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mercredi 1 avril 2020

Coronavirus : Le point de vue de Pierre Maudoux « au moment de l’incertitude absolue, avons-nous d’autres choix que le combat, la patience, l’espoir et la culture de la solidarité ? »

En pleine épidémie de Covid-19, de nombreuses voix se font entendre. Pierre Maudoux, chirurgien dentiste à Saintes, nous fait part de ses réflexions : 


Pierre Maudoux : « Une certaine lucidité n’est pas la marque du désespoir. Elle n’interdit ni l'action, ni le rêve, ni l’humour, ni la légèreté. Elle autorise, peut-être, l’introspection vers l’essentiel »

« Confinement, voilà le mot qui gère notre quotidien, alimente nos conversations, tient notre avenir entre ses mains. Pourtant, on s’accordera sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un moyen pour lutter contre le Covid 19, mais d’un levier permettant de limiter la saturation des services d’urgences en évitant un surnombre de patients en réanimation. Le confinement serait-il une bombe à retardement ? Serait-il repousser le problème un peu plus loin dans le temps ? Serait-il l’arme provisoire masquant toutes nos faiblesses, toutes nos lacunes et toutes nos incertitudes ? Force est de constater que pendant cette pause virale espérée, les moyens de lutte peuvent se mettre en place. Ainsi en est-il de la fabrication de masques, de respirateurs, de produits de réanimation, de tests antiviraux, et peut-être demain, après-demain, d’un traitement efficace voir d’un vaccin.
Or, on voit bien que traitement et vaccin sont encore du domaine hypothétique, en tout cas restent dans le flou du moyen ou du long terme.

Alors comment imagine-t-on la sortie du confinement, qui devient notre espoir individuel et notre rêve collectif ?
Certains d’entre nous se projettent dans l’excès, le banquet, la fête, les retrouvailles, la cicatrisation, la fraternité, la reconstruction, comme à la libération après une occupation ennemie, comme après une guerre, un cataclysme.Tant mieux !
D’autres imaginent la reprise économique comme avant, ou complètement différente, avec une recentralisation, un retour des productions nationales, des circuits courts, une prise de conscience acquise et définitive des excès du libéralisme, de la libéralisation, de la mondialisation débridée.
D’autres expriment le complot, une épidémie bien moins mortifère que ne le disent les gouvernements, et laissent aller leur peur au déni argumenté.

La question se pose d’une fin sanitaire qui n’en sera sans doute pas une et d’une crise économique qui pourrait durer. Car la crise est sanitaire et elle est devenue économique.
Imaginer la fin du confinement devient en soi impossible même pour les plus brillants épidémiologistes. Car nous sommes sur une planète et l’on a bien compris que l’épidémie arrive en décalé dans les pays. Car certaines nations ont malheureusement des systèmes de santé démunis qui permettront un sursaut à la pandémie. Car le confinement empêche la construction d’une immunité collective, car il la repousse dans le temps. Arrêter le confinement d’un coup serait donc replonger immédiatement chaque pays dans la recrudescence virale. La sortie du confinement sera donc forcément progressive : mauvaise nouvelle !

Comment alors imaginer les étapes de sortie du confinement ? Tout dépendrait, tout dépendra sans doute, du nombre de tests fabriqués (il en faudra des millions) et il faudra que ces tests soient validés (ce n’est pas encore le cas).
On imagine, il faut l’espérer, dès aujourd’hui, des stratégies de passage de tests sérologiques : qui tester ? Les soignants ? Les plus exposés ? Toute la population ? Quelle fiabilité d’immunité acquise ? Quelle durée d’immunité ? L’immunité sera-t-elle réversible ? Le virus disparaîtra-t-il ? Reviendra-t-il de manière saisonnière ? Comment reconnaître les immunisés ? Que faire des autres ? Les confiner ? Les rassembler ?
On se demande, il faut l’espérer, si les mesures barrières devront être conservées ? Augmentées ? Arrêtées ? On s’interroge quant au port généralisé des masques, ou pas, et pour quelle durée ?

Et l’on sent bien, en poussant toutes ces interrogations, que la crise économique pour être stoppée, demandera un rétablissement des échanges, des transports, des voyages… qui réalimenterait peut-être la pandémie par les contacts humains rétablis, par la confrontation avec des populations infectées.
A quoi s’ajoute la grande incertitude de la continuation de la crise économique caractérisée non pas par un affolement boursier, mais par un effondrement de l’économie réelle. A laquelle se mêlent les notions de frontière, de protectionnisme médical, de conflits peut-être terribles entre des populations qui voudront fuir des zones contaminées, et d’autres qui ne voudront pas les accepter.

Alors, au moment de l’incertitude absolue, avons-nous d’autres choix que le combat, la patience, l’espoir et la culture de la solidarité ?
Peut-être ne devrions-nous pas trop vite parler de « l’après- crise » car bien malin serait celui qui, aujourd’hui, pourrait prédire et sa survenue, et ses circonstances. Notre liberté en a pris un sacré coup. Notre égalité devant la pandémie tangue selon notre région, notre état de santé, notre âge, nos moyens de protection, notre profession. Notre fraternité reste une belle et grande notion. Donnons-lui toute sa force, laissons-la s’exprimer sous toutes ses formes. Cultivons, malgré nos angoisses, cet égard envers l’autre qui est le plus beau comportement de l’humain responsable et aimant.
Bon confinement à vous toutes et tous, et bon courage !

« Une certaine lucidité n’est pas la marque du désespoir. Elle se veut le terreau pour construire des digues collectives et individuelles de résilience. Elle n’interdit ni l'action, ni le rêve, ni l’humour, ni la légèreté. Elle autorise, peut-être, l’introspection vers l’essentiel ».

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