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mardi 23 juin 2015

Les souvenirs
du professeur Bernard Vandermeersch :
« Saint-Césaire a été un coup de tonnerre
dans les milieux scientifiques »

• Les 10 ans du Paléosite de Saint-Césaire

De nos jours, le village de Saint-Césaire est connu des milieux scientifiques du monde entier. De nouvelles fouilles auront lieu cette année, dans le périmètre où des ossements de Pierrette la néandertalienne ont été trouvés. Lors des récents entretiens de Saint-Césaire, les chercheurs, dont le professseur Bernard Vandermeersch, ont fait le point sur les travaux en cours et ravivé des souvenirs...

Bernard Vandermeersch à la rencontre d'un "vrai" Néandertalien de Saint-Césaire !

• Professeur Bernard Vandermeersch : « Les ossements de Pierrette mis au jour étaient friables, ils disparaissaient quasiment sous le pinceau. A la fin des fouilles, il fallait absolument les protéger. Nous avons réalisé le dégagement des restes osseux avec Mario Chech, ingénieur au CNRS. La surface fut isolée et le bloc ainsi dégagé fut consolidé dans sa totalité, puis plâtré et retiré avec précaution de la couche pour être envoyé au Laboratoire de paléontologie de Paris VI.
Après avoir sorti une mandibule et une partie du frontal, il devint évident que nous étions devant un néandertalien. Ce fut pour nous comme une sorte de coup de tonnerre. Un néandertalien dans du Châtelperronien! La première annonce de cette découverte fut une dépêche de l’AFP qui surprit les chercheurs du monde entier. Certains n’y crurent pas et il fallut plusieurs années pour qu’ils se rendent à l’évidence. Cette découverte a suscité de nouvelles interrogations sur les rapports entre Néandertaliens, les hommes modernes et leurs influences réciproques. Saint-Césaire restera une source importante de réflexion pour les chercheurs »
François Lévêque étant décédé avant d'avoir exploité le fruit ses recherches (ses travaux étaient restés à l'état brut), Isabelle Crèvecœur et Hélène Rougier ont réexaminé les collections qui ont livré de nouveaux éclairages . 

Isabelle Crèvecœur, Hélène Rougier, Erik Trinkauss de l'université de Washington
 et Bernard Vandermeersch en conférence vendredi 29 mai 
Dimanche 31 mai, table ronde conduite par Bernard Vandermeersch en présence de Claudine Cohen, Christine Verna, Bruno Maureille et Jean Jacques Hublin
• Trouver de nouveaux indices sur les sites déjà fouillés ? 

« Toute démarche de réévaluation est importante » estime Isabelle Crevecœur. Et pour cause, les techniques ont évolué. Les sites fouillés au XIXème siècle ont été "revisités" comme Spy et Goyet en Belgique. « Nous avons trié parmi la faune pour rechercher des restes humains et avons eu la chance de trouver des traces de dents néandertaliennes qui n'avaient pas été traitées. Il s'agissait d'un enfant. Pour Goyet également, nous avons repéré des fragments d'os appartenant à cinq individus, dont certains portaient des entailles caractéristiques au cannibalisme ». 
A Saint-Césaire, la rigueur d'enregistrement des pièces par François Lévêque a été appréciée. Les collections sont conservées à Saint-Germain en Laye, soit une cinquantaine de bacs. « Nous avons presque fini l'inventaire » souligne l'universitaire. 
Des équipes sont revenues sur le site en 2013 et 2014 avec trois objectifs : la remise en état du site, apprécier les archéo-séquences et explorer un sondage dit KLM. « Il y a ici un gros potentiel. Nous avons localisé de grandes pièces osseuses, avec stries de découpe, ainsi que des dents ». 
Le chantier 2015 sera étendu à des niveau supérieurs et, à plus long terme, « il reste du Moustérien à exploiter ». Aucun trace de cannibalisme n'a été remarquée à Saint-Césaire.

Dominique Bussereau, président du Conseil général, aux côtés du professeur Hublin soutient le Paléosite de Saint-Césaire qui devrait prochainement abriter les services d'archéologie du Département.
• Pourquoi n’a-t-on retrouvé qu'une partie du crâne de Pierrette ? 

Bernard Vandermeersch estime que les eaux de ruissellement et l'érosion ont désorganisé les os. Le rocher, os de l’oreille, est l'élément qui résiste le mieux au temps. 

• Les anecdotes des étudiants qui ont fouillé avec François Lévêque (disparu en 2008)

La découverte des premières dents retint leur attention (non, ce n’était pas celles d'un cochon!) et l’émotion fut à son comble quand des ossements apparurent. Le souffle coupé, tous avaient l’intime conviction de vivre un moment exceptionnel. La nouvelle se répandit comme une traînée de poudre.
La découverte de Saint Césaire (un scoop) a modifié la chronologie admise: Néandertal était toujours présent quand les hommes modernes ont commencé à coloniser la Terre.
Pour mémoire, les Néandertaliens (dont les premiers spécimens ont été localisés en Allemagne en 1856), ont peuplé l’Europe et le Proche-Orient entre 120000 et 35000 ans avant J.C. Bien qu’ils aient été contemporains de l’Homo sapiens, ils se sont peu rencontrés. Et quand ce fut le cas, ils se combattirent probablement (d’où la disparition progressive, mais bien réelle des Néandertaliens). Quant à la perméabilité des cultures, il est évident que les uns ont forcément bénéficié du savoir-faire des autres. 

Jean Jacques Hublin et le professeur Debenath
• Un sacré plateau de scientifiques à Saint-Césaire 

Mis en place par le Département et Xavier de Roux, maire de Chaniers et conseiller général alors en charge du Paléosite, ces entretiens, organisés chaque été, réunissait de nombreux spécialistes de l’homme de Neandertal. Pour la deuxième édition, on notait sur un même plateau Yves Coppens, Bernard Vandermeersch, Jean-Jacques Hublin, Bruno Maureille et des Américains de renom, Erik Trinkaus, professeur à l’université de Washington, et le plus irlandais des New-Yorkais, Ian Tatersall, directeur du département d’anthropologie du Muséum d’Histoire Naturelle de N.Y. City. 
Le thème de la conférence était « les aspects comportementaux de l’homme de Neandertal ».

• Nous avons 2% de gênes néandertaliens en nous

Ce qui veut dire que le métissage entre Néandertalien et Sapiens a été bien mince. De nos jours, certains scientifiques pensent que ces gènes viendraient plutôt d’un ancêtre commun aux deux « rameaux ». 
La paléogénétique a joué un rôle important : grâce aux nouvelles technologies, des fragments d’ADN nucléaire et michocondriaque (transmis uniquement par la mère) ont pu être étudiés dans les ossements fossiles. Une évidence s'est impose : Néandertal n'est pas l'ancêtre des hommes actuels avec seulement 2% de patrimoine génétique commun (apporté par les femmes). S’il a eu métissage avec Neandertal et Sapiens, les individus qui en résultaient devaient être le plus souvent stériles. Evidemment, vu l’antiquité des temps, les avis divergent sur la question que l’on soit paléontologue ou généticien.

Représentations d'enfants métissés

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