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mercredi 18 mai 2016

L'Arc de Triomphe de Saintes :
« un peu trop blanc » pour les uns,
« laissons du temps au temps »
répondent les autres

En juillet dernier, l'arc de triomphe, sauvé par Prosper Mérimée d'une mort annoncée quand le pont a été démoli au XIX siècle, a fait l'objet d'un nettoyage qui l'a rendu plus blanc. Tellement blanc que certains habitants sont surpris par cette apparence qui s'apparenterait davantage, à leur sens,  à « un décapage qu'à un rafraîchissement du monument »...


Dans leur prime jeunesse, on prétend que les pyramides de Gizeh, en Egypte, étaient d'une blancheur immaculée, couleur qu'elles auraient perdu depuis des lustres. Le maire de Saintes a-t-il voulu rivaliser avec ces témoignages du monde antique en faisant procéder, en 2015, au nettoyage de l'Arc romain de Germanicus ?
Cette construction, érigée au premier siècle de l'ère chrétienne, c'est-à-dire en 18 ou 19 après J.C. pour l'empereur Tibère, son fils Drusus et son neveu et fils adoptif Germanicus, a été financée par Caius Julius Rufus, un illustre citoyen de Mediolanum Santonum. Détail important que soulèvent les historiens, il ne s'agit pas d'un arc de triomphe, mais d'un arc routier à deux baies initialement bâti à l’arrivée de la voie romaine Lugdunum – Mediolanum Santonum (Lyon/Saintes). Il campe sur la terre ferme, marquant la fin de la voie Agrippa et l'entrée de la cité. Suite à l'érosion qui sape les berges de la Charente, l'arc se retrouve bientôt sur le fleuve, à quelques mètres du bord. Par chance, ses solides fondations lui permettent de résister au courant. Au Moyen Age, un pont de bois est réalisé pour le relier à nouveau à la rive (construction en pierre sous Louis XIV). Une imposante tour est édifiée du côté des remparts. Le pont occupe alors un rôle défensif.

Monument emblématique de Saintes

Des siècles plus tard, l'arc est toujours débout, c'est pourquoi on continue à l'appeler Arc de triomphe parce qu'il a de l'allure. A ses pieds, 2000 ans contemplent le visiteur, autrement dit il inspire le respect ! C'est vrai qu'il est imposant avec ses inscriptions latines, ses frises corinthiennes et ses pierres qui murmurent à l'oreille des touristes des histoires du temps d'avant. Quand l'habitant allait à pied ou en chariot et qu'il franchissait le pont dont il gardait l'entrée ! Passer sous ses arches, c'était traverser le fleuve ! Cette époque est révolue, mais il ne laisse personne indifférent, pas ceux en tout cas qui sont touchés par son émouvante présence.
Pendant longtemps, l'arc bénéficia d'une paix royale. La place intéressait davantage les élus qui se sont succédé. Pas Michel Baron, mais Bernadette Schmitt qui a voulu recréer le pont historique reliant les deux rives (en effet, le pont initial était situé dans l'axe des deux allées principales de la ville dont l'une allait jusqu'à l'oppidum où se trouve l'ancien hôpital de Saintes). Malheureusement, ce projet échoua et c'est dommage car il correspondait au plan de l'ancienne cité gallo-romaine. Jean Rouger, quant à lui, installa sur cette place, désormais interdite aux voitures, des structures susceptibles d'intéresser les touristes et la population. Idée reprise par l'actuelle municipalité qui y organise des manifestions et propose des attractions.

Et notre arc ? L'an dernier, en 2015, Jean-Philippe Machon, avec l'autorisation de la Drac, a fait opérer à son nettoyage, lequel a été supervisé par Virginie Segonne Debord, architecte du patrimoine. La prise de décision, quant à elle, n'a pas été abordée en conseil municipal. En conséquence, les édiles n'ont pas pris de délibération.

En juillet 2015, les travaux de ravalement de l'arc de triomphe (© Thierry Landry)

Les travaux ont été réalisés en deux temps. Première étape, pulvérisation d'un produit à l'odeur « plutôt chlorée » soulignent des riverains. Puis, le produit ayant atteint son objectif, passage au jet pour donner au monument l'aspect qu'on lui connaît aujourd'hui.
Thierry Landry, responsable du bar de l'Arc de Triomphe, qui n'a pas sa langue dans sa poche, se souvient de l'intervention de l'entreprise spécialisée : « il n'y avait pas de protection autour du monument, seulement un simple filet devant le pilier central à un moment donné. Outre les odeurs du produit injecté dans la pierre, le nettoyage a projeté un millimètre de poussière dans le bar et les maisons du quartier. J'ai demandé aux intervenants pourquoi il n'y avait pas de filet de protection, ils m'ont répondu que le budget était trop serré ». Et d'ajouter « j'ai prévenu la police municipale pour qu'elle vienne constater qu'il y avait préjudice sur ma terrasse avec projection d'eau et de produit dans les consommations des clients. Je ne comprends pas, j'ai entendu dire que ce type de travaux se faisait à l'aérogommage. Dans le cas présent, cela ressemble plus à un décapage, voire à une agression de la pierre dont certaines se seraient détachées ». L'intervention a duré deux semaines. Comme le montrent les photos qui parlent d'elles-mêmes, il n'y avait effectivement pas de protection…

L'arc n'est pas à l'abri des tags..
Le rue de l'Arc de Triomphe se trouve dans l'alignement historique 
de l'ancienne cité gallo-romaine
Pour la mairie, les travaux se sont déroulés dans les "normes" et l'effet obtenu est celui qui était recherché. L'application d'un biocide, qui vise à réduire la colonisation des mousses, fait que la pierre est éclaircie et blanche. Frédéric Neveu, adjoint au maire, estime que l'arc a retrouvé tout son panache  : « ceux qui l'estiment trop blanc ne sont pas nombreux. Les avis que j'ai recueillis sont plutôt favorables à ce ravalement. C'est une belle réalisation. Il faut se dire que d'ici quelques années, cet aspect sera modifié. L'arc, qui fait la fierté des Saintais, aura retrouvé sa patine ».
Alea jacta est !

D'ici quelques jours, un restaurant péniche devrait s'installer sur la Charente, près de la place Bassompierre. 
Son arrivée est annoncée pour la semaine prochaine
Carte postale ancienne de Saintes. A cette époque, 
il y avait beaucoup d'arbres sur la place Bassompierre !

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