A Royan, une réunion était organisée sur ce thème animée par Emmanuel Maurel, député socialiste européen |
• Des négociations opaques
En juillet 2013, l’UE et les Etats-Unis ont entamé des négociations dans lesquelles il est strictement spécifié qu'elles ne devaient pas donner lieu à un débat public. Ces négociations sont menées par des fonctionnaires non élus, avec à leur tête d'une part le commissaire européen Ignacio Garcia Bercero pour l'UE, et de l'autre Daniel Mullaney pour les E-U. Ces négociations devraient aboutir, selon les sources, à la fin de cette année 2014, ou dans les mois à venir. A la lumière d'accords du même style, tel l'Alena, zone de libre échange entre les USA, le Mexique et le Canada , ou tel le fameux et défunt AMI, et malgré le plus grand secret entourant les négociations en cours, à la faveur de certaines fuites, il est possible d'avoir un aperçu qui précise des objectifs du TAFTA. Et c'est assez inquiétant.
• Dérégulation et marchandisation
Par exemple, l'objectif prioritaire du TAFTA est de démanteler les normes qui régulent la circulation des marchandises et des capitaux, et tout ce qui peut représenter un frein aux profits des multinationales. Outre les atteintes aux normes citées précédemment, on peut ajouter la remise en cause des restrictions des investissements liées au respect du droit du travail, ou des appellations géographiques protégées. Cela peut même s'étendre à la protection de la vie privée et des données personnelles sur internet. Une libéralisation généralisée de tous les services, c'est-à-dire une dérégulation de tous ces services, notamment financiers, risquerait dans ce dernier cas, d'entraîner une nouvelle crise financière internationale. L'harmonisation des normes, réalisée entre l'U.E. et les E-U au profit exclusif des multinationales,pourrait aboutir à la marchandisation complète de secteurs tels que celui de la santé, de l'eau, etc. Pour ce qui concerne les matières premières, les interdictions ou restrictions d'exploitation pourraient faire l'objet de contestation et de poursuites de la part des multinationales concernées. On pense immédiatement à l'exploitation hautement polluante du pétrole et du gaz de schistes.
• ISDS, une justice privée sous l'égide du CIRDI
Qu'est-ce que l'ISDS (Investor-State Dispute Settlement ) ? C'est un dispositif très controversé qui permet aux multinationales de poursuivre les états en justice si elles estiment que leurs intérêts et leur rentabilité sont remis en cause du fait, par exemple, d'un règlement institué par l'un de ces états au nom de l'intérêt public. L'ISDS est un type de clauses inclus dans plus de 3000 accords de libre échange et accords commerciaux à travers le monde. La France a déjà signé 107 accords bilatéraux, dont 95 en vigueur, qui contiennent l'ISDS. Jusqu'à maintenant l'ISDS n'a jamais été intégré dans un traité négocié par l'U.E., mais il est à présent l'un des piliers du TAFTA .L'ISDS a déjà permis à des groupes privés de poursuivre des états devant le Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI), tribunal arbitral siégeant à Washington.
• Exemples de procédures intentées devant le CIRDI
Suite à l'annonce par L'Allemagne de l'arrêt définitif de ses centrales nucléaires, le groupe énergétique suédois Vattenfall, propriétaire de deux centrales nucléaires, s'estimant lésé, intente un procès en 2012 contre Berlin, devant le CIRDI et réclame 3,7 milliards d'euros de dédommagement . La même année, l'Equateur a été condamné à payer 1,77 milliards de dollars à Occidental Petroleum par le CIRDI pour avoir mis fin à sa collaboration avec le géant pétrolier, alors que celui-ci avait en réalité violé le contrat liant les deux parties. Autre exemple : le cigarettier Philip Morris a réclamé en 2010 et 2011 plusieurs milliards de dollars de réparation à l'Urugay et à l'Australie, qui mènent des campagnes anti-tabagisme, contraires selon Philip Morris à leurs accords de libre-échange . Ces pénalités étant évidemment à la charge des contribuables des pays concernés. Depuis 1994, rien que pour l'U.E. 127 procédures concernant 20 États membres, dont la France, ont été enclenchées. Autrefois négligeable dans les années 1990, le nombre de procédures s'accroî à partir de 2011, avec un pic à 25 en 2013.
• Quel sera l'impact du TAFTA sur l'emploi ?
Dans ce domine,nous bénéficions là également de l'expérience précédente concernant l'Alena, accord de libre échange de même nature que le TAFTA, entre les E-U, le Mexique et le Canada. En 1993, au moment du lancement de l'Alena, on attendait la création de 20 millions d'emplois. Dix ans plus tard, une étude de l'Economic Policy Institute a montré que la mise en œuvre de l'Alena et ses effets sur la balance importations-exportations, a détruit 900 000 emplois aux E-U . Actuellement, le gain annuel de PIB attendu par l'application du TAFTA, varie de 0,01 à 0,05 points, et corrélativement, les effets sur l'emploi seraient très variables. Certains observateurs s' attendent à des destructions massives d'emplois dans des secteurs comme l'agriculture, la métallurgie, les transports. Le manque actuel de données rend difficile des prévisions fiables. Un rapport du Parlement Européen datant de 2013, critique sévèrement l'optimisme de la Commission Européenne qui n'envisage que ce qu'elle considère comme les côtés positifs du partenariat.
• A qui appartiendra la décision finale ?
Verrons-nous remettre en cause l'ensemble de nos normes sociales, environnementales, phytosanitaires,agricoles,culturelles,sanitaires, etc ? Par exemple, dans ce dernier cas , serons-nous contraints à consommer du poulet au chlore, du bœuf au hormones, du porc à la Ractopamine, médicament actuellement interdit dans 160 pays, dont les pays membres de l'U.E. ? De même, serons-nous contraints à consommer des OGM-insecticides ou arrosés de désherbant toxique ? Devrons-nous renoncer à tous nos acquis sociaux et à toute évolution positive future dans ce domaine ? Liste non exhaustive... Après la fin des négociations secrètes entre la Commission Européenne et les E.-U., le Parlement Européen devra approuver cet accord dans son ensemble. Cette décision devra être adoptée par le Conseil de l'Union Européenne. Puis, finalement , en France, le TAFTA-TTIP sera ratifié par le Président de la République s'il est considéré de caractère uniquement commercial, et par le Parlement, s'il est considéré comme un accord mixte. Pour l'ensemble des états membres de l’U.E., les Parlements nationaux seront consultés. Souhaitons que la raison et la pondération ainsi que le sens démocratique seront déterminants dans ces décisions.
Jean-Paul Négrel
la-cagouille-libre.fr
Mr Negrel affirme beaucoup de choses et prete au Projet des dimmensionsqu'il n'a pas puisque le cadre meme de l'accord n'est pas encore défini !Mais il faut toujours creir avant d'avoir mal , memme si les Américains-lire leur presse crent encore plus fort .
RépondreSupprimerQuant au CERDI onpeut certes dire beaucoup de choses mais dans les affaires transnationales l'acceptance de la compétence des Tribunaux Nationaux de l'autre partie n'est pas simple.
Mr de Roux, cet article ne reflète pas les états d'âme personnels de JP Négrel, mais simplement, il constitue une synthèse qui se veut objective d'un grand nombre d'articles concernant le sujet (j'ai accompagné cet article de très nombreuses références non publiées ici).
RépondreSupprimerLe TAFTA est effectivement un sujet très préoccupant ne serait-ce que par le côté très "discret", pour ne pas dire plus, des négociations en cours !
Amicalement