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mercredi 18 mai 2016

Saintes : la démolition de l'Arc romain
de Germanicus, une opération jugée
par Victor Hugo « dérisoire et barbare »

Alors la Charente s'apprête à accueillir le restaurant la Péniche près de la place Bassompierre et que l'affaire fait couler de l'encre (sous la plume de Didier Catineau en particulier), une autre déclencha des passions...

L'arc marquait l'entrée du pont à l'époque gallo-romaine
Retour au XIXe siècle. En 1840, la municipalité de Saintes envisage de détruire le vieux pont que garde l'arc de Germanicus. Prosper Mérimée, alors Inspecteur général des Monuments Historiques, se mobilise pour sauver ce moment érigé au 1er siècle de notre ère : il doit absolument laisser son empreinte aux générations futures ! S'il est difficile d'enrayer la machine de destruction municipale,  on peut au moins le reconstruire et respecter le sens de l’histoire…
Le pont est finalement démoli en 1843 et l'écrivain Victor Hugo, de passage à Saintes, relate les travaux auxquels il assiste, impuissant, dans son carnet de voyage « France et Belgique, Alpes et Pyrénées ».


Dessin de Claude Masse, architecte de Louis XIV, de passage à Saintes
Prosper Mérimée, qui doutait de la sincérité de l'équipe municipale, revient en 1844 à Saintes pour faire le point avec la mairie et surtout préserver cet arc qui agonise en morceaux sur la place Bassompierre. Installé sur les berges de la Charente, il retrouve son apparence en 1851. L'arc de Germanicus est classé aux Monuments Historiques en juillet 1905.
Détruit, le vieux pont fait place à un pont suspendu placé à 100 mètres en aval qui reste en usage de 1842 à 1876. Suit la construction, de 1876 à 1879, de l'actuel pont Palissy. L'actuel Cours National est tracé sur l'emplacement des fossés longeant les anciens remparts de la ville.

Le pont au Moyen Age (dessin Pierre Samson)
La tristesse de Victor Hugo assistant aux travaux 
de démolition de l'arc de Germanicus :  
« Opération barbare et dérisoire »

« Le vieux pont de Saintes a perdu tout son caractère. Châtré et rejointoyé. On démolit en ce moment l’arc de triomphe pour le transporter ailleurs, dit-on. Opération barbare et dérisoire. Le pont est encombré des débris de l’arc mis en poussière. J’ai vu emporter la pierre numérotée C-S ; un cahot a failli faire verser la charrette ; un peu plus, la pierre tombait sur le pavé et s’en allait en miettes, comme les deux tiers du monument. Il ne reste plus que les deux arches d’en bas. Les ouvriers dessus, la charpente dessus et autour, la grue en haut. Les vieilles pierres vermiculées par l’âge et la pluie s’écrasent sous la pression des échelles. Là, à l’angle à droite, une colonne engagée, cannelée en porte-à-faux, sera évidemment refaite ou manquera. On appelle cela sauver un monument. Le pont, à ce qu’il paraît, gênait la navigation. A l’époque où il fut construit, la mer, comme me disait un vieux marin, « se faisait sentir » à Saintes plus qu’à présent. Maintenant le pilotis est trop élevé de trois ou quatre pieds. On a essayé de le couper sous une arche. Mais c’est une charpente si savamment nouée que tout s’y tient. On n’eût pu l’entamer sur un point sans que tout le reste ne s’infiltrât. De là cette démolition si regrettable ».

Victor Hugo – (France et Belgique. Alpes et Pyrénées – 1843)

Au fond, le pont Palissy a été construit à la fin du XIXe siècle
Un restaurant péniche va être installé non loin de l'Arc de Germanicus avec création de places de parking sur la place

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