La France se mobilise militairement et pleure ses innocentes victimes, sacrifiées au nom d'une guerre aux intérêts religieux. Officiellement du moins. Pourquoi avoir déstabilisé le Moyen Orient au nom des printemps arabes et ouvert la boite de Pandore ? Les interrogations quant à la politique étrangère française sont nombreuses, que ce soit en Syrie ou concernant nos relations avec la Russie, la Turquie et l'Iran…
A Paris, hommage aux victimes devant le Bataclan (© François Huchet) |
Place de la République à Paris |
• François Huchet, photographe
Depuis des décennies, François suit l'actualité. Avec finesse et talent, tout en noir et blanc. Les événements du 13 novembre l'ont bouleversé. Armé de ses objectifs, il est parti pour Paris sur les lieux des drames. « Pas un chat dans le train » se souvient-il. Pays tétanisé. Il s'est rendu dans les quartiers martyrs, endroits qu'il connaît bien pour avoir vécu dans la capitale.
Sur place, l'émotion l'envahit. Pray for Paris. « A Charlie hebdo, on a pleuré une rédaction. Les morts du 13 novembre sont anonymes, des jeunes pour la plupart. Chacun se recueille et prie en silence ». Règnent une gravité et une paix que nul ne viendrait troubler. Place de la République, un lama tibétain égrène inlassablement les secondes. Qu'il pleuve ou qu'il vente. Assis sur le bord du trottoir, trois Musulmans clament leur incompréhension face à ces actes barbares, un message à la main. Pas besoin de paroles pour se comprendre. Les télés campent dans les parages, une quinzaine, à l'affût.
Depuis des décennies, François suit l'actualité. Avec finesse et talent, tout en noir et blanc. Les événements du 13 novembre l'ont bouleversé. Armé de ses objectifs, il est parti pour Paris sur les lieux des drames. « Pas un chat dans le train » se souvient-il. Pays tétanisé. Il s'est rendu dans les quartiers martyrs, endroits qu'il connaît bien pour avoir vécu dans la capitale.
Sur place, l'émotion l'envahit. Pray for Paris. « A Charlie hebdo, on a pleuré une rédaction. Les morts du 13 novembre sont anonymes, des jeunes pour la plupart. Chacun se recueille et prie en silence ». Règnent une gravité et une paix que nul ne viendrait troubler. Place de la République, un lama tibétain égrène inlassablement les secondes. Qu'il pleuve ou qu'il vente. Assis sur le bord du trottoir, trois Musulmans clament leur incompréhension face à ces actes barbares, un message à la main. Pas besoin de paroles pour se comprendre. Les télés campent dans les parages, une quinzaine, à l'affût.
Même tristesse au Petit Cambodge, au Carillon rue Alibert, à la Bonne Bière et Casa Nostra rue de la Fontaine au roi. Des roses ont été plantées dans les trous laissés par les impacts de balles. Et puis il y a le Bataclan, boulevard Voltaire, scène de carnage qu'il sera difficile d'oublier.
Les gens écrivent des messages, déposent des fleurs, allument des bougies. Le poids émotionnel que dégagent les photos incarne la douleur ressentie face à cette tuerie organisée. Les signes de violence sont encore présents, sang caché sous le sable et la sciure.
« Faire des photographies ne veut pas dire être voyeur, au contraire. A travers elles, je partage le drame que vit le pays. J'ai travaillé de manière frontale. La confrontation avec la réalité des faits a été pour moi une charge d'une grande intensité que je ne peux décrire avec des mots. Les images que j'ai faites parlent d'elles-mêmes ». Au point qu'à son retour, François en a oublié qu'il descendait à Angoulême...
Les gens écrivent des messages, déposent des fleurs, allument des bougies. Le poids émotionnel que dégagent les photos incarne la douleur ressentie face à cette tuerie organisée. Les signes de violence sont encore présents, sang caché sous le sable et la sciure.
« Faire des photographies ne veut pas dire être voyeur, au contraire. A travers elles, je partage le drame que vit le pays. J'ai travaillé de manière frontale. La confrontation avec la réalité des faits a été pour moi une charge d'une grande intensité que je ne peux décrire avec des mots. Les images que j'ai faites parlent d'elles-mêmes ». Au point qu'à son retour, François en a oublié qu'il descendait à Angoulême...
Photographe engagé et averti, François Huchet est l'un des témoins de son temps dans les bons comme les mauvais moments. Tel celui que nous traversons...
Place de la République, un lama tibétain égrène les secondes |
« nous avons passé des années
de “navigation à vue”,
nourries de bons sentiments utopiques »
Je n’ai qu’une analyse de citoyen français, sans expertise géopolitique particulière. J’ai été très perturbé par ces attentats qui se sont passés dans des lieux que je connais bien. 130 personnes qui étaient juste heureuses de vivre, abattues un vendredi soir à Paris, pour dire “mort à la vie”. Nous sommes dans une nouvelle ère. En ce qui concerne le sang et les larmes, j’ai bien peur que nous ne soyons qu’au début.
En temps que citoyens, il faut être vigilants sans être paranoïaques, soutenir et saluer le travail des forces de l’ordre et des forces spéciales. Il faut aussi célébrer ces citoyens anonymes qui ont offert de l’humanité au péril de leur vie.
A l’échelon de l'Etat, j’ai eu une certaine impression que nous avons passé des années de “navigation à vue”, nourries de bons sentiments utopiques et déplacés. Remplacer des dictateurs laïcs par des zones de chaos total livrées à des dictateurs Islamistes me semble être le plus grand échec de ce début de XXIème siècle.
En France, nous devons rester dans le cadre de l’Etat de droit et ne pas abandonner nos valeurs, même en combattant ces intégristes. Au niveau international, il faudra faire preuve de pragmatisme en Syrie (coalition contre Daesh). Si Daesh est écrasé par cette coalition, on peut présager que rapidement, des sous-entités se formeront. Nous allons devoir vivre longtemps avec ce type de menace, je le crains…
Bref, une inquiétude pour l’avenir, mais nous n’allons tout de même pas donner à ces barbares ce qu’ils veulent. Continuons à vivre et n’oublions pas les 130 victimes. Des gens comme nous.
Le Bataclan et cette inscription : la liberté est un monument indestructible... |
• Jean-Michel Méchain,
ancien colonel de gendarmerie :
« Sur la réaction du monde politique,
c’est le bal des faux culs »
Sur la survenance de l’événement, je ne suis pas surpris, je l’ai déjà dit, écrit et répété. En bonne logique de guerre subversive, la saturation des moyens, qui montrerait les limites définitives de nos capacités de réaction, devrait être la prochaine étape. Il s’agirait donc, pour ces malades, de réaliser une opération « simultanée » sur les grandes agglomérations et/ou les moyens de transport collectifs. Ils en ont les moyens car « leurs troupes » sont prêtes pour agir.
Sur la réaction opérationnelle, je ne peux que reconnaître le dévouement et la compétence des forces d’intervention, de secours et médicales. Dans le même temps, nous étions à saturation ce qui en dit long sur notre capacité réelle à faire la « guerre » dont les Politiques parlent.
Sur nos capacités de renseignements, c’est un échec relatif. L’amont de l’événement est calamiteux. L’aval est une réussite. Entre les deux, il y a 130 morts et 80 estropiés ou traumatisés, c’est un drame atroce. On est minable.
Sur la réaction de l’Exécutif, elle est bonne dans la forme et sur le fond. Elle est conforme au possible immédiat. Dans le même temps, il faut le rappeler, il récolte d’une façon tragique « les dividendes de la paix » chers à ce M. Fabius. Politiquement, il est définitivement idéologiquement mort.
Sur la réaction du monde politique, c’est le « bal des faux culs » en majesté. Tous ces aimables plaisantins, qui se pavanent avec suffisance et se nourrissent sur le dos des citoyens, sont devenus amnésiques ou pensent que reconnaître leurs erreurs les blanchit. C’est absolument insupportable. Si la France est dans la situation actuelle, c’est parce que Droite et Gauche ont conduit une politique de gribouille en matière européenne, de démagogie et d’inconséquence en matière sociétale. Enfin, tous sans exception ont sacrifié l’outil de défense sur l’autel d’une générosité électoraliste soumises aux injonctions de penseurs irresponsables… vendant leurs mythes et leurs phantasmes au point d’oublier la réalité du monde dans lequel nous vivons.
Sur la réaction des intellectuels, ils sont morts.
Sur la réaction de « la communauté musulmane », je ne connais pas de « communauté » en France et je ne veux pas en connaître. Seul le citoyen compte à mes yeux.
Sur la réaction des représentants de la religion musulmane, ils ne sont pas crédibles. D’ailleurs, j’irai beaucoup plus loin : je ne crois pas que la religion musulmane soit compatible avec la République. La volonté de créer un islam dit « moderne » est une illusion et n’a d’ailleurs théologiquement aucun sens. C’est faire preuve de tolérance que de dire cela. Poser ce principe de réalité ne signifie aucunement avoir le moindre mépris pour ceux qui croient au Coran. Il faut nommer les choses.
Demain exige une réaction qui engage totalement notre manière de vivre et penser, particulièrement pour les plus jeunes, et la fin des illusions de la post modernité. Cette déconstruction rendue indispensable prendra du temps, elle exigera du sang et des larmes. Ceux qui nous agressent ont, en effet, un avantage décisif aujourd’hui sur nos sociétés : ils n’ont rien à perdre.
La Bonne Bière, rue de la Fontaine au Roi. La violence des impacts se passe de commentaires |
• Didier Catineau, écrivain et journaliste :
« Rester attentif et non attentiste »
Ma première réaction à cet événement fut la sidération (littéralement) qui s’empara de moi. Beaucoup a été dit sur cette horreur, certes. J’ai eu l’impression d’être très seul et de nombreux Français avec moi face à cet événement. Ce ne sont pas tous ces drapeaux nationaux brandis par le monde entier qui y changent grand-chose. Cette solitude est mêlée d’incompréhension et surtout d’une avalanche de questions dont je n’ai pas les réponses. On connait les méfaits de la religion, on connait les prêches dévastateurs de certains imams, on sait que des attentats étaient à redouter ….
Qu’a-t-on retenu des événements de janvier dernier ? Toutes ces perquisitions subites en si peu de temps n’auraient-elles pas pu se faire dès le début de l’année ? Et cette décision quasi unanime de nos parlementaires et du gouvernement de décréter un état d’exception de trois mois me dit que toutes les libertés auxquelles, en tant que Français je suis plus qu'attaché, sont mises en pièce. Les lois anti-terroristes déjà promulgués ne suffisaient donc plus ? Beaucoup de questions donc et bien peu de réponses car nous restons dans l’urgence et la sidération.
La France paie son engagement dans des pays comme le Mali avec ses effets mortifères comme cette prise d’otage dans un hôtel de la capitale malienne. Mais faut-il pour cela sombrer dans la peur, la terreur ? Je ne le crois pas. Il n’y a jamais eu d’insouciance dans ma vie, mais ce que je peux dire à présent, c’est que mon attention au quotidien est aiguisée sans pour cela sombrer dans la psychose. Rester attentif et non attentiste. Ne rien attendre, mais rester éveillé me semblent être les actions prioritaires à adopter.
Il est trop tôt encore pour prendre du champ, du recul. Ce que je puis assurer avec force, c’est que ce changement majeur qui affecte notre civilisation occidentale et ses valeurs n’atteindra son but de destruction que si nous, Français, nous faisons semblant de ne pas y porter toute l’attention nécessaire. Soyons vigilants avant toutes choses et surtout n’oublions pas notre humanité.
« Il y a sur cette terre des gens qui s’entretuent ; c’est pas gai, je sais. Il y a aussi des gens qui s’entrevivent. J’irai les rejoindre » Jacques Prévert.
Faisons notre choix !
Priez pour Paris... |
Message laissé sur les murs par Yosh |
James Poirier,
retraité de la fonction publique
« Le lieu de la guerre n'est pas la Syrie,
c'est la France. Nos vieilles valeurs
et nos jeunes morts sont ici, pas là-bas »
Amis, un seul mot d'ordre : survivez ! Ouvrez l'œil, tendez l'oreille, flairez l'ennemi.
La sale gueule n'est pas un délit, c'est un indice parmi d'autres. Le terrorisme n'existe pas, car nous ne sommes pas terrorisés.
Le conflit qui commence n'est pas une guerre civile, c'est une guerre d'indépendance.
Le lieu de la guerre n'est pas la Syrie, c'est la France.
Nos vieilles valeurs et nos jeunes morts sont ici, pas là-bas.
Hollande fait en Syrie des gesticulations dérisoires qu'il appelle « la guerre ». A grands frais, les avions français bombardent, loin de chez nous, des champs de ruine et de désert d'où les ennemis armés ont fui, avertis par le discours public. Hollande se rengorge et se grise tout seul avec le mot « guerre ». Il croit que c'est bon pour sa com. D'ailleurs, des téléspectateurs et des sondés le trouvent « bon ». La société du spectacle et de la sonde fonctionne encore, mais c'est la fin. Cambio de tercio, comme on dit en tauromachie.
Le matin Winnie l'Ourson est « impitoyable », il fait la guerre ; l'après-midi il déclare que la France « répond à la violence par la fraternité ». Pas bête, Winnie, ça lui fait des points dans les sondages.
Vraiment, là, on sent que la France est gouvernée...
Les citoyens conscients de la situation trouvent Hollande-Valls-Fabius lamentables, comme leurs prédécesseurs Sarkozy-Juppé qui ont « fait la guerre » en Lybie, quand l'évident intérêt de la France était de consolider les régimes laïques aussi bien en Irak, en Tunisie, en Egypte, en Libye, tout comme en Syrie et au Liban... Ces gouvernants style BHL ont juste oublié de défendre la France.
Notre politique extérieure, c'est la sauvegarde de "nos" intérêts et rien d'autre.
Au lieu de cela, contractant des alliances ahurissantes, nos dirigeants sous influence ont agi contre les intérêts vitaux de la France, se risquant à faire de la police politique hors de nos frontières, voulant soi-disant « punir » tel vilain dictateur, alors qu'ils agissaient pour d'obscurs intérêts. D'abord de quel droit ? Ensuite, pour quel bénéfice côté français ?
Le bénéfice, on l'a vu au Bataclan. C'est ce que l'on appelle de la haute trahison. Notre nation n'est pas née d'hier. Notre constitution et nos lois ont sagement prévu dans la sérénité les situations extrêmes que nous vivons aujourd'hui dans la sidération. Mais on passe très vite de la sidération à la considération des réalités.
Les jeunes de France ont commencé. Par milliers, ils veulent s'engager dans l'armée. Tiens, tiens... Normal, au Bataclan et dans les rues, ce sont eux qui étaient visés. Déjà, 17000 vont être recrutés comme soldats en 2015, c'est-à-dire dans le mois qui vient. 17000 bien motivés, merci. On parle de 16.000 en 2016, en tenant compte des « contraintes budgétaires », comme on dit.
Or, c'est oublier ce qu'est une économie de guerre. Les contraintes de papier vont voler comme feuilles au vent. L'économie qui, aujourd'hui, prétend tout gouverner va retourner à la place qui est la sienne, c'est-à-dire au rang le plus subalterne. L'intendance c'est ce qui suit, ce n'est pas ce qui précède. La politique n'est pas l'économie. Ceux qui ont cru le contraire vont vite réapprendre ce qui gouverne un pays en temps de guerre. Ils vont redécouvrir ce que sont les réquisitions dans l'intérêt de la patrie. Les moyens ne manquent pas, l'Etat n'a qu'à se servir.
Encore un attentat sanglant en France, et la semaine suivante, ce ne sont pas 17000 jeunes qui voudront combattre, mais des centaines de milliers. A ceux-là, l'Autorité publique pourra de moins en moins parler de « contraintes budgétaires ». D'ailleurs, à ce moment-là, il n'en sera même plus question. Alors, quand l'état-major de nos armées le jugera nécessaire, il pourra lever sans délai une armée de 500.000 hommes et femmes au cœur brave, autant qu'il voudra en fait.
Les soldats de l'An II c'était hier, et c'est demain. Nous, Français et Européens, sommes les héritiers d'une très longue histoire guerrière. L'invasion barbare, on connaît. La violence organisée, on connaît. La fureur et la discipline, on connaît. Dans l'Histoire, nous, Français, Anglais, Espagnols, Portugais, Allemands, détenons pour toujours la médaille d'or des étripages en règle.
Nous vivons en paix, pleins de bons sentiments, apparemment assoupis sur notre prospérité, mais il ne faut pas venir nous faire des agaceries à domicile. Le sol de la patrie est sacré, notre sang aussi est sacré. Que l'un soit versé sur l'autre, et renaissent aussitôt les réflexes antiques qui nous ont maintes fois transfigurés dans l'Histoire.
Le terrorisme n'existe pas.
Il n'y a en circulation que de lâches criminels, tueurs par surprise de civils désarmés. Nous les éliminerons. La guerre sera faite aussi à ceux qui les aident à se dissimuler. Comme dans toutes les guerres, il faudra choisir son camp : ou bien avec nous, ou bien contre nous, ce sera la seule alternative. Ce n'est plus la guerre d'Algérie, c'est la guerre de France. Cela veut dire que, sur notre sol, le combattant qui sera comme un poisson dans l'eau, ce sera le Français. Les portes lui seront ouvertes, les soutiens et les renseignements lui seront acquis. Sera considéré comme Français, toute personne de nationalité française qui aura pris parti aux côtés de l'armée française. L'autre camp sera le camp ennemi, et traité comme tel.
La question des Français musulmans ne se pose même pas puisqu'elle reçoit la réponse générale : avec nous ou contre nous. Il ne pourra pas y avoir de double allégeance. C'est là que l'intégration deviendra lisible au grand jour ; elle impliquera un choix, avec toutes ses conséquences.
Si, pour certains, ce choix s'avère impossible - et on peut l'imaginer - alors il faudra renoncer à vivre en France. On ne peut pas être Français, habiter en France et soutenir le camp ennemi. Les trois en même temps, c'est impossible. Il faudra que chacun s'interroge sur sa vraie préférence.
Et c'est à l'heure du choix qu'on verra que la nature humaine a de grandes ressources. Mis au pied du mur, chacun ira tout naturellement vers ce qu'il préfère vraiment. C'est la vie. Et ce ne sera pas un drame !
Mourir au Bataclan, ça c'était un drame. Renoncer à un mode de vie, c'est encore la vie.
Assis sur le trottoir, trois Musulmans délivrent un message d'apaisement |
• François Julien Labruyère, ancien directeur de l'Académie de Saintonge
« De jeunes Français manifestement frustrés
et totalement paumés, souffrent
d’un évident malaise »
En période d’émotion comme celle que nous vivons actuellement et qu’à l’évidence je partage, il est toujours difficile de répondre sereinement à des questions comme celles que vous posez.
A part l’émotion très vive que j’ai ressentie, j’essaie d’y comprendre quelque chose car je dois dire que ni les commentaires des médias, ni les discours officiels ne me convainquent. Tout d’abord, je n’aime pas le mot « guerre » dont tout le monde semble se réjouir. Parce que je ne le trouve pas du tout adapté à la situation. Il est le mot qui certainement plaît aux islamistes de Daesh. Il est celui qu’ils attendaient. Qu’un président de la République le prononce m’apparaît en effet comme la réponse idéale que souhaitait Daesh !
Tout le monde sait que même avec une coalition unique, élargie à la Russie, on en restera aux bombardements dont les effets laissent dubitatifs et que les pays principaux directement intéressés à la question, c’est-à-dire ceux qui entourent la Syrie et l’Irak, ne feront rien de significatif de peur d’enflammer toute la région, côté chiite et côté sunnite. Il est impossible d’intervenir de l’extérieur dans une guerre de religion. Plus les "croisés" russo-occidentaux le feront, plus ils rendront méfiants l’ensemble des pays de la région. Et à la fin, ils échoueront (cf. Afghanistan, Irak, Syrie et Lybie).
Le problème dure depuis le traité de Sèvres (1920) qui n’a pas résolu le démantèlement de l’empire ottoman : échec vis-à-vis des Kurdes, les éternels dindons de la farce, découpage artificiel de la région pour plaire aux Anglais et aux Français, sans parler de la naissance de la problématique largement conflictuelle de l’existence d’Israël – accentuée par ses positions de plus en plus extrêmes.
Depuis Sèvres, à chaque occasion, les Russo-Occidentaux ont visé au plus court terme, sans se rendre compte de la précarité dans laquelle ils enfonçaient peu à peu l’ensemble du Moyen Orient. La caricature la plus étonnante de cet aveuglement ayant été le mensonge éhonté de Bush-Blair concernant les armes de destruction massive de Saddam Hussein ! On en paie le prix car les patrons de Daesh sont nés directement de ce mensonge.
Certes, ces réflexions géopolitiques doivent être prises en compte si on veut éviter une guerre de Cent Ans dont personne ne peut deviner l’issue car l’épuisement psychologique des nations occidentales est leur point le plus faible (voir Vietnam).
Mais pour moi, elles ne vont pourtant pas à l’essentiel. Et l’essentiel, c’est que de jeunes Français – et d’autres jeunes russo-européens – manifestement frustrés et totalement paumés, souffrent d’un évident malaise. De plus en plus rejetés par une société englobante qui ne s’occupe d’eux qu’en discours (la « politique de la ville » dotée de budgets ridicules !) et qui focalise ses propres angoisses de crise à travers la montée de populismes à mon sens de plus en plus dangereux car de plus en plus auto-centrés. Ces jeunes se tournent vers ce qu’ils croient être un idéal réconfortant : devenir un héros, un martyr, qui plus est une icône dont va parler la télé en boucle, voilà où me semble se situer le vrai problème de fond.
Notre responsabilité y est énorme. Particulièrement en France et en Belgique où sont regroupés la majorité des émigrés maghrébins francophones frappés par des taux de chômage dépassant toutes les mesures.
Voilà ce qui me trouble beaucoup plus que les fantasmes géopolitiques qui agitent tout le monde. Qu’on se rappelle les émeutes urbaines de 2005, qu’on se rappelle les grossières erreurs qui se sont succédé depuis en matière d’organisation policière et judiciaire, qu’on se rappelle nos querelles politiques, minuscules et hypocrites, qui retiennent l’attention de tous comme une sorte de comédie de boulevard du plus bas niveau, tout cela est le signe de notre aveuglement collectif à envisager de réels efforts budgétaires pour les banlieues que tout le monde a tendance à fuir, pour que la police, la justice et ses prisons, ainsi que l’école et les logements sociaux retrouvent leurs statuts d’antan.
Face à ce laisser-aller collectif auquel j’ai participé, peut-être même plus qu’un autre en raison de mes anciennes responsabilités professionnelles, mon émotion confine à la honte.
Rue de la Fontaine au Roi |
Devant le Petit Cambodge et le Carillon |
• Bernard Mounier, journaliste de télévision
« Luttons pour plus de culture »
Je suis très éprouvé par l’attentat de Bamako, une ville où j’ai de nombreux amis.
Que ce soit à Paris ou à Bamako, soutenons le combat contre l’intolérance, l’obscurantisme, la xénophobie, le fanatisme, d’où qu’ils viennent. Luttons pour plus de culture, d’éducation, de bien-être social, au profit de tous.
Ce sont des mots ? Passons aux actes, et le pire sera écarté.
Place de la République, recueillement et profonde tristesse |
• Jean-Paul Négrel, ingénieur retraité
« Allons-nous tomber dans le piège terrible
que nous tend Daesh ?»
Nous avons eu tous les récits, témoignages, supputations, analyses, images, de ce qui, cette fois, s'est déroulé non pas au loin, mais chez nous, pour venir endeuiller notre quotidien. Et celui du pays ami qu'est le Mali .
Comment réagir devant la tragédie engendrée par un fanatisme haineux, totalement arbitraire et crétin qui dépasse absolument notre logique et notre entendement? Quels sont les périls qui nous guettent ?
Paradoxalement, la lutte contre ce type de terrorisme ne risque-t-elle pas de lui fournir l'opportunité de le voir se fortifier et s'étendre ? Cette lutte mal entreprise, mal comprise, ne risque-elle pas notamment d'amplifier l'exclusion d'une jeunesse qui l'est déjà en partie , et dont, semble-t-il, une petite frange est d'ores-et-déjà fascinée par les sirènes perfides du djihadisme, et extraordinairement séduite par l'éventualité et la promesse du sacrifice suprême ? Cette exclusion, la misère, le chômage, ne constituent-ils pas un riche terreau sur lequel peut s'épanouir et se fortifier une telle radicalisation ? Le recrutement terroriste n'est-il pas de cette façon assuré ?
Dans l'état d'urgence dans lequel nous nous retrouvons actuellement, comment préserver le fragile équilibre entre maintien de l'ordre public et préservation des libertés publiques ? Tout excès par avance opportunément justifié, ne risque-t-il pas de s'intensifier, se pérenniser, ou se retrouver dans les mains dangereuses d'un pouvoir politique extrémiste malheureusement toujours envisageable ?
Allons-nous tomber dans le piège terrible que nous tend Daesh, à savoir la stigmatisation, la mise en accusation de nos concitoyens et compatriotes de confession musulmane ? Communauté religieuse importante dans notre pays. Communauté très majoritairement paisible.
Daesh ne rêve-t-il pas de déclencher ainsi une guerre civile chez nous en dressant les uns contre les autres ? Car les extrémistes des deux bords ne sont-ils pas déjà à l'affût ? La haine n'appelle-t-elle pas malheureusement la haine ?
N'avons-nous pas à notre disposition les valeurs de notre République nous permettant d'éviter tous ces dangereux écueils ? A savoir les valeurs de la laïcité, de la fraternité, de la tolérance mutuelle... Et de l'intelligence citoyenne ?
Les télévisions, place de la République |
Devant le Carillon |
de Saintes : « La démocratie et l'esprit républicain ne se décrètent pas, ils se vivent »
Les événements à Paris, St-Denis ou Bamako ont provoqué des attitudes marquées : solidarité entre la population française et une majorité de la classe politique ( à quelques couacs près) et utilisation des faits par le Front National qui s'embourbe dans un dogmatisme honteux. Une grande partie de la planète s'est montrée également solidaire. La peur du danger est partout . Le président de la République et le gouvernement ont su se montrer à la hauteur des événements. Malheureusement, on constate forcément de la récupération idéologique, ne serait-ce que sur le plan local : J.P. Machon veut armer la police municipale de Saintes. Que fera t'elle face à des enragés largement plus entraînés qu'eux !
Bientôt, le grand rendez-vous de la COP 21 nous apportera une image de la cohérence des puissants de ce monde... Je demande à voir. Enfin, la démocratie et l'esprit républicain ne se décrètent pas mais se vivent : combien de votants aux élections régionales ? Souvenons-nous de la piètre participation aux élections qui ont suivi les événements de janvier. J'espère... mais mon optimisme sur la durée de cette chaîne d'union demeure modéré.
L'établissement Casa Nostra |
• Françoise Barbin Lécrevisse,
auteur culinaire
« C'est aux Musulmans de régler
le problème avec les islamistes »
La montée du terrorisme, et plus précisément de cette question des djihadistes, s'est mise en place depuis longtemps. L'état islamique n'a pas attendu les frappes en Syrie pour viser la France et d'autres pays. S'il y avait eu moins d'angélisme, de politiquement correct et d'appels au "pas d'amalgame", sans doute y aurait-il eu moins d'attentats tragiques. Il n'y a pas d'islamistes sans Islam. Alors, oui, d'accord, pas d'amalgame, d'autant plus que le Coran ne profère pas tout à fait ce que font les islamistes, mais dans ce cas, c'est maintenant aux Musulmans de régler le problème. S'ils ne le font pas, on peut légitimement se poser des questions et s'attendre au pire. Mais... tout ceci n'est pas politiquement correct !
La devise de Paris : le bateau est battu par les flots, mais ne coule pas |
Nos pensées sont dédiées à toutes les victimes de l'intégrisme de par le monde |
Les USA ont été touchés par les attentats. Que l'esprit de la liberté l'emporte sur l'obscurantisme. |
« plus le cours du pétrole et les trafics d'armes baissent, plus les attentats augmentent
en fréquence et en gravité »
« Concernant les terroristes qui se sont faits sauter autour du stade de France car ils ont été refoulés par le service d'ordre du stade faute d'avoir un billet d'entrée, je n'y ai d'abord pas vraiment cru. Ça avait quelque chose de surréaliste : une bande de bras cassés qui veulent faire un attentat en resquillant ! On marche sur la tête ! Et puis, voyant qu'il y en avait plusieurs et qu'aucun de ceux-là n'avait réussi à pénétrer dans l'enceinte, j'ai éprouvé une sorte de soulagement.
Le choc médiatique de l'attentat retransmis en direct à la télé et la panique de la foule qui aurait, elle aussi, fait des centaines de victimes supplémentaires - si leur entrée dans le stade avait été possible - m'ont glacé le sang. Dans un premier temps, j'ai trouvé que dans notre malheur d'avoir sur notre sol, dans notre population, des assassins pareils, nous étions finalement un peu chanceux qu'ils n'aient pas complètement réussi leur coup.
Puis, quand les nouvelles ont fait état de la tragédie du Bataclan, des tueries des terrasses des Xème et XIème arrondissement, un mouvement de panique m'a envahie car mon fils est étudiant à Paris et habite dans le XIème arrondissement. Et comme tous les jeunes, ça lui arrive de prendre une pizza avec des copains en fin de semaine, dans un troquet de son quartier, pour décompresser et échanger avec des amis. Angoisse, horreur... Je ne suis pas sûre d'avoir les mots pour d'écrire l'affolement total, brutal, irrépressible dans lequel nous étions, mon mari et moi-même, jusqu'à ce qu'enfin notre fils réponde à son téléphone. Ce soir-là, il était resté chez lui pour travailler car il avait beaucoup de "rendus" à produire pour le lundi suivant.
Au fur et à mesure que les nouvelles se précisaient, on pouvait mesurer l'étendue et la violence du massacre. Tous ces jeunes gens assassinés parce qu'ils étaient la jeunesse et la joie, parce qu'ils étaient l'avenir d'une société qui prône et qui défend comme valeurs fondamentales la liberté, l'égalité et la fraternité. On passe alors, en quelques instants, de l'incompréhension totale à la peine la plus profonde et à la révolte devant tant d'inhumanité. Comment un être humain peut-il à ce point nier l'humanité des autres avec un tel fanatisme, un tel obscurantisme ? Ces agissements sont-ils ceux d'êtres encore humains eux-mêmes ?
Bamako, Bagdad, Jérusalem, Tunis, Londres, Madrid.... ne sont que des répliques de ce séisme. Hélas prévisibles : plus le cours du pétrole et les trafics d'armes baissent, plus les attentats augmentent en fréquence et en gravité. Peut-on raisonnablement croire qu'on puisse réussir à envoyer un être sain de corps et d'esprit se faire exploser en miettes aux abords d'un stade ou d'un marché pour enrichir davantage une poignée d'hommes déjà indécemment riches ? Alors que pour le dogme, qu'il soit idéologique, politique ou religieux, on a été capable d'envoyer des hommes combattre la tempête, la peste et le désert pour libérer le tombeau du Christ et piller l'Orient au passage ! Alors que dans le grand Reich, le pillage total de l'Europe a débuté par l'extermination totale des opposants, des fous, des juifs, des homosexuels, des tziganes... des untermenschen. Alors qu'en Chine, la grande marche a commencé par des chaudières de train alimentées par des opposants politiques ou supposés l'être. Alors qu'en Amérique, les natives... Alors qu'au Cambodge les boat people... Alors que pour accroître la prospérité ignoble de certains hommes, encore aujourd'hui, des enfants, qui n'ont pas deux chiffres à leur âge, cousent des vêtements toute la journée en Inde, portent des armes et font la guerre en Afrique, creusent des mines d'amiante en Amérique latine ou satisfont les fantasmes de certains adultes sur les trottoirs de Manille...
Tous sont des crimes contre l'humanité. Quand une société n'apprend plus à ses enfants que la haine de l'autre, la violence, l'assassinat et la certitude absolue en son dogme, elle est condamnée à la haine contre elle-même, la violence contre ses enfants, l'assassinat de ses partisans et la servitude absolue de tous ses adeptes. Les femmes et les hommes qui auront su rester libres et intègres dans cette jungle dépenseront toute leur énergie, toute leur intelligence et toutes leurs ressources pour détruire ce danger et construire une société plus juste pour leurs enfants.
Alors la France doit-elle s'attendre au pire? Oui. Alors l'Europe doit-elle s'y préparer ? Oui. Alors le monde doit-il agir ? Oui. C'est possible car dans l'histoire du monde, il y a un peintre qui imprime sa main sur une grotte du Néolithique, il y a un Léonard de Vinci qui illumine son siècle, il y a un Galilée qui révolutionne la compréhension de l'univers, il y a un Schoelcher qui lutte contre l'esclavage, il y a un Pasteur qui découvre la vaccination, il y a un Gandhi qui invente la non violence...
Je suis citoyenne du monde. Je veux et je travaille, tous les jours de ma vie, pour un monde meilleur pour nos enfants. Je commence par mon jardin, ma ville et ... j'espère mon pays pour qu'ils soient plus beaux, plus justes, plus équitables, plus durables.
Et nous avons besoin d'être nombreux pour contribuer, comme le petit colibri de la légende indienne à lutter contre l'incendie de la grande forêt amazonienne, et faire chacun notre part de ce grand chantier ! Non pas parce que nous sommes meilleurs, mais parce que nous n'avons pas d'alternative »...
C'est parti !
RépondreSupprimerSelon plusieurs informations et événements très récents, le fragile équilibre entre sécurité publique/libertés publiques évoqué par l'un des commentateurs, commence très sérieusement à se rompre !
Par exemple « Le Monde Diplomatique » indique même le fait que certains députés souhaitent faire contrôler tous les médias.
"Un peuple prêt à échanger un peu de liberté contre un peu de sécurité ne mérite ni l’un ni l’autre et finit par perdre les deux".
Benjamin Franklin
Dans la situation actuelle, s'agit-il seulement de perdre "un peu de liberté" ?