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mercredi 14 septembre 2016

Claude Belot raconte l'aventure exceptionnelle des Thermes : « avec Adrien Barthélémy, nous avons inventé le futur de Jonzac ! »

Créée en août en 1986, la station thermale de Jonzac est la seule en France à posséder trois orientations, rhumatologie, phlébologie et voies respiratoires

   
De cette aventure thermale, il a été question jeudi soir au théâtre du château lors d'une soirée "confidences" en présence de Claude Belot, maire de Jonzac, Christine Guérard, responsable de la Chaîne Thermale du Soleil, Michel Guérard, l'un des fondateurs de la cuisine moderne et Serge Espin, directeur de la station thermale de Jonzac. Depuis la fin des années 80, les curistes ont donné à cette sous-préfecture de moins de 4000 habitants le coup de pouce dont elle avait besoin pour relancer l'économie locale et faire face à l'exode rural.

Devant un public nombreux, Claude Belot est l'invité de l'Université d'été. Elle clôture son cycle de conférences par un sujet passionnant : l'histoire des thermes de Jonzac. Le maire est sur les planches, un peu ému comme le serait un comédien ! A-t-il le trac ? Qui sait après tout, mais son texte, il le connaît par cœur et avec lui, tous ceux qui ont suivi la création de la station. Il est vrai que cette histoire n'est pas banale : ouvrir des thermes dans un lieu qui abrita un important dépôt de munitions allemand et dont le nom est à jamais lié aux deux héros de la résistance, Pierre Ruibet et Claude Gatineau… la transition est peu commune.

Conférence au théâtre du château : Claude Belot et Christine Guérard, fille d'Adrien Barthélémy, PGD de la Chaîne Thermale du Soleil
Un public nombreux !

Tout commence par une prospection pétrolière…

Dans les années 70, on cherche du pétrole dans le sous-sol de la commune de Clam, près de Jonzac. Selon le slogan, il est conseillé d'avoir des idées, des fois que les pays du Golfe feraient des misères aux Occidentaux ! Evidemment, en ces terres calcaires, le pétrole est aussi rare que les chameaux, mais les prospections ouvrent des horizons : le forage fait apparaître de l'eau chaude en abondance.
Au début des années 80, Claude Belot, maire de Jonzac et son équipe (dont Christiane Proux, Jean Laroche, Gilbert Cessac, Christian Balout, James Pitaud) évoquent, devant les caméras d'Antenne 2, la possibilité de chauffer la ville avec la géothermie qui se substituerait au fuel.
En pleine éclosion des énergies nouvelles, Claude Belot, jeune élu dynamique, géographe à l'université de Poitiers, se met au travail et s'informe sur ce qui peut être fait. Un forage, au lieudit Heurtebise, est lancé. Il vise à localiser la fameuse nappe souterraine.
L'apparition de cette eau - cette "flotte" comme on l'appelait - est attendue avec impatience. Les grands moyens sont déployés. Reste à savoir à quelle profondeur on la trouvera et surtout à quel degré de chaleur elle sortira des entrailles de la Terre !

L'eau est bien là ! Coupure du journal Sud-Ouest
A son arrivée, dans la nuit de Noël 1979 (événement largement immortalisé par les photographes malgré le froid !), elle est moins chaude qu'on ne l'espérait, d'où la nécessité d'apporter des thermies supplémentaires pour l'alimentation du réseau (combustion des ordures ménagères, puis bois). Mais elle est bien présente en quantité et les canalisations sont installées en 1981. Les premiers clients raccordés sont M. et Mme Tardy, rue Winston Churchill. Jonzac, qui a fait face au choc pétrolier, utilise toujours le chauffage urbain, preuve que le système est pérenne.

De là à imaginer d'autres fonctions à cette eau, il n'y a qu'un pas. Naît alors le projet de station thermale, d'autant que des textes anciens mentionnent des sources à Jonzac (et à Montendre). Dans ces conditions !

Claude Belot : « Quand l'eau est sortie du puits, je l'ai bue. Elle était sulfureuse, manifestement très minéralisée, avec un goût particulier »

Revenons à 1979. « Lorsque le premier échantillon a été remonté du puits, j'en ai bu, ce qui est complètement imbécile parce que j'ignorais à l'époque sa composition chimique. Elle était sulfureuse, manifestement très minéralisée, avec un goût particulier. Disons qu'elle était laxative ! De manière intuitive, j'ai compris que cette eau n'était pas ordinaire, que nous tenions là quelque chose qui pouvait avoir une autre application que l'apport de calories » explique Claude Belot.
L'idée d'une station thermale fait son chemin. Pour être franc, Claude Belot n'appréciait pas trop les établissements thermaux : « quand mon frère Michel et moi-même accompagnions notre mère en cure à Argelès, on s'y ennuyait royalement ! ». Toutefois, il ne s'arrête pas à ces considérations.
Il se rend à Vichy étudier le fonctionnement de la station. « Dès mars 1980, nous avons travaillé avec le conseil municipal, en particulier les dr Stéphan et Sclafer. L'un disait que l'eau thermale faisait plus de cocus que de guéris, l'autre que ses qualités étaient réelles ». Une réflexion s'engage.
En 1982, débute un protocole de recherche. Originaire des Pyrénées, Louis Chalié, qui fréquente une jeune fille du coin, est interne à l'hôpital de Jonzac. L'étudiant en médecine choisit de consacrer sa thèse aux vertus des eaux locales. Les résultats obtenus sur les premiers malades soignés dans le module thermal font l'objet de toutes les attentions. La soutenance a lieu en février 1984 (à ce jour, il existe une dizaine de thèses en médecine et pharmacie sur le sujet).

Départ pour l'Académie de Médecine : les drs Louis Chalié, Jean-Claude Beaulieu, 
André Lefeuvre et Guy Petit, journaliste à Saintonge Hebdo (© Nicole Bertin)
A Paris, on attend le feu vert de l'Académie de Médecine !

Après l'effort, le réconfort !!! (© Nicole Bertin)
D'abord regardé avec un brin de suspicion, le projet est rapidement cautionné par la population. Enfin, pas par tout le monde. On se souvient des apostrophes que s'envoyaient en séance publique Claude Belot et Yves Jouteux, alors chef de file de l'opposition. Ne disait-il pas que Claude Belot avait inventé l'eau chaude ! Le torchon brûlait et l'eau était bien utile pour éteindre les foyers de friction !
L'intéressé ne baisse pas les bras. L'avenir démontre qu'il a eu raison : la filière est porteuse pour le développement de la région. Le 7 mai 1985, après un voyage collectif des Jonzacais à Paris (les grands événements se vivaient quasiment en famille !), l'Académie Nationale de Médecine reconnaît l'efficacité thérapeutique de la source "Soenna". Le ministère des Affaires Sociales autorise son exploitation pour le traitement « des affections en rhumatologie ». A Jonzac, c'est le branle-bas de combat car il faut aménager la future station. D'importants travaux sont réalisés aux carrières d'Heurtebise.

Le premier module thermal. Sur cette photo, les patients sous le regard de Claude Belot, Jean Noël de Lipkowski et René Monory (© archives Nicole Bertin).
Le premier module thermal, très rustique, a servi de support aux études de Louis Chalié qui préparait sa thèse de médecine. Sur cette photo, il est aux côtés de Bernard Grasset, alors préfet (avant de devenir maire de Rochefort) et Claude Belot
L'exploitant retenu est la Chaîne Thermale du Soleil. Le courant passe bien avec Adrien Barthélémy, ancien instituteur de l'Aveyron reconverti dans ce secteur d'activités. « La grande question était de savoir comment faire marcher une nouvelle station. Il y en avait tant qui battaient de l'aile en France ! La démarche de la CTS m'a semblé intéressante. J'ai appelé Barthélémy qui m'a répondu : Jonzac est sur ma route. Je viens vous voir. Jonzac a été la première station créée depuis la dernière Guerre selon la méthode de la démonstration thérapeutique » remarque Claude Belot.
Adrien Barthélémy est un homme plein de bon sens. N'a-t-il pas été guéri d'un eczéma grâce aux bonnes eaux de Molitg-les-Bains? Il croit en cette unité saintongeaise portée sur les fonts baptismaux en août 1986 : « elle occupait la 104ème place sur 104. Aujourd'hui, elle est la 7ème du groupe sur 98. Ce pari d'ouvrir des thermes à Jonzac a été un moment de folie à deux » avoue Claude Belot avec un sourire complice.

Projet à l'étude en présence de Claude Belot, Alain Billard, architecte, Louis Chalié, André Lefeuvre et les responsables de la Chaîne Thermale du Soleil (© Nicole Bertin)
Actuellement, Jonzac est la seule station française à posséder trois orientations, la rhumatologie, les voies respiratoires (1992) et la phlébologie (2006). D'importants aménagements intérieurs et extérieurs y ont été faits, dont un accueil plus vaste (soit 35 millions d'euros d'investissements). Plusieurs directeurs se sont succédé, de la pionnière Mme Couybes à Georges Favre et Serge Espin.
La station a littéralement explosé : en 2015, Jonzac a reçu 14640 patients (16000 prévus en 2016), d'où l'essor des locations thermales, des résidences hôtelières, les retombées sur l'économie locale (plusieurs milliers d'euros) et l'animation "copieuse" que proposent l'office de tourisme et les différents acteurs de la vie culturelle. Sans oublier les infrastructures réservées aux accompagnants comme le complexe aquatique des Antilles ou le casino.

Les nouvelles orientations du thermalisme

Un débat s'ouvre avec le public. Michel Guérard y conte avec humour sa rencontre avec Christine Barthélémy, héritière de Chaîne Thermale du Soleil. Patron de l'hôtel-restaurant Les Prés d'Eugénie à Eugénie-les-Bains dans les Landes, il est considéré comme l'un des fondateurs de la cuisine "minceur", ouvrage à fort tirage qui lui valut la couverture du Times.
 
Son mariage lui ouvre des perspectives. Outre ses fourneaux, il s'intéresse au thermalisme avec un regard novateur. Il met au point, par exemple, la piscine de boue à partir d'une expérimentation personnelle où il mélange eau thermale et argile dans une casserole.
S'il tire son épingle du jeu, le thermalisme n'en continue pas moins à être "critiqué" par certains praticiens. D'où la nécessité de se sauver par lui-même en présentant des résultats : « nous avons continué à faire des recherches afin d'être vu autrement par le Ministère de la Santé ». Le regroupement des divers syndicats a également permis de parler d'une seule voix.
Parmi les nouvelles indications du thermalisme, figurent les personnes souffrant de maladies chroniques comme le diabète ou l'insuffisance respiratoire. S'y ajoute la dépression avec réduction notoire des médicaments (soins à Saujon en particulier).

Durant la soirée, les questions se succèdent avec une volonté : que Jonzac reste une station à caractère familial réunissant jusqu'à trois générations. « Nous souhaitons maîtriser notre développement » souligne Serge Espin. Accueillir 1600 curistes par jour nécessite, en effet, une belle organisation.

Serge Espin et son équipe (2015)
Georges Favre et une partie du personnel des Thermes
• Un nouveau puits est nécessaire

Face à son succès, la station thermale ouvre dès le mois de février pour fermer en décembre. Le puits qui l'alimente prend de l'âge et un nouveau sera bientôt nécessaire : « Il faudra au moins trois ans avant qu'il ne soit opérationnel. Nous avons le devoir de réussir ensemble avec la Chaîne Thermale du Soleil » déclare Claude Belot qui se réjouit, par ailleurs, de la ligne de produits de beauté "Jonzac" élaborée à partir de l'eau thermale par Léa Nature. En chantier également, l'eau minérale naturelle en bouteilles. Le maire admet que la concrétisation d'un tel projet demandera du temps. « D'autres le porteront » dit-il.

• Un partenariat entre le lycée 

et la Chaîne Thermale du Soleil ?

Maylis Laferrère, proviseure du lycée, rappelle que son établissement propose un BTS diététique qui pourrait s'accompagner d'un partenariat avec Michel Guérard. Cette filière offrirait une correspondance entre la formation et l'offre professionnelle. L'idéal, pour Jonzac, serait de proposer une licence après ce BTS.
A Eugénie les Bains, Michel Guérard a créé une école de cuisine de santé, l'Institut Michel Guérard, où il accueille une vingtaine d'élèves. Et s'il ouvrait un restaurant à Jonzac ?…

Serge Espin et Georges Favre. Serge Espin a été l'un des premiers directeurs de la station thermale. Il y est revenu des années plus tard, prenant les rênes d'une station
en pleine ascension !

• Michel Guérard ( à gauche de la photo) voulait devenir curé, puis comédien. Il a finalement choisi le métier de cuisinier et s'intéresse au thermalisme ! A ses côtés, Claude Belot et Serge Espin

• Ils ne sont pas si nombreux, parmi les conseillers municipaux actuels, à avoir vécu l'aventure thermale, les équipes ayant changé au cours des mandats. Les médecins, MM. Stéphan, Sclafer, Lefeuvre et Chalié nous ont quittés. Les deux témoins directs de cette époque "épique" sont Christian Balout et Madeleine Perrin, qui était alors secrétaire en chef de la mairie.

Visite des carrières d'Heurtebise en présence de Jean Laroche, Alain Billard, Christiane Proux, Mme Couybes, première directrice des Thermes de Jonzac ouverts en août 1986 
(Archives Nicole Bertin)
• 1600 curistes par jour


En 2011, 950 curistes/jour recevaient des soins à Jonzac. Ils sont 1600 aujourd'hui. Le rituel de la cure reste le même durant 21 jours. La première halte se trouve aux vestiaires où les patients endossent leur "tenue de combat", un peignoir. Munis d’une serviette et de leur laissez-passer, sorte de carte d’embarquement, ils effectuent leur traitement au sein des équipements répartis en unités. Dans la piscine, la gymnastique aquatique donne une meilleure souplesse aux mouvements et le jet est bien agréable pour «  décontracter  » les muscles endoloris. Il y a aussi les cataplasmes, les bains de kaolin, les douches multiples et variées, le vaporarium. En phlébologie, dont les structures ont été inaugurées en 2010, l’eau, plus froide, favorise la circulation veineuse via un couloir de marche et un autre bassin.
De 6 h à 17 h (sauf le dimanche), la station vit, s’anime et bourdonne ! «  Ici, c’est beaucoup moins strict que dans des stations plus importantes où le curiste a un numéro qui s’affiche sur un tableau. Jonzac a gardé un esprit familial qui la rend attrayante  » souligne le directeur de la station, Serge Espin. La plupart des curistes sont traités en rhumatologie. Ils viennent en majorité du Poitou Charentes, Bretagne, Nord, Pays de Loire et région parisienne.


L’eau, riche en oligo-éléments, est extraite d’une nappe profonde (1 800 mètres). 
Sa température est de 62 degrés. Le débit journalier est de 800 000 litres.
• A Jonzac, le site d'Heurtebise est bien plus 
qu’une station thermale !

Les carrières d‘Heurtebise, où se trouvent les Thermes, ont un riche passé. Surplombant la Seugne (rivière dont le tracé s’est modifié au fil du temps), la falaise calcaire était déjà habitée durant la préhistoire, comme l’indique la présence de silex et autres pierres taillées retrouvés en ce lieu. Suivirent l’extraction de pierre pour les constructions (dont la cathédrale de Cologne, dit-on) et des champignonnières.
C’est au XXe  siècle, durant le Second Conflit mondial, que le site est entré dans l'histoire. La Kreigsmarine, en effet, y possédait un vaste entrepôt de munitions. Un résistant, Pierre Ruibet, aidé par un jeune Jonzacais, parvint à le détruire le 30  juin 1944.
Cet acte courageux plongea la ville de Jonzac dans une situation dramatique, les Allemands demandant quarante otages en représailles. Le maire de l’époque, René Gautret, et le curé se désignèrent spontanément. La menace ne fut pas mise à exécution. Seul Claude Gatineau fut jugé et fusillé, le corps de Pierre Ruibet ayant été enseveli sous les décombres durant l’explosion.
Un monument, boulevard Denfert Rochereau, a été érigé en mémoire des deux hommes. A la station thermale, une plaque rappelle leur geste héroïque.

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