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lundi 16 octobre 2017

Arènes de Saintes : En partenariat avec la DRAC, le comité de pilotage déterminera ce qui peut être fait… et ce qui est à éviter

Vendredi dernier, s’est tenue à Saintes une réunion concernant la valorisation, par la ville, du vallon des arènes et de son amphithéâtre gallo-romain classé, d’où la présence de la Direction Régionale des Affaires Culturelles dans le comité de pilotage. Pour l’instant, il n’est pas encore question de gradins, mais d’une large concertation entre les différents services. Elle permettra d’avoir une meilleure connaissance du monument dans le cadre des diagnostics réalisés et d’envisager un projet cohérent dont l’objectif est de préserver ce témoin vieux de 2000 ans, tout en créant une « dynamique » » autour de lui. 

Deux monuments emblématiques : les arènes et l'église Saint-Eutrope
Elle était attendue, cette réunion du vendredi 13 octobre réunissant autour d’une même table le maire de Saintes, Jean-Philippe Machon, et les "acteurs" du patrimoine, autrement dit la DRAC, archéologues, spécialistes et architectes. Le premier magistrat n’a jamais caché qu’il souhaitait entreprendre une valorisation de la ville, de l’Abbaye aux Dames aux arènes où a été évoquée l’installation de gradins en bois afin d’y accueillir le public. Annonce d’un maire voulant démontrer que son équipe a des ambitions !
Laquelle déclaration est à l’origine d’une pétition réunissant plus de 6500 signatures, lancée par Médiactions. En effet, cette association craint pour l’amphithéâtre dont les structures ont été dégradées dans le passé par des manifestations un peu trop bruyantes, des structures un peu trop grandes pour franchir la porte d’accès et des spectateurs n’ayant pas toujours conscience de la fragilité des lieux…

Pour le gros matériel nécessaire aux spectacles, l'accès aux arènes se fait par cette ancienne porte. Fragile, elle doit être respectée...
S’accorder sur un projet cohérent

Face à un climat un peu tendu, un élément est à prendre en compte : les arènes étant classées, il ne pourra pas s’y faire n’importe quoi. Où en sommes-nous actuellement ? L’étude préalable de faisabilité a été lancée en concertation avec les différents partenaires, « processus normal d’une réflexion commune dans l’étude d’un projet conduit sans a priori ». La question est de savoir ce qui peut être fait et ce qui est à éviter. Les gradins en bois ne sont pas validés, loin s’en faut ! Pour certains, cette perspective est « un serpent de mer », sujet qui suscite actuellement des frictions.
La protection du site est en première ligne. En se basant sur des données objectives, les sonos violentes peuvent altérer les pierres et créer des fissures (l’eau s’infiltre et l’hiver, le gel fait éclater les maçonneries). Dans les années 90 en particulier, plusieurs spectacles ont dégradé cet honorable témoin du premier siècle de notre ère. D’où les mesures prises par la suite avec une programmation réduite et une assemblée en nombre limité.

Manifestation en 1904. A cette époque, la protection du site n'était pas à l'ordre du jour !
Les arènes actuellement. L'idée serait de placer des gradins dans une partie de l'amphithéâtre
L’étude lancée déterminera la faisabilité du projet, ses contraintes techniques et les solutions à proposer. L’objectif du comité de pilotage est d’analyser la situation, de s’accorder sur une procédure tout en approfondissant les connaissances archéologiques sur le monument. En effet, les fouilles opérées jusqu’alors ont été ponctuelles. Les technologies actuelles devraient offrir une meilleure lecture de l’amphithéâtre.

Outre les arènes, l’objectif poursuivi par la mairie, plus vaste, est d’insuffler une animation nouvelle en s’appuyant sur la culture et le patrimoine. Comme le souligne Jean Philippe Machon, « nous sommes ville d’art et d’histoire depuis 1989. Saintes compte une trentaine de sites protégés au titre des Monuments Historiques dont 22 sont gérés par la collectivité. Le patrimoine monumental gallo-romain, médiéval, des XVIIème, XVIIIème et XIXème siècles constitue une source d’attractivité pour la cité ». Un parcours est à élaborer, de l’Abbaye aux Dames restaurée par Michel Baron et l’Arc dit de Germanicus, au site Saint-Louis (ancien hôpital en cours d’aménagement), l’église Saint-Eutrope et sa superbe crypte, le fameux vallon des arènes et l’amphithéâtre. Un musée du gallo-romain y est envisagé, l’actuel musée archéologique étant fermé pour des raisons de sécurité. D’autres perspectives sont avancées dans les maisons Audiat et Bourignon (restaurants, résidence pour étudiants, métiers de l’archéologie, taille de pierre, etc).
Aux arènes, des sondages sur des zones inexplorées jusqu’à ce jour vont être menés. 2018 et 2019 devraient permettre d’avancer avec une priorité en toile de fond « ne pas altérer les vestiges »…

Archives : durant des siècles, l'amphithéâtre a été abandonné...
Et Saint-Eutrope ?

Un sujet cher à Christian Gensbeitel, maître de conférence en histoire de l’art médiéval (l’été dernier, il a présenté un exposé fort intéressant sur cette église dans le cadre de l’Université d’été de Jonzac). « Quel est l’état sanitaire du monument ? La première phase de l’étude conduite par Christophe Amiot, architecte en chef des Monuments Historiques et Elsa Ricaud, architecte du patrimoine, fait apparaître des problèmes d’humidité dans les murs et le sol de la crypte causés par les remblais autour de l’église et le manque d’étanchéité du parvis » explique-t-il. Des études archéologiques complémentaires ainsi que des prospections géoradar non intrusives apporteront des renseignements sur la nef, détruite au XIXe siècle, et l’agencement de l’édifice. « L’étude programmée par la ville et la DRAC va créer une synergie positive » dit-il.

La crypte de Saint-Eutrope (© Nicole Bertin)
Des diagnostics vont avoir lieu sous le parvis, dans la crypte et côté nord. Il s’agira de sondages sous forme de tranchées. Bien sûr, l’escalier à deux rampes de l’abbé Lacurie sera l’objet de toutes les attentions (construit au XIXe siècle, il n’a jamais servi !). Le plan le plus ancien, de 1829, présente une lecture assez claire du bâtiment, mais il convient de vérifier !

Cet escalier conduit... à l'ancien escalier
A l’intérieur de la crypte, on aperçoit sur la droite quelques marches qui conduisent à une porte : « Elle donne accès à l’espace dans lequel se trouve l’escalier. On tombe d’abord sur des piliers et des voûtes et ensuite, on se trouve en dessous de l’escalier qui doit être en partie remblayé. Une partie du parvis repose sur lui » explique l’historien. Quant à l’escalier « historique », on ignore où il se situe, les indices manquant.
Un détail toutefois, le dénivelé entre la crypte et le chœur des moines est important. Comment s’établissait la circulation entre les parties haute et basse ? Voilà bien la question. La prospection géoradar pourrait réserver, qui sait, de bonnes surprises à l’équipe compétente et professionnelle qui travaille sur le sujet !
Entre 2018 et 2020, auront lieu la mise en œuvre des différentes interventions et les travaux nécessaires à la bonne conservation du site. L’objectif est également de traiter les abords et les accès tant à la crypte qu’à l’église.

L'église (haute) Saint-Eutrope

A noter : Cécile Treffort, professeur en histoire médiévale à l'université de Poitiers, réalise la traduction d’un texte écrit par un moine de Saint Cybard d’Angoulême en 1096, retranscrit une première fois au XVIIème siècle. Y est mentionnée la redécouverte de la relique de Saint-Eutrope placée dans une nouvelle châsse. Ce témoignage apporte moult détails, dont la consécration de l’église basse par l’Evêque et la venue du pape Urbain II en personne pour l’église haute. « Il n’existe pas, à ce jour, de traduction complète en français. Et ce n’est pas tout puisqu’on trouve encore des documents inédits sur Saint-Eutrope. Ils offrent un autre regard possible sur ce monument » souligne Christian Gensbeitel.
Saint-Eutrope fait d’ailleurs partie du Projet de Recherche Monasticon Aquitaniae - les monastères médiévaux en Nouvelle aquitaine - soutenu par l’Université de Bordeaux 3.

La châsse de Saint-Eutrope lors de la venue de Monseigneur Colomb à Saintes
Le projet de valorisation de Saintes avance. D’une part, les fouilles et autres diagnostics apporteront des éclairages supplémentaires sur l’histoire de la ville tandis que la mairie pourra poursuivre son objectif qui est de « rendre la cité plus attractive tout en développant l’économie touristique, source de retombées commerciales ». Un point dont se réjouissent de nombreux habitants.

L’association Médiactions, quant à elle, ne baisse pas les bras et rappelons-le, sa pétition ne porte que sur les arènes. Elle souhaite simplement qu’on réponde à ses questions : une définition claire du projet et l’assurance que les décibels ne déstabiliseront pas la structure existante. Une réunion publique est prévue par la mairie, sans doute l’an prochain. Elle permettra d’aplanir les angles de communication et évitera aux gladiateurs des temps modernes de prendre le chemin de l’arène !

La crypte de Saint-Eutrope menacée par l'humidité. Au temps de sa splendeur romane, le prieuré Saint-Eutrope accueillait une vingtaine de moines. Il s‘agissait de l’un des plus importants prieurés de l’Abbaye de Cluny.
• Le projet lancé par Jean-Philippe Machon passe forcément par la case « archéologie et diagnostics », permettant de mieux connaître les monuments emblématiques de la ville. Dans le bulletin municipal, concernant les futurs gradins des arènes, Isabelle Oberson, directrice de affaires culturelles, précise que « l’installation doit être réversible, c’est à dire que la structure puisse être enlevée afin de pouvoir revenir à la ruine antique ».

• Cécile Trébuchet, présidente de Médiactions, n’apprécie pas une déclaration du maire dans le bulletin municipal : « il parle de polémique sans fondement visant à saboter un projet avant même qu’il ne soit lancé. Nous ne polémiquons pas, nous posons des questions, exercice démocratique et citoyen, pour lesquelles nous n’avons pas reçu de réponse ».

• A noter sur vos tablettes : Du 7 au 11 juin 2018, se déroulera en Charente-Maritime le Congrès annuel de la Société Française d'Archéologie qui sera suivi d’une publication. Ce congrès, dont la coordination scientifique sera assurée par Christian Gensbeitel, sera consacré à l'étude des monastères médiévaux en Saintonge (notamment à Saintes l’Abbaye aux Dames et Saint-Eutrope, Saint-Jean-d'Angély, Sainte-Gemme, Trizay, Fontdouce, l'Hôpital-Neuf de Pons, etc). Des spécialistes présenteront les monuments in situ au cours de sorties et des conférences seront organisées à Saintes et Saint-Jean-d'Angély. Le programme sera disponible sur le site de la Société Française d'Archéologie et ce congrès sera ouvert à tous sur inscription (payante), y compris aux non-adhérents de la SFA.
En avril ou mai 2018, la quatrième journée de Rencontres Médiévales à Trizay sera probablement consacrée aux sépultures dans les monastères.

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