Au début des temps modernes, la production du verre était une activité très répandue en Saintonge méridionale ; les toponymes « La Verrerie » (Boisredon, Saint-Martin-de-Coux, Lamérac, Plassac, Le Douhet, Vénérand, Chamouillac) se concentrent dans les zones de landes où se trouvent le sable et les fagots. Vers 1550, on note par exemple des fours à Courpignac où l’établissement appartient aux "écuyers" Martin Bartholier et Baptiste Grenier. Ils tiennent à leurs prérogatives de « gentilshommes-verriers » et jouissent de privilèges accordés en 1526, dont l’exemption de la taille. Mais leurs voisins, qui paient à leur place et ne les tiennent aucunement pour nobles, s’efforcent de les soumettre au sort commun. Vers 1550, dans tout le Sud-Ouest, le commerce du verre est alors dominé par le bordelais Pierre Boileau.
Ces artisans peinent à acheter l’indispensable soude, le « salicor », produit rare et coûteux qui provient d’une plante, la salicorne.
Bernard Palissy, qui a travaillé à la fabrication de vitraux, la connaît bien : « Le salicor est une herbe qui croît communément es terres des marais de Narbonne et de Xaintonge. Or, ladite herbe estant bruslée se reduit en pierre de sel, lequel sel les apoticaires et philosophes alchimistals appellent alcaly ; brief, c’est un sel provenu d’une herbe. Item, la fougere aussi est une herbe; et estant bruslée, se reduit en pierre de sel, tesmoins les verriers qui se servent dudit sel à faire leurs verres... le verre est la plus grand partie de sel et d’eau ; je dis de sel à cause du salicor qui est un sel d’herbe; apres je dis d’eau parce que les cailloux ou sable joints au sel de salicor sont partie d’eau et de sel ».
Coupée entre mai et la Toussaint par des cohortes de femmes et d’enfants, la salicorne est séchée puis brûlée, les cendres tamisées, et les sels présentés sous la forme de « pierre ». On la récolte partout dans les marais salants des « isles de Xainctonge » et la « pallu » (marécages) qui borde la côte nord de la Gironde, chez les seigneurs de Mirambeau et de Cosnac, jusqu’à Blaye où le droit de cueillette est affermé au profit du domaine royal à des marchands comme Jean Guérineau de Saint-Sorlin-de-Cosnac. Au milieu du XVIe siècle, ils sont une dizaine qui contrôlent ce secteur ; on est surpris d’y rencontrer un groupe de Gémozacais !
La Saintonge est donc exportatrice; Ainsi le 24 février 1571, François Bouyer quitte Saint-Sornin près de Marennes avec sa barque dont nous ignorons le nom. Il va livrer 330 quintaux de salicor à Libourne, ayant été engagé par Jacques Tabourin de Charras en Angoumois. Le précieux produit a été vendu à Jean Mathelineau, lui-même marchand du petit bourg de Malatrait au sud de Barbezieux. A Libourne, le salicor est rechargé dans une gabare (un « courau »), à destination de Bergerac et, au delà, du Périgord et du Massif-Central.
Aujourd'hui, la salicorne peut être servie comme légume. C'est délicieux ! |
Merci pour ces compléments d'informations sur le temps où la salicorne était très importante aux verriers, aux alchimistes et aux savonniers. Si parfois vous avez vent d'une fournisseur de cendres de salicorne et de plantes saponifères, faites le savoir.
RépondreSupprimerEtant savonnier à "processus froid" et parfumeur j'aimerai beaucoup revenir à cette tradition éco responsable et beaucoup plus hypoallergenic pour nos corps.
Il a donc bien de l'avenir dans la culture et la valorisation des plantes salines, autres que pour l'estomac.