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vendredi 27 mars 2015

Lors de la tempête de décembre 1999,
la Gironde et la Charente-Maritime
auraient pu devenir des « Fukushima »
Libres, le film de Jean-Paul Jaud
sur les dangers du nucléaire

Dernièrement à Saint-Georges de Didonne, le cinéaste Jean-Paul Jaud présentait son dernier film « Libres ». Libres comme l‘air, libres de parler et de s’interroger sur le futur de la planète après les terribles accidents nucléaires de Tchernobyl et Fukushima. Radioactivité, cancers, maladies : inquiètes, les nouvelles générations misent sur des énergies moins dangereuses…


C’est la nature qui a forgé le caractère de Jean-Paul Jaud. Il a passé une partie de sa jeunesse sur la côte atlantique, entre terre et mer, entre soleil au firmament et vent du large. Il a connu les quatre saisons avant même d‘avoir écouté Vivaldi ! Sa personnalité toute entière a été façonnée par l’authenticité et cette volonté de préserver un cadre de vie qui donne à l’homme la possibilité d’évoluer en toute liberté. Malheureusement, la course au progrès est arrivée. Pour montrer qu’il y a une autre façon de traiter la Terre que de l’asphyxier, il a choisi le cinéma en délivrant des messages forts : « Un jour, nos enfants nous accuseront ».

En enfonçant le clou, il sensibilise l’opinion et provoque des réactions. Il avoue qu’il a du mal à faire bouger les choses tant les systèmes et les intérêts sont rodés. Pourtant, il ne baisse pas les bras et ne perd jamais une occasion de rendre hommage au temps d’avant. Quelle joie de vivre à la campagne, simplement, avec pour complices abeilles, sauterelles et papillons ?

Libres, son dernier film diffusé en avant première à Saint-Georges de Didonne, traite du nucléaire et de ses conséquences. Le décor est campé : l’estuaire de la Gironde, des prés, des moutons, une grande maison où les enfants de la ville viennent en stage « musique et nature ». La quiétude est présente. Les uns apprennent à jouer du piano ou la guitare, les autres à fabriquer leur propre éolienne. Ils deviennent des inventeurs, marchant dans les pas de Léonard de Vinci et ses célèbres machines. Les journées durent longtemps. Le déjeuner à la ferme de la Gravelle a des ambiances de frairie. Sous l’œil amusé de Benoît Biteau, les joies de la baignade se finissent dans la boue qui festonne la rive !
Soudain, se dessine à l’horizon la silhouette de la centrale du Blayais. Une structure "normale" en apparence.

Quelle joie pour les enfants en vacances que d'accompagner les moutons en transhumance !

L'estuaire présenté par Benoît Biteau
La ferme bio de la Gravelle à Mortagne sur Gironde
Et puis tout se gâte. On apprend que durant la tempête de décembre 1999, selon le rapport de Greenpeace, la région est passée de justesse à côté d’un grave accident nucléaire en raison du raz-de-marée qui a submergé le secteur. Le maire de Bordeaux, Alain Juppé, avait été prévenu par le préfet de l’époque d’une éventuelle évacuation des habitants. Outre l’agglomération bordelaise avec son million d’habitants, la centrale est proche des grands domaines viticoles. Médoc, Saint-Estèphe, Saint-Julien, Pauillac, autant d’appellations prestigieuses qui n’ont guère besoin d‘une telle épée de Damoclès. La Saintonge, elle aussi, n’aurait pas été épargnée. Fort heureusement, une partie du circuit SEC (eau brute de sauvegarde), qui prélève l'eau dans la Gironde, a pu assurer le refroidissement du réacteur. Un miracle. Seules deux pompes ont fonctionné, ce qui justifia le déclenchement d'un plan d'urgence interne.
 On a donc échappé à la pire catastrophe, la fusion du cœur étant l'épisode le plus grave qui puisse survenir dans une centrale nucléaire et conduire à la rupture de l'enceinte de confinement. Bien sûr, sur le moment, on a tenu secrètes ces informations afin de ne pas affoler les populations. Depuis, les langues se sont déliées…
Archives décembre 1999 : la centrale a été victime d'un raz-de-marée qui a submergé les rives de l'Estuaire.

Soucieux de révéler la réalité des dévastations nucléaires, le cinéaste s’est rendu à Fuskushima où il a rencontré des survivants. Les témoignages sont émouvants comme cet homme qui a sauvé des animaux irradiés que les autorités voulaient abattre. Pour ces familles japonaises, « le temps s’est arrêté » depuis la catastrophe de 2011. Le compteur Geiger affiche toujours des taux élevés. La majorité des habitants a fui et tout perdu. Quelques-uns sont restés sur place. Ils sont condamnés, alors mourir ici ou ailleurs, quelle importance… On voit des écoles désertées où les inscriptions sur le tableau noir sont restées intactes. Arrêt sur image.

Arrêt sur image à Fukushima
Naoto Kan, Premier Ministre au moment du drame, a accepté de s’exprimer sur cette « apocalypse » que personne n’aurait pu imaginer. Son regard a changé après avoir « ressenti le danger dans sa chair ». Les centrales paraissent tellement inoffensives quand on les voit de loin. Et d’admettre l’ignorance des dirigeants :  « Ce que comprend un enfant de 10 ans, des adultes de 60 ans ne le comprennent pas » !

Témoignages des jeunes comédiens aux côtés de Jean-Paul Jaud
Il ne restait plus une seule place au relais de la Côte de Beauté !

« Libres » est un aller-retour entre les jeunes en vacances, qui se contentent d’observer la centrale du Blayais comme une curiosité dans le paysage, et la réalité apocalyptique de Fukushima. L’avant et l’après au pays du Soleil levant. Dans le périmètre radioactif, la vie ne sera plus jamais comme avant.
Jean-Paul Jaud s’est également rendu au Danemark. Ce pays a pris définitivement position contre le nucléaire. Il arrive en tête dans le développement des énergies renouvelables. Lueur d’espoir ?

« Si nous n’y prenons pas garde, nos enfants auront sur les bras un héritage terrible »


Ces éclairages entre le passé, le présent et l’avenir sont faits pour retenir l’attention du public. Lorsque le débat s’instaure, les questions sont nombreuses. Jean-Paul Jaud remercie les jeunes acteurs (la valeur n’attend pas le nombre des années) et précise que ce film s’est concrétisé grâce à un financement participatif. D’où la nécessité d’en faire la promotion. En effet, les circuits habituels de distribution ne s’impliquent guère dans les sujets qui dérangent !
Jean-Paul Jaud en profite pour raconter sa jeunesse : « j’ai eu une enfance magnifique. Je venais dans la ferme de mon grand-père à Etaules. Il était paysan bio avant l’heure. Je suis triste de savoir que les générations d’aujourd’hui ne connaîtront jamais une enfance aussi insouciante que la mienne ». A cette époque, la centrale de Braud était dans les cartons. Dans les années 70, elle a émergé des roseaux. Lors de sa construction, elle était l’objet des attentions dominicales : les gens venaient, parfois de loin, pour apercevoir sa silhouette ronde qui portait en elle tous les mystères et les technologies d’avant-garde. Depuis, on a compris que derrière la vitrine, se posent de vraies questions.
Il parle aussi du tournage et du bonheur de diriger une  équipe de comédiens amateurs. Il tire son chapeau à l’ex Premier Ministre japonais qui a pris son bâton de pèlerin pour alerter les populations du danger nucléaire. A l’occasion d’une tournée en France, il a animé une conférence au Théâtre du Rond-Point à Paris. Bien qu’il n’ait pas mobilisé les médias, les chaînes publiques de télévision en particulier, certains journaux ont traité du sujet. Pas assez sans doute…

Benoit Biteau et les propriétaires de la ferme de la Gravelle
« Si nous n’y prenons pas garde, nos enfants auront sur les bras un héritage terrible. Malgré ce qui se passe, nous devons rester optimistes » souligne Jean-Paul Jaud. En inventant les énergies du futur, « les énergies de paix renouvelables », en faisait appel à des opérateurs soucieux de l’environnement… et surtout en pleine conscience de la désolation qui frappe les territoires après un drame nucléaire. Les baraquements dans lesquels sont relogés les rescapés de Fukushima font froid dans le dos. 

Certains états sont encore dans le cliché du pays fort militairement qui doit à tout prix posséder l’arme nucléaire et donc des centrales pour fabriquer du plutonium. A ces rapports de force qui font l’actualité quotidienne, il faudrait apposer cette réflexion : « seule la beauté sauvera le monde ». La beauté, on la cherche pour l’instant, cachée par le souci constant de l’homme d’étendre sa suprématie par la guerre, quelle que soit sa forme. Il ne faut jamais désespérer. Pour preuve, ces Japonais qui chantent dans la tourmente ou ce sage au magnifique visage qui récite un poème sur la plage…

• Fourniture en électricité : L’usager peut aujourd’hui choisir des acteurs soucieux de l’environnement comme Enercoop en ce qui concerne l’alimentation énergétique. Ce réflexe peut s’étendre à tout ce que nous consommons.

• De tous les pays d'Europe, la France possède le plus grand nombre de centrales nucléaires. La majorité des pays de l'Union Européenne s'engagent à sortir du nucléaire dans les années à venir.

• Jean-Paul Jaud a réalisé des documentaires sur le terroir (Quatre saisons en France) avant de se consacrer au film documentaire depuis une dizaine d’années. Il a écrit et réalisé le film « Nos enfants nous accuseront », un documentaire environnementaliste produit au cinéma et diffusé par Canal+. Il a également réalisé « Severn, la voix de nos enfants ». Il dirige la société J+B Séquences avec son épouse Béatrice. « Libres » est son dernier film.

Jean-Paul Jaud a tenu à saluer toutes les personnes qui l'ont aidé à concrétiser son dernier film "Libres"
• Rapport Greenpeace
Risque inondation : 



De par sa situation géographique au bord de l’estuaire de la Gironde, dans une zone marécageuse inondable, la centrale du Blayais est particulièrement exposée au risque d’inondation. Lors de la tempête de décembre 1999, la situation a été proche de basculer vers un accident grave.
La centrale est entourée d’une digue qui, lors de la construction, faisait 5,20 mètres du côté de la Gironde et 4,75 mètres du côté du marais.
Trois risques sont liés à l’inondation : L’isolement de la centrale par encerclement de l’eau. La plateforme de la centrale est surélevée à 4 mètres cinquante au dessus du niveau de la mer ; la rupture d’une digue ; le sous-dimensionnement des digues ; l’inondation de la centrale via le canal de rejets des eaux de refroidissement. Un dispositif de « batardeau » (dispositif provisoire de portes amovible destiné à empêcher l’eau de rentrer) a été mis à disposition pour les cas de crise. Lors de l’inspection post Fukushima, l’ASN a jugé complexe le système.
Les inondations de 1999 sont survenues au moment d’une tempête d’une ampleur exceptionnelle pendant la marée haute. Les effets du vent local n’avaient pas été pris en compte.
Les conséquences ont été simultanément une perte du réseau électrique, l’inondation de la centrale par des vagues franchissant des obstacles entre 5 mètres et 5 mètres 30 dont la digue de protection. Les systèmes de secours situés dans les parties basses des tranches n°1 et 2 ont été inondés et le site s’est retrouvé isolé, entouré par les eaux. Les enrochements des digues ont été déplacés par le passage des paquets d’eau.
Des travaux de renforcement des digues avaient été prévus par EDF pour monter le niveau des digues à 5,70 mètres, mais ces travaux n’avaient pas encore été réalisés au moment des incidents.
Les digues qui entourent les 4 réacteurs ont été renforcées et relevées à 8,50 mètres à l’aide d’un enrochement de 1 mètre supplémentaire et un pare-houle en béton de 2,3 mètres du côté de la Gironde et de 6 mètres du côté du marais.
Mais à la suite de l’incident de 1999 le groupement des scientifiques pour l’information sur l’énergie nucléaire considérait pour sa part qu’une digue de 9 mètres aurait été nécessaire. Pour parvenir à ce chiffre, le GSIEN s’appuie sur le seul appareil de mesure historique existant à proximité de la centrale, basé à Pauillac, qui ait enregistré des hauteurs de marées historiques à plus de 7 mètres malgré un coefficient de marais faible (77) auxquelles il faudrait ajouter les effets de vague et la marge de sécurité.
À la suite des évaluations complémentaires de sûreté post-Fukushima, l’ASN a demandé à la centrale de Blayais de présenter un plan de renforcement du système de protection contre l’inondation au delà du référentiel actuel.

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