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mercredi 2 mai 2018

A la découverte de la Soufrière, le mythique volcan de Guadeloupe

Point de vue inoubliable (© Nicole Bertin)
Alors qu’à La Réunion, le Piton de la Fournaise est entré en éruption ces jours derniers, la Soufrière, célèbre volcan de Guadeloupe, est sage (ou à peu près) depuis 1976 où elle avait causé pas mal d’émotions. 
Chaque jour, prêts à accomplir un sacré périple, des randonneurs vont à sa rencontre sur un itinéraire plutôt sportif aux odeurs de soufre (d’où son nom) dès qu’on approche du sommet. Qu’importe l’effort, le point de vue sur la baie est magnifique… si la brume veut bien s’entrouvrir, comme un rideau de scène. C’est d’ailleurs tout l’enjeu de cette balade pour les photographes : auront-ils un panorama et resteront-ils dans les nuages ?…

En avant !
La Soufrière, 1467 mètres, domine l'île de Basse-Terre. Elle est l’un des volcans les plus surveillés du monde. Le dôme visible aujourd’hui s’est formé après l’éruption de 1530.
Pas loin de Saint-Claude, aux Bains Jaunes, point de départ de la randonnée, un panneau annonce la couleur : Ne pas commencer l’ascension après 15 h 30, la nuit tombant à 18 h et bien apprécier ses capacités physiques, cardiaques et autres problèmes de santé s’abstenir. Sur le moment, on n’y prend pas garde, se disant que le dieu du volcan, qui doit s’appeler Vulcain ou « Vié madanm la » (la vieille dame en créole), prendra soin des marcheurs et des curieux qui veulent connaître ses intimes facettes. En fait, il ne faut pas se faire d’illusion. La Soufrière se mérite et ne vous fiez pas au premier tronçon, bien aménagé qui conduit à une plateforme appelée La Savane à Mulets. La suite n’est pas de la rigolade d’autant qu’en altitude, le temps est des plus capricieux (les rochers deviennent alors glissants). Ce phénomène explique pourquoi de nombreuses personnes endossent un K-Way ou se munissent de parapluies. Sur ces sentiers caillouteux, alors qu’une chaude température règne en bas sur les plages, l’attirail semble un peu bizarre… Finalement, il est bien utile car les "saucées" sont fréquentes et violentes. L’innocent parti sans protection finit mouillé jusqu’aux os ! Pas étonnant qu’on vous conseille, avant de tenter l’expérience, de consulter la météo. Si elle est maussade, il est préférable de reporter l'expédition au lendemain.

Sentier aménagé conduisant à La Savane à Mulets 
(qui n'est plus accessible en voiture depuis un éboulement)
Végétation luxuriante digne du Carbonifère

La Soufrière est le volcan mythique de la Guadeloupe, manifestement moins arrogant que celui de Montserrat, au large de Deshaies qui a détruit Plymouth, la capitale réduite à l’état de ville fantôme en 1997. La partie sud de l'île, y compris l'aéroport, ont été recouverts par une épaisse couche de lave.

Elle-même s’est manifestée durant l’été 1976 : de nombreux habitants se souviennent encore de cette période particulière ! Provoquant des secousses, toussant des cendres et des gaz, le volcan s’éveillait et la population le scrutait avec inquiétude. Un spécialiste, Haroun Tazieff, fut consulté. Il rassura les responsables. Pour lui, une importante explosion était à exclure. Toutefois, les autochtones ne l’entendaient pas de cette oreille, la prudence étant de mise. Le préfet de l'époque, Jean-Claude Aurousseau, ordonna l’évacuation de plusieurs villes, de Vieux-Habitants à Capesterre principalement. L’opération dura jusqu’à la mi-novembre. Plus de 73.000 personnes abandonnèrent ainsi leurs maisons pour se réfugier sur Grande-Terre. Seuls les habitants de Vieux-Fort, protégés par les Monts Caraïbes, purent rester, dit-on.
Comme l’avait annoncé le vulcanologue, l’épisode ne fit aucune victime. Toutefois, un séisme fut ressenti à 30 kilomètres à la ronde. De quoi provoquer des frayeurs…

Gare à la pluie, les rochers deviennent glissants...
La brume s'entrouvre comme un rideau de scène... 


• Quand le temps veut bien se dégager, on peut admirer l’un des plus beaux paysages des Antilles, avec au nord la chaîne montagneuse de Basse Terre, à l’est Grande Terre et tout autour l’ensemble des îles et îlets (Dominique, Les Saintes, Marie-Galante, Petite-Terre, La Désirade, Montserrat).
Photos © Nicole Bertin
Depuis, la Soufrière se laisse visiter, admirer, commenter, immortaliser en l’attente d’un nouvel état d’âme. Un lieu unique qu’il faut découvrir. Les commentaires des internautes sont révélateurs : « Ça vaut le détour. La randonnée du volcan a été une expérience à couper le souffle, mais attention, planifier bien votre ascension en n’oubliant pas votre coupe-vent et suffisamment d’eau » « À faire sans hésiter. L’escalade de la Soufrière est l'une des choses que vous ne pouvez absolument pas manquer pendant que vous êtes en Guadeloupe ». Ajoutons celui du Père Jean-Baptiste Labat, missionnaire dominicain du XVIIIe siècle, botaniste, explorateur et ethnographe. Un sacré personnage. Aux Antilles, pour soigner une fièvre, il aurait élaboré une eau de vie devenue le rhum par la suite. Sur l'île de Marie-Galante, la distillerie artisanale Poisson produit le Rhum du Père Labat qui porte son nom…   

Il raconte son ascension :
« Dès que le jour commença à paraître... nous prîmes le chemin de la Soufrière. Le sommet de toutes ces montagnes est pelé ; on n'y trouve que des fougères et quelques méchants petits arbrisseaux chargés de mousse ; ce qui vient du froid continuel qui règne dans ces lieux élevés, des exhalaisons de la Soufrière, et des cendres qu'elle vomit quelquefois. Comme le temps s'était purgé par la grande pluie qui était tombée pendant la nuit, l'air se trouva très clair et sans aucun nuage. Nous voyions la Dominique, les Saintes, la Grande-Terre et Marie-Galante, comme si nous avions été dessus. Lorsque nous fûmes plus haut, nous vîmes fort à clair la Martinique, Monserrat, Nieves et les autres îles voisines. Je ne crois pas qu'il y ait un plus beau point de vue au monde, mais il est situé dans un endroit incommode et trop proche d'un voisin fort dangereux.
Quand nous eûmes marché environ trois heures et demie en tournant autour de la montagne et montant toujours, nous nous trouvâmes dans les pierres brûlées et dans des lieux où il y avait près d'un demi-pied de cendres blanchâtres qui sentaient très fort le soufre. Plus nous montions, plus la cendre augmentait. Enfin, nous nous trouvâmes sur la hauteur. C'est une vaste plate-forme inégale, couverte de monceaux de pierres brûlées de toutes sortes de grosseur. La terre fumait en bien des endroits, et surtout dans ceux où il y avait des fentes et des crevasses, où nous ne jugeâmes pas à propos de nous aller promener, mais nous primes à côté pour gagner le pied d'une élévation qui peut avoir dix à douze toises de hauteur et quatre fois autant de circonférence. C'est un amas de pierres blanches et calcinées ; on l'appelle le piton de la Soufrière. C'est un trou ovale qui me parut de dix-huit à vingt toises de large dans son plus grand diamètre. Ses bords étaient couverts de grosses pierres mêlées de cendres et de morceaux de soufre. Quant à sa profondeur, nous n'en pûmes pas juger, parce que nous n'en étions pas assez proches, et il n'y aurait pas eu de prudence à s'approcher davantage ; d'ailleurs, il en sortait de temps en temps des tourbillons de fumée noire, épaisse, sulfurée, mêlés d'étincelles de feu qui ne laissaient pas de nous incommoder quand le vent les portait du côté où nous étions.
Il y a une autre bouche beaucoup plus petite que la première, qui parait comme une voûte ruinée. Il en sortait aussi une épaisse fumée et beaucoup d'étincelles. Tous les environs étaient pleins de fentes et de crevasses qui rendaient beaucoup de fumée. Ce qui marque que toute cette montagne est creuse, et comme une grande cave pleine de feu et de soufre qui se consume peu à peu et qui à la fin fait affaisser la voûte et y cause des crevasses et de nouvelles ouvertures. (...) Nous demeurâmes plus de deux heures sur le piton (...) La terre résonnait sous nos pieds, et quand on la frappait avec un bâton, presque comme si nous avions été sur le pont d'un vaisseau. Dès que nous remuions quelques grosses pierres, la fumée sortait aussitôt. Toutes ces pierres sont légères et sentent beaucoup le soufre. J'en fis apporter quelques-unes avec des morceaux de soufre, dont il aurait été facile de nous charger si nous avions voulu. Quoique nous fussions alors dans la plus grande chaleur du jour, il faisait un air extrêmement frais sur le piton. Je crois qu'on aurait bien du mal à résister au froid qu'il doit y faire durant la nuit.(...) Nous descendîmes donc par le côté opposé à celui par lequel nous étions montés ».

Le Père Labat, qui conte si bien l'ascension de la Soufrière, a laissé son nom à une marque de rhum !
Qu’ajouter de plus sinon que les habitants respectent la Soufrière avec cette sensation étrange d’avoir face à eux l’antre d’un dragon prêt à cracher du feu. Grâce aux relevés réguliers, les scientifiques l’observent attentivement au cas où il agiterait son échine…

En bas, La Savane à Mulets dans la brume


• L’observatoire volcanologique et sismologique de Guadeloupe est situé sur la commune du Gourbeyre, à neuf kilomètres au sud-ouest de la Soufrière. Ses missions sont la surveillance de l’activité volcanique de la Soufrière, la sismicité régionale, la participation à des travaux de recherche, l’information préventive sur les risques sismiques et volcaniques.

• Non loin, sur la commune de Trois-Rivières, le parc archéologique des Roches gravées abrite des témoignages de l’art rupestre des Amérindiens qui peuplaient la Guadeloupe avant l’arrivée des Européens.

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