiteur qui tend la main vers elles. La complicité entre ces deux mondes est presque instinctive. « L’artiste revisite La descente de croix de Rubens. L’effet est fulgurant » souligne la critique. 


La dernière étape est un havre de paix où la pensée se libère en musique.

Assortie d’un livre de souvenirs, « L’Arte contre la Morte » est une œuvre importante que Jean-Michel Bénier a mis plusieurs années à réaliser. Pour lui, peindre est un acte de liberté : «  je continuerai à faire de la peinture si j’en ressens la nécessité. Je ferai de l’abstraction si l’instant, la lisière entre deux couleurs, l’alliance ennemie de deux surfaces engendrent l’harmonie et si la note, justement pour finir, donne au tableau toute sa picturalité ». 

Pieter Bruegel continuera-t-il à l’inspirer ? Jean-Michel Bénier imagine un dernier échange avec lui sous le ciel de Toscane : « Tu as appris à danser parmi les anges. Maintenant, il va te falloir apprendre à danser parmi les serpents ». Et d’ajouter : « on n‘apprend rien de l’avenir. C’est pourquoi, il faut vivre le moment présent ! ».

En 2017, Jean-Michel Bénier a réalisé plusieurs grandes scènes sur l’un des murs intérieurs de l’église de la Gripperie Saint-Symphorien (œuvres qu’il a offertes à la municipalité). Pour modèles, il a choisi des habitants de la commune et de la région. Un ensemble exceptionnel et inattendu dans cet édifice !

Jean-Michel Bénier était propriétaire de la réserve naturelle de la Massonne, gérée par Nature Environnement 17. Une vaste étendue boisée et de lacs d’une centaine d’hectares où la faune et la flore évoluent en toute liberté. Il avait également créé l’association des Veilleurs de Vents qui accueille en résidence artistes, écrivains, plasticiens, architectes et musiciens « dans le but de sensibiliser le public à la beauté de la nature et à sa nécessaire préservation ».

Que Jean-Michel Bénier repose en paix aux côtés de ses chers maîtres. Si Dieu existe, mourir devient un voyage et la vie une étape…

Nicole Bertin

Jean-Michel Bénier est né dans le Haut Jura. Après des études aux Écoles Normales
de Lons-le-Saunier et Besançon, il quitte l’Éducation nationale
pour se consacrer à la peinture

Dialogue avec Pieter Bruegel

• Hommage de Gildas Flahault, marin, peintre et écrivain, ami de Jean-Michel Bénier :  

« La nouvelle de la mort de Jean-Michel nous a cueillis brutalement comme une rafale subite couche un voilier. Alors que j’écris ces lignes face à la mer Bretonne, avec l’envie de dire sans savoir comment, un extraordinaire nuage aux formes fantastiques et saturé de lumière traverse le ciel intranquille de ce jour. Survient une nappe au front large, sombre comme l’ardoise, s’avançant du galop et envahissant le paysage céleste. Déjà le tonnerre gronde et des trombes s’abattent sur les flots. Entre la masse furieuse d'orage et l’océan griffé, il reste un peu de bleu où flotte le nuage, devenu encore plus fantastique et plus étincelant.

Une fois encore, une fois de plus, la beauté du monde s'impose au-dessus de tout. Si Jean-Michel avait assisté à ce miracle, son esprit l'aurait immédiatement transposé en peinture. Il aurait voulu le rendre au monde entier, restituer la même dose d’émotion.

C'est le rôle du peintre de se mettre au service du miracle et c'est le rôle du peintre d'habiter dans le seul véritable temple, celui de la nature infiniment puissante. Les êtres qui s‘éteignent partent se dissoudre dans l’absolue beauté du vivant. Ainsi que la mer qui se retire, les artistes émerveillés nous laissent en héritage les traces de leur profond amour du monde. Chaque champ de blé contient une larme de Van Gogh et au long de tous les chemins creux, au bord de chaque rivière, on peut glaner les infimes traces laissées là par Vermeer, Turner, Gauguin ou Monet. A partir de ce jour, observons bien les tendres bleus lointains des lignes de crêtes et les taches rousses des lichens car des milliers de particules d'amour pur se sont envolées des poches de la veste de velours de Jean-Michel pour compenser les laideurs du monde

Demain, je serai sur les côtes irlandaises et je parlerai aux nuages, au vert des collines et aux vieux murs tordus. Je les prierai de lui faire une place où il puisse boire chaque pluie et recevoir chaque soleil ».

• Dans l’un de ses ouvrages, Jean-Michel Bénier décrivait sa région natale, le Jura : 

« Je suis né dans un creux tout en longueur, bordé de barres calcaires et de sapins. Sombre et industrieux, sur les revers desquels s’étagent aujourd’hui des barres de H.L.M. Morez, Jura, on y fabrique encore des lunettes.

Comtois, mon appellation d’origine. Ma constitution. L’homme en devenir, fabriqué à partir de forêts et de tourbières, de neiges et de grands froids. Le massif forestier de la Joux devant borde le plateau du Grandvaux à l’est. Au cœur de ces profondeurs vertes gît une clairière, on appelle cela des « prés », difficile à trouver souvent. On peut s’y perdre, ce qui signifie que l’on peut y passer une nuit imprévue et inconfortable parmi les grands ducs et les grands tétras. Tout est grand ici, à la mesure des épicéas élevés comme les piliers d’une cathédrale sur un désordre de combes et de roches, où vont en trébuchant des sentiers encombrés d’arbres renversés. Creux et bosses se ressemblent et se confondent. L’esprit s’affole à la vue du morceau de calcaire lessivé devant lequel on est passé une demi-heure plus tôt. Toutes les pierres se ressemblent. On prend des repères, un pâle soleil pour amer, dernier recours avant la mousse sur les arbres pour retrouver un nord devenu inutile. Encore un peu de temps avant la nuit, avant le feulement doux du lynx en chasse, avant les bruits de bêtes oubliés depuis la nuit des origines.

Recroquevillé sous des branches de sapin, il faut attendre l’aube. Puis marcher droit, jusqu’à une route inconnue vers un village où on n’est jamais allé, de l’autre côté de la montagne.

Ce jour-là, je voulais m’immerger quelques heures dans le silence des Près Maréchets. Je passai à côté sans les voir. Au terme d’inconscientes circonvolutions, le hasard me permit de retrouver mon chemin, et la route de la maison ».

mardi 29 juillet 2025

Fort Boyard : Les travaux, d'un montant de 36,6 M€, débuteront à l’été 2025 pour s’achever en 2028

Avec un investissement de 36,6 millions d’euros, le Département de la Charente-Maritime engage, jusqu’en 2028, un projet d’envergure pour sauvegarder le fort Boyard et ainsi permettre pour la première fois son ouverture au public

(@Dép.17)
Monument emblématique du patrimoine français, situé dans le Pertuis d’Antioche, le fort Boyard présente aujourd’hui des signes de fragilisation préoccupants, conséquences de plusieurs décennies d’exposition aux assauts marins. Pour garantir sa pérennité tout en lui redonnant son apparence d’origine, d’importants travaux débuteront à l’été 2025 afin de reconstruire ses ouvrages de protection originels : l’éperon au Nord, le havre d’accostage au Sud, la risberme et les blocs de protection.

Piloté par l’architecte du patrimoine Delphine Gramaglia, le bureau d’études BRLi et l’entreprise ETPO, ce projet d’exception a mobilisé, dès les phases amont, des expertises maritimes pointues, notamment celle de Groupe Géotec. Pour caractériser les sols et orienter les choix techniques de consolidation, ce dernier a mené des investigations géotechniques nautiques complexes, dans un environnement contraint par les conditions météorologiques et les mouvements de l’eau.

« En agissant pour la sauvegarde du fort Boyard, c’est un geste historique pour les 100 prochaines années que nous réalisons à la fois pour les Charentais-Maritimes et nos visiteurs si attachés à cet édifice » souligne Sylvie Marcilly, présidente du Département de la Charente-Maritime

Un projet conçu pour durer un siècle

Depuis de nombreuses années, le fort Boyard subit les assauts conjugués de la mer et du temps, compromettant progressivement sa pérennité. Initialement protégé par un éperon au Nord-Ouest et des jetées latérales formant un havre d’accostage au Sud-Est, le fort se retrouve aujourd’hui directement exposé à la houle, ses ouvrages de protection ayant été détruits au fil du temps.

Cette exposition accrue se traduit par une dégradation progressive de l’ouvrage, dont plusieurs fissures sont désormais visibles à l’œil nu depuis l’extérieur. Si celles-ci ne compromettent pas la stabilité globale de l’édifice, la disparition de l’éperon, du havre d’accostage et la dégradation progressive de la risberme constituent quant à eux des facteurs de fragilisation majeurs. Sans une reconstruction des ouvrages de protection destinés à atténuer les effets des courants et de la houle, la ruine du fort Boyard est inéluctable. 

Face à ce constat alarmant et en qualité de propriétaire, en 2020, le Département de la Charente-Maritime confie à Artelia une mission d’étude de faisabilité détaillée sur la protection du fort contre la houle et sur la mise en place d’une solution sécurisée d’accès à la plateforme située à proximité. Faisant suite à la réalisation de cette étude, en 2022, le Département lance le projet de protection de fort Boyard contre la houle.

Conçu pour garantir la pérennité de l’ouvrage sur les cent prochaines années, ce programme de sauvegarde ambitieux prévoit la reconstruction des structures de protection historiques, en s’appuyant sur des technologies et des matériaux contemporains, tout en respectant l’architecture d’origine du fort.

LA RECONSTRUCTION DE L’ÉPERON AU NORD

Elle a pour objectif de protéger le fort de la houle et des courants marins, tout en évitant toute transmission d’efforts mécaniques vers la structure elle-même.

LA RECONSTRUCTION DU HAVRE D’ACCOSTAGE

Au sud, elle vise à préserver l’arrière du fort et son assise contre l’action de la houle, tout en permettant, lorsque les conditions nautiques le permettent, un accès direct au fort.

LA REPRISE DE LA RISBERME

Elle a pour but de limiter les effets d’érosion et d’affouillement générés par les courants et la houle. La protection de l’ensemble du pourtour du fort est essentielle pour préserver la stabilité de son assise.

LA REMISE EN PLACE DE BLOCS DE PROTECTION

Elle permet de dissiper une partie de l’énergie de la houle en amont des ouvrages, jouant ainsi un rôle de première barrière avant que les vagues n’atteignent les structures reconstruites, puis le fort.

Afin de répondre aux enjeux techniques majeurs de ce chantier en milieu maritime, Groupe Géotec est mobilisé en 2023 pour intervenir sur les études de conception.

En septembre, les équipes réalisent une mission G1, consistant à définir et analyser le modèle géotechnique le long des ouvrages existants (une étape clé pour comprendre le comportement du sous-sol dans un environnement aussi exigeant). Les équipes mettent également en place un dispositif de suivi automatisé des fissures internes du fort, afin d’en analyser l’évolution et de prévenir tout risque en amont des travaux.

En parallèle, une mission G2 AVP est menée pendant la phase de négociation en conception-réalisation. Elle porte sur l’étude des fondations des futurs ouvrages : typologie, profondeur d’ancrage, estimation des tassements induits. Ces investigations de terrain, conduites dans des conditions maritimes complexes, apportent des données décisives pour orienter les choix techniques et garantir la fiabilité des solutions de reconstruction.

« Un projet dans les traces des ouvrages anciens avec la restitution la plus fidèle possible des formes de l’ancien havre et de l’ancien éperon aujourd’hui disparus mais avec des matériaux modernes, afin de proposer "le juste compromis" entre l’indispensable construction d’ouvrages de protection performants, adaptés aux contraintes actuelles et la nécessaire prise en compte de contraintes issues de l’analyse historique. Le projet de reconstruction de ces ouvrages, au-delà d’assurer la protection et la pérennité du fort et sa transmission aux générations futures, est l’opportunité de restituer ce monument historique dans son intégrité originelle » remarque Delphine Gramaglia, architecte du patrimoine.


Les travaux du fort débuteront à l’été 2025 pour s’achever en 2028. À l’issue de ce chantier, pour la première fois, le fort Boyard ouvrira ses portes au public. Des visites seront proposées dès 2028, marquant une nouvelle étape dans l’histoire de ce monument emblématique. 

En parallèle, afin de contribuer au financement des travaux, une opération de mécénat intitulée « Sauvons le fort Boyard » est menée en partenariat avec la Fondation du patrimoine : https://www.fondation-patrimoine.org/les-projets/fort-boyard/101891

Jonzac/Culture : Ouverture du nouveau musée du châtelet lundi 4 août

Ornant la salle des mariages de la mairie, le tableau des cinq sens, représentant les cinq enfants du comte de Jonzac, Bouchard d'Esparbès de Lussan d'Aubeterre, lieutenant général et gouverneur de Saintonge et Angoumois au XVIIIe siècle, est à l'origine d'une belle histoire. Elle est au cœur du nouveau musée du châtelet qui ouvrira ses portes au public lundi 4 août : "Un châtelet, cinq sens, mille émotions". La conception a été confiée à l'architecte et artiste numérique Jérémie Bellot (auteur du mapping fin 2024). Réservations à l'office de tourisme.

Sur cette toile, l'artiste parisien Jean-Philippe Lescrinier a figuré les cinq sens, sous forme allégorique, à travers la représentation des cinq enfants du dernier seigneur de Jonzac. On y voit le comte de Jonzac, Aubeterre (à la longue-vue), le comte de la Serre d'Aubeterre tendant ses mains vers une plante (le toucher), le comte d'Aubeterre et sa corbeille de fruits (le goût), Mademoiselle d'Aubeterre tenant un bouquet (l'odorat)
et Mademoiselle de Jonzac à la guitare (l'ouïe).
Ouverture du musée le 4 août. Réservations au 05 46 48 49 29

Le tableau des origines...

Sur ce tableau datant de 1727, les enfants du comte de Jonzac jouent avec les cinq sens : le toucher, l'odorat, la vue, le goût et l'ouïe. Ambiance délicate et champêtre. Il s'agit d'une huile du peintre parisien Jean-Philippe Lescrinier. Après avoir figuré sur l'inventaire du château de Jonzac en 1750, elle s'envole vers d'autres cieux, en l'occurrence le château de Carrouges dans l'Orne. Dès lors, bien peu se soucient de son devenir. Sauf le hasard qui réserve parfois des surprises... 

Flash back : Dans les années 1990, des historiens de la ville dont Jean Glénisson, alors président de l'Université d'été, et Philippe Gautret apprennent que le tableau sera vendu aux enchères. Ils en informent le premier magistrat Claude Belot : la Ville pourrait-elle s'en porter acquéreur et rapatrier dans sa terre natale la famille dispersée ? L'élu valide l'idée, mais le Ministère de la Culture a exercé son droit de préemption. L'œuvre reviendra finalement à la ville de Jonzac. S'ensuit une belle exposition consacrée aux Seigneurs de Jonzac. 

L'histoire ne s'arrête pas là : avec la restauration du châtelet, est imaginé fin 2024 un mapping consacré aux personnages de la toile dédiée aux 5 sens. Son concepteur est Jérémie Bellot qui s'illustre par ailleurs à Notre-Dame de Paris. Pour les fêtes, le public s'enthousiasme devant les effets spéciaux qui illuminent l'édifice de scènes et gerbes rayonnantes. L'aventure se poursuit avec l'aménagement d'un musée dans le châtelet rénové. Une nouvelle fois confié à l'équipe de Jérémie Bellot, directeur général et artistique d'AV Extended, le concept gravite autour du fameux tableau... 

La charpente du châtelet, magnifique !

Le chemin de ronde, unique dans la région

• Création d'une expérience multisensorielle 

La semaine dernière, une visite en avant-première était proposée par la municipalité et Christelle Brière, adjointe à la culture. Mesdames, Messieurs, que pensez-vous de ces aménagements ? L'office de tourisme était chargé de recueillir les ressentis au sortir de la visite.  

L'ouïe et le goût

L'IA donne la parole aux enfants qui, retrouvant leur éternelle jeunesse, expliquent à travers des textes poétiques, leur perception des 5 sens au sein de leur environnement. Où rechercher l'odorat, l'ouïe, la vue, le goût, le toucher ? Il y a autour d'eux tous les ingrédients propices à la perception des éléments. Cette connaissance est transmise aux visiteurs, qu'elle soit liée au passé des bâtisseurs par le chemin de ronde (unique dans la région), la superbe charpente, les assemblages des bois, le travail de la pierre ou les nouvelles technologies, effets spéciaux, intelligence artificielle. Sans oublier les panneaux explicatifs (architecture) et des bandes sonores (passages lus de La corde au cou d'Emile Gaboriau). S'y ajoutent, entre autres, les parfums dans le jardin des simples et un beau clin d'œil à l'histoire par l'interprétation et la valorisation de graffitis découverts à l'étage (on distingue le nœud de Salomon et une esquisse du châtelet, message émouvant d'un apprenti d'antan, ainsi que des personnages coiffés de chapeaux dont l'un serait un chancelier). Dans la dernière pièce, la venue de Charles de Gaulle est mentionnée.

Graffiti découvert sous les enduits
Une esquisse du châtelet (réalisée par un apprenti)
Que retenir de cette visite ?

Premier élément à prendre en compte, il faut gravir de nombreuses marches, en conséquence éviter les talons hauts ! La lecture des consignes est importante car les "étapes" ne se suivent pas. Il convient donc de bien lire les panneaux. L'animation est interactive. Chaque enfant du tableau raconte son voyage intérieur au cœur du sens qui lui est imparti. Les pièces révèlent tour à tour leurs secrets auxquels s'ajoute une ambiance intime. La scénographie a été minutieusement étudiée ainsi que les éclairages. L'objectif recherché est un dépaysement à travers les époques ! On est loin du bon vieux musée avec ses vitrines. Qu'ajouter de plus à cette découverte sinon une agréable sensation d'évasion à la rencontre d'une famille d'un autre temps - celui de l'Ancien Régime - qui vient tendre la main aux générations du XXIe siècle, à la fois si lointaines et finalement si proches par l'essence de leurs émotions. 

Quelques améliorations souhaitées

• La mise à disposition d'un plan aux visiteurs afin qu'ils localisent leur position (les numéros des salles ne se suivent pas). 

• Une modélisation en 3D du musée sera sans doute à prévoir afin de permettre aux personnes à mobilité réduite de découvrir le lieu (il n'y a pas d'ascenseur). 

• Dans la dernière salle, la chronologie de la construction du château est vague et ne peut commencer à l'an 1000, le châtelet datant du XVe (date gravée à l'entrée près de l'ancienne herse). L'ancien château attesté se trouvait plus bas, près de l'actuel chemin de ronde. Il a été ruiné durant la Guerre de Cent ans, selon les recherches de l'historien Marc Seguin. 


• Coût du projet : 500.000 euros (aides du Département, de la Région, en attente celles du CNC et de la DRAC)

L'info en plus

• L'équipe technique AV Extended a fait un travail d'intégration des matériels audiovisuels en association avec l'entreprise locale Maroc. Un directeur technique qualifié, Sylvain Delbart, a œuvré pour que l'ensemble de l'exposition soit pilotable à distance. Des techniciens ont réalisé le montage et le câblage des matériels audiovisuels, ainsi que le mapping qui permet aux images de s'adapter aux murs. Des techniciens décorateurs ont installé la scénographie et les meubles.

« Le but est de plonger les visiteurs dans l'histoire du château en proposant une narration qui traverse les âges pour explorer les événements et personnages marquants et en explorant des thèmes spécifiques liés au lieu. La mise en valeur du patrimoine architectural du château est réalisée en utilisant des technologies immersives telles que le vidéomapping, la sonorisation spatialisée et en offrant aux visiteurs un regard nouveau sur l'architecture. La création d'une expérience multisensorielle est obtenue par la représentation des cinq enfants de Louis Pierre Joseph d'Aubeterre, dernière lignée de la famille de Jonzac, chacun incarnant un sens. Il s'agit d'éduquer tout en divertissant, en faisant de l'exposition une plateforme éducative, en fournissant des supports explicatifs, des anecdotes historiques et des détails archéologiques. Le château de Jonzac est un lieu de culture vivante. L'exposition immersive renforce l'image de la ville et met en avant la restauration et la préservation du patrimoine » expliquent les concepteurs.

Ces pièces, restaurées, ont longtemps été occupées par les concierges du château
La salle de l'odorat
Une maquette de la charpente du châtelet

lundi 28 juillet 2025

Carrières de Thénac : La pierre saintongeaise présente dans de nombreux édifices dont la Sagrada Familia à Barcelone

Bienvenue dans le monde d’en bas !

Chez les carriers, tout le monde connaît le site de Thénac qui s’étend sur près de quarante hectares. Le banc le plus ancien, d’époque romaine, était utilisé quand l’amphithéâtre de Mediolanum (Saintes) a été édifié. Les entrées, encore visibles, mériteraient d'être valorisées. A quelques encablures, la plus récente date du XVIIe siècle. Toujours empruntée, la partie ombragée qui la précède, bordée d'une "muraille", la rend secrète. Bienvenue dans le monde d’en bas avec le maître des lieux, Bertrand Arcadias ! Son projet ? Proposer une modélisation de la carrière en 3D afin que le public ait accès à cet « étrange labyrinthe souterrain » grâce à l’informatique. Il a confié cette étude à Vincent Miailhe, archéologue à l’INRAP.

Blocs de calcaire en attente de livraison (particuliers,
entreprises du bâtiment, architectes, artisans, sculpteurs, etc)
Au cœur de la carrière, voyage au temps du Turonien (Crétacé)
L'entrée actuelle de la carrière remonte au XVIIe siècle

Il y a 35 ans que Bertrand Arcadias a repris les rênes de ces immenses carrières dont la pierre entre dans la construction d'édifices renommés dont la Sagrada Familia à Barcelone. A l’époque, elles appartenaient à la famille Magnani-Mercier. Parmi les principaux débouchés, figure le bâtiment. La pierre pérenne de Thénac est utilisée pour les revêtements, en France et à l’étranger (Europe, USA, Asie). Bertrand Arcadias se souvient du grand chantier d’une "petite" maison de 124 chambres à Moscou et d’une précédente restauration de Fort Boyard dont la livraison s’était déroulée en hélicoptère. Un petit regret au passage, que sa société n’ait pas été sollicitée pour la récente restauration de l’amphithéâtre de Saintes ! 

Dans la région, les carriers extraient la pierre de Thénac de générations en générations. Comme chez les mineurs, la tradition se perpétue. Une douzaine de salariés travaillent à l’extraction du calcaire, à la coupe et la sculpture dans l’atelier. 

Une modélisation des carrières en 3D

Lundi dernier. Bertrand Arcadias a sorti le grand jeu pour conduire un petit groupe dans son « antre ». Bien sûr, les bottes sont nécessaires car le mocassin, voyez-vous, ferait figure d’intrus au milieu d’une gadoue bien collante et glissante de surcroît ! Parés d’un casque, nous descendons dans le ventre de la terre, transformés en spéléologues pour l’occasion. Les galeries se succèdent et inconsciemment, certains se demandent s’ils retrouveraient leur chemin au cas où l’éclairage électrique viendrait à décliner. Il y a des lustres que les lampes à pétrole ont disparu du paysage ! « Les allées sont fléchées et elles portent des nombres pour se repérer aisément » souligne le guide. Sinon, il reste le fil d’Ariane ! Des poches d’eau surgissent de-ci de-là. Les marcheurs les affrontent avec détermination, se croyant dans une émission style « Thénac Express » dont ils seraient les héros, prêts à surmonter les difficultés du terrain. 

Ce monde souterrain, mystérieux, ressemble à une grande chapelle avec ses colonnes et ses allées taillées. On pourrait s’y perdre tant la superficie est vaste. Les lumières artificielles, qui viennent rompre l’obscurité ambiante, ajoutent à cette part d’interrogation. Des gouttes d’eau, tombant inlassablement du plafond, rappellent la position de l'équipage : nous sommes en dessous de la nappe phréatique. Un pompage est donc nécessaire pour éviter les inondations. 

Nous voici arrivés. Le silence qui régnait jusqu’alors est rompu par le bruit des machines d’extraction. Des améliorations ont été apportées au fil du temps. Des haveuses rouilleuses, aux chaînes au carbure de tungstène, coupent méthodiquement les blocs. 

Sur les parois, apparaissent de savants calculs au crayon, réalisés par les carriers afin de respecter la dimension des piliers (selon la technique des chambres et piliers). Géométrie et équilibre... Les entrailles s’activent, invisibles du monde d’en haut ! Le ventre raisonne, les vibrations emplissent cet espace inconnu maîtrisé par quelques initiés. Curieux et intimidés, les invités découvrent et s’informent…

Dans les galeries souterraines...

Les dimensions de chaque bloc sont délimitées
Sur les piliers, des calculs (technique des chambres et piliers)
Un matériel spécialisé d'extraction venant d'Italie
Découpe du bloc

Bertrand Arcadias (à gauche) apporte des explications
A droite du carrier, Vincent Miailhe, archéologue à l'Inrap

Un fois extrait, le bloc est dégagé puis il est stocké à l'extérieur et expédié, répondant aux commandes. La société propose divers produits : enduit à la chaux, badigeon, mortier ainsi que panneaux en pierre naturelle.

La visite se termine. Circuit retour. C'est dans la pénombre qu'il est beau de croire à la lumière ! Une fois revenu dans le monde d’en haut, Bertrand Arcadias nous conduit dans l'entreprise. Des éléments à remplacer d’une église romane sont en cours d’achèvement à l'atelier. Anthony présente les différents outils employés, lesquels n’ont pas beaucoup changé depuis les compagnons.  

L'atelier
Anthony à l'œuvre


« L’avenir est à la qualité des constructions, donc à une pierre belle et solide. Nous avons trois bancs différents, pierre fine, pierre ferme et banc romain. Nous ne faisons pas de commercial ici, les gens viennent parce qu’ils recherchent une qualité de pierre. L’exportation varie selon les années, elle peut atteindre de 20 à 30%. Le gisement est immense et la réserve dépasse plusieurs siècles ! »
remarque Bertrand Arcadias. Dernier projet en date, il envisage de créer une modélisation de la carrière en 3D afin que le public ait un accès direct de leur ordinateur à cet « étrange labyrinthe souterrain ». L'étude a été confiée à Vincent Miailhe, archéologue à l’Inrap, spécialisé dans la cartographie des relevés topographiques. On lui doit entre autres la galerie de l’aqueduc romain près du golf de Saintes, l’arc de Germanicus et les Thermes de Saint-Saloine.

• Le banc de calcaire de Thénac date du Turonien (deuxième étage du Crétacé supérieur), il y a 60 millions d’années. Il résulte d’un amas de fossiles très fins, la sédimentation s’étant opérée au fond d’eaux calmes, un golfe vraisemblablement.

• La pierre de Thénac connaît un destin international puisqu’on la retrouve aux USA, en Corée, Afrique, Bénélux et même à la Sagrada Familia de Barcelone.

• Le Sas, chantier d’insertion basé à Saintes, réalise de la chaux selon une méthode traditionnelle grâce au four construit à Thénac avec l'appui de Bertrand Arcadias.  

• La carrière de Thénac a participé à l’édification de nombreux monuments. Les plus connus sont l'Arc de Germanicus, l’amphithéâtre, les thermes, l’aqueduc, les arènes, les remparts du Bas-empire, la ville portuaire du Fâ à Barzan. Elle a également été utilisée dans les édifices religieux, basilique Sainte Eutrope, abbaye aux Dames et cathédrale Saint Pierre de Saintes ainsi que pour la construction d'églises romanes d’Aunis et de Saintonge, châteaux, logis et bâtiments. L’archéologue Jacques Gaillard, auteur des fouilles de la carrière gallo-romaine de l’Ile Sèche à Thenac, décrit le travail des carriers dans un ouvrage qui leur est consacré.