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jeudi 24 juin 2021

Amphithéâtre de Saintes : Sondages archéologiques avant les premières restaurations à l'automne

Les sondages sont réalisés par l’équipe de l’archéologue Bastien Gissinger du service d’archéologie départementale de Charente-Maritime (SAD17), avec le concours de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Ils ont débuté le 14 juin et se termineront début juillet. Trois tranchées réparties dans l’arène révèlent une quantité importante de données inédites, ces fouilles sont en préalable d’un éventuel dégagement intégral de l'arena, après les prochaines restaurations de l'édifice de spectacle antique. 

 par Romain CHARRIER, société d'archéologique et d'histoire de la Charente-Maritime

L'archéologue Bastien Gissinger dans l'un des sondages de l'arène de l'amphithéâtre de Saintes (site Mediolanum-santonum.fr)

Construit dans un vallon, l’amphithéâtre a nécessité le creusement des flancs des coteaux pour y faire rentrer l’ellipse du monument. Des traces de taille de la carrière antique ont pu être observées à plusieurs endroits, derrière les orthostates (blocs de pierre dressés verticalement dessinant l'ellipse de l'arène), eux-mêmes probablement taillés sur place. Plusieurs de ces blocs de grand appareil ont été retrouvés au milieu de l’arène, sous le niveau de sol d’origine, peut-être abandonnés après avoir été cassés. La salle interprétée comme un sacellum (petit sanctuaire) par l'historien Louis Maurin, en bas du vomitoire central côté nord, a été dégagée, elle a probablement aussi servi à l’extraction de pierre. Des encoches de poutres de chaque côté aideront peut-être à interpréter l’utilisation de cette petite pièce. Un espace similaire est en cours de dégagement sous le podium, du côté opposé de l'arène.

Le mur séparant le podium de l’arène a été dégagé jusqu’à sa base à plusieurs endroits, révélant une hauteur de 2,90 m. En bas de ces orthostates, un chanfrein permet de drainer l’eau dans le caniveau en bois qui le longeait. Le troisième sondage a révélé une fosse récente où ont été jetés des blocs architecturaux (modillons, corniche). A l'exact centre de l'arène, un système en place permettant d'enchâsser une poutre verticale a été mis au jour.

 L’archéologue Bastien Gissinger précise qu'il n’y a « que des niveaux antiques dans l’arène, les niveaux médiévaux ont disparu lors du grand décaissement du début du XXe siècle, mais on sait qu’une occupation du haut moyen-âge avait été observée plus en hauteur, près des travées ».

Vue d'ensemble des sondages archéologiques (© Romain Charrier)

Le drainage passé et à venir

Les sondages archéologiques actuels sont une nouvelle fois l’occasion de constater le gros problème d’infiltration et de gestion de l’eau. Même avant les pluies de ces derniers jours, l’eau a perturbé l’étude des vestiges lors du creusement des tranchées. La révision du système de drainage sera l’une des phases importantes des travaux à venir, pour assainir le monument qui est inondé chaque hiver et qui semble conserver même en période estivale, une nappe d’eau en sous-sol.

Pourtant, dès l’antiquité, les romains avaient prévu un système de gestion de l’eau performant. Pour le drainage d’origine, il existait trois systèmes, un périphérique à l’extérieur de l’édifice de spectacle, un tout autour de l’arène, au pied du podium et un dernier au centre, traversant l’arène de la porte des morts jusqu’à la porte des vivants. La stratigraphie a également permis de constater que le sol de l’arène était bombé, avec une cinquantaine de centimètre de différence de niveau entre le centre et le bord de l’arène, pour favoriser le ruissellement de la pluie. L’eau s’évacuait ensuite dans un égout voûté vers la Charente située à moins de 700 mètres à l’est. Ce système est aujourd'hui entièrement comblé.

Les sondages actuels ont permis de mettre au jour un caniveau en bois autour de l’arène. Il est constitué de madriers en bois de chêne et de planches, parfaitement conservés car maintenus dans un milieu humide. Le plus impressionnant est l’égout central, constitué de deux murets maçonnés avec des moellons liés par un béton étanche. Il a conservé l’empreinte de madriers sur lesquels devait reposer un plancher qui le recouvrait au niveau du sol d'origine de l’arène.

Visite et explications de Bastien Gissinger lors des journées de l'archéologie
 (© Romain Charrier)
Les sondages archéologiques sont réalisés par le Service d'Archéologie Départementale de la Charente-Maritime, sous la responsabilité de l'archéologue Bastien Gissinger
 (© Romain Charrier) 

La promesse d’une datation précise du monument

Un certain nombre d’éléments pourrait permettre d’affiner la datation du monument antique. Sa construction est supposée entre 41 et 54 de notre ère, sous le règne de l’Empereur Claude. Cette estimation est faite par les historiens grâce à une dédicace retrouvée dans l’amphithéâtre lors de son dégagement, lapidaire qui a été perdu depuis. La stratigraphie des sondages montre les couches successives de recharge de sable dans l’arène tout au long de son utilisation. La présence de tessons de céramique et parfois de charbon pourraient permettre de dater certaines de ces strates et pourquoi pas de savoir jusqu’à quand l’amphithéâtre a été utilisé.

Encore mieux, la présence de mobilier archéologique dans les niveaux de construction pourrait permettre de préciser la période d'édification du monument. Mais la conservation de madriers en bois de chêne, servant de canalisation tout autour de l’arène, pourrait permettre de dater très précisément l’année d’abattage de ces arbres grâce à la dendrochronologie. Si ces madriers sont d’origine, on pourrait en tirer la date précise de la construction de l'amphithéâtre, ce qui serait exceptionnel. Mais l’archéologue responsable du chantier reste prudent sur ce sujet, les analyses et les interprétations sont complexes et mettront du temps. « Il y a beaucoup de pièces du puzzle à rassembler avant d’arriver à une conclusion » rappelle Bastien Gissinger.

Un calendrier de restauration prévu jusqu’en 2023

Trois phases sont prévues pour le projet de restauration de l'amphithéâtre. L'assainissement, pourtant si urgent, ne sera réalisé qu'en 2023. La première phase de travaux commencera à l'automne de cette année, avec la restauration de la « Porte des Vivants » et de ses travées adjacentes, consolidation des arcs et voûtes, reprise des arases et des parements verticaux et traitement de la végétation invasive. Au printemps 2022, ce sera au tour de la « Porte des Morts » et de ses travées, arcs et voûtes, mise en place d'un drain pour gérer les eaux pluviales, reprise des arase, parements et gestion raisonnée de la végétation. 

La troisième phase concernera la restauration du podium et des escaliers, et enfin de l'assainissement du site avec la mise en place d'un système d'évacuation des eaux pluviales. Le drainage de la cavea initialement prévu, ne sera pas réalisé suite à l’abandon du projet de gradinage. La fin du chantier est prévue pour novembre 2023, le budget est aujourd'hui annoncé à 4,5 millions d'euros (500 000 € de plus qu'en février dernier), financé par l’État, la Région, le Département et la Ville, avec le soutien de la Fondation du Patrimoine et de la Banque des Territoires. Les sondages actuels dans l'arène sont en prévision d'un éventuel décaissement de l'intégralité de l'arène pour retrouver son niveau d'origine. Un appel d’offre est en cours jusqu'au 16 juillet pour la réalisation de ces travaux.

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