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vendredi 21 novembre 2014

Prix de l’Académie de Saintonge 2014 :
des pirogues de Taillebourg
à l'avion électrique de Royan
du climat à la voix superbe d'Yves le Pech

En octobre, au palais des congrès de Royan, l’Académie de Saintonge, que dirige Marie Dominique Montel, a dévoilé son palmarès 2014. Le nombre de prix décernés chaque année a pu augmenter grâce à la générosité de nouveaux mécènes. Sont ainsi primés des écrivains, des scientifiques, des cinéastes, des musiciens, tout en continuant à récompenser des ouvrages d’histoire et d’érudition et en accordant une belle part à la littérature et au patrimoine, qu’il soit architectural ou artisanal. Un nombreux public participait à cette cérémonie.   


Hommage rendu à l'immense Jean Favier, disparu cette année, 
ancien membre de l'Académie de Saintonge, par Pascal Even
• Grand prix de l’académie à Hervé Le Treut, climatologue, pour l’ensemble de ses travaux (rapport d’Alain Quella-Villéger) 

Le grand prix de l'Académie, que dirige marie Dominique Montel, 
a été remis à Hervé Le Treut
Loin de restreindre ses préoccupations à l’érudition régionale la plus pointue, l’Académie de Saintonge ne cesse d’ouvrir son exigence vers des sujets fort amples, des temps paléontologiques aux innovations technologiques. Avec notre grand lauréat, Hervé Le Treut, c’est l’ampleur mondiale des phénomènes atmosphériques et le danger de l’effet de serre qu’elle prend en compte.
En effet, popularisé non seulement par ses interviews fréquentes dans les medias nationaux, mais aussi par une bande dessinée de grande qualité (Saison brune, 2012), Hervé Le Treut, chercheur au CNRS détaché à l’Université Pierre-et-Marie-Curie et contributeur des travaux du GIEC, s’est imposé comme l’un des meilleurs spécialistes des questions climatiques, directeur notamment en 2013 dans ouvrage collectif sur Les Impacts du changement climatique en Aquitaine dont la proximité géographique nous concerne directement. Charentais d’origine par des attaches à la fois rochelaises et angoumoisines, Hervé Le Treut a notamment passé cinq années dans les écoles primaire et secondaire de Rochefort, où son père exerçait comme chef de service de l’hôpital maritime. Si ses vies professionnelle et familiale l’ont conduit à sillonner le monde, de l’Inde à Ushuaïa, Hervé Le Treut revendique son attachement à ce coin de terre… et de climat !



•  Prix des Hauts de Talmont à Yves Le Pech, sopraniste (rapport Jacques Bouineau) 

« Cedant arma togæ » aurait dit Cicéron, « que les armes le cèdent à la toge ». La toge que porte Yves Le Pech est celle de l’art. Les armes contre lesquelles il combat sont celles du monde institutionnel. Le talent est son sésame. Yves Le Pech est une voix. Une voix hors norme, venue de l’histoire, du temps où l’on castrait les hommes, quand l’Eglise interdisait aux femmes l’accès aux planches. A force de travail et d’ascèse, Yves est parvenu à retrouver ce registre et à créer le mot qui va avec : sopraniste. Ce timbre quasi unique – le monde en abrite moins que de doigts les membres des hommes – a trouvé chez lui une ampleur et un velouté que seul le vocabulaire œnologique pourrait rendre avec finesse. Et cet enfant-là a grandi sur le sol de Saintonge. Ouvrir une brèche vers le haut dans les certitudes de la typologie des voix a fait claquer les portes et sourire ceux qui, exerçant la violence légitime dans les sociétés humaines, ont le pouvoir d’interdire. Y compris le talent qu’ils ne possèdent pas. Il faut dire qu’Yves est aussi un homme. Ce que beaucoup de ceux qui exercent le pouvoir ont oublié au vestiaire, quand ils n’ont pas oublié les lunettes qui leur chaussent le bout du nez. Un homme engagé, qui a compris les souffrances et les désarrois qui griffent la planète. Yves sait donner sans compter. Son temps, son talent. Ses gains parfois, quand il estime que d’autres, plus étrillés que lui par la vie, peuvent en faire quelque chose. Peut-on pardonner à celui qui a le talent et qui ouvre des voies nouvelles ? Peut-on accepter de considérer que le seul vrai regard qui compte est celui de l’intelligence, de l’écoute et du vrai respect ? Respect de ce qui enrichit l’humanité et chacun de nous, qui avons la bonne fortune d’en être témoins. Des hommes comme Yves Le Pech nous réapprennent le sens du mot « merci ». Merci de nous montrer que l’humanité vibre d’innovations. Merci de nous rappeler que l’innovation n’est pas qu’économique. Merci de nous redire que l’économie le cède à l’homme. Merci de nous rappeler ce qu’est un homme. Merci de nous permettre de pouvoir vous dire merci. L’Académie de Saintonge, en tant qu’institution, accueille et honore un homme si peu institutionnel. Elle poursuit son chemin d’ouverture et d’intelligence. Le talent est un sésame.


• Prix de la mer (Aquarium/ La Rochelle) à Léon Damour pour son film « La forêt engloutie il y a 100 millions d’années » (rapport Didier Néraudeau) 



Charentais maritime d’origine, Léon Damour est né en 1931 à Cramchaban, dans une famille d’agriculteurs, propriétaires et exploitants. Il a étudié la chimie agricole à l’Université de Poitiers, avant d’integrer, à Paris, l’Institut Technique des Pratiques Agricoles. Des 1959, à la Direction des Services Agricoles de La Rochelle, il est« conseiller marais » et responsable du Laboratoire d’Analyse des Sols. En 1964, il intégre le corps des ingénieurs agronomes et entre à l’INRA qui vient d’acquérir une exploitation de marais près de Fouras, à Saint-Laurent-de-la-Prée. Le domaine est chargé de réaliser l’inventaire des types de prairies, de cartographier les sols des marais et leur suivi floristique en fonction de leur utilisation. Parallèlement, il doit mettre en place un dispositif expérimental pour déterminer les possibilités de drainage et de production agricole des marais. Dans ce cadre professionnel, Léon Damour devait instaurer et conserver un équilibre entre recherche et développement. Mais c’est pour une toute autre activité que l’Académie de Saintonge souhaite saluer cet ingénieur agronome. Depuis plusieurs années, Léon Damour réalise des documentaires tour à tour naturalistes, culturels, historiques, voire ethnographiques. Il a ainsi dédié un film aux Fleurs des Jardins, au Terroir de Vendange, aux Vieux métiers agricoles, à la Transhumance. Surtout, il s’est intéressé à la paléontologie avec ses complices Eric Dépré et Pierre Miramand. Il a ainsi réalisé un film Sur les pas d’Alcide d’Orbigny, le père de la paléontologie française, et enfin ce documentaire passionnant A la recherche de la forêt engloutie il y a 100 millions d’années, dont on retrouve les traces merveilleusement conservées entre l’ile d’Aix et Angoulême, film qui lui vaut aujourd’hui le Prix de la Mer/Aquarium de La Rochelle décerné par l’Académie de Saintonge.

•  Prix René Coutant de l’innovation à Francis Deborde et Didier Esteyne pour la mise au point de l’avion électrique (rapport Bernard Mounier) 


Le 25 avril dernier, sur l’aéroport de Mérignac devant un ministre et de nombreux officiels attentifs, s’est élevé silencieusement dans les airs l’avion électrique baptisé E-Fan, un prototype monoplace mis au point par Airbus Group Innovations et Aéro Composite Saintonge (ACS) sise rue Saint Exupéry (sic) zone industrielle de la Queue de l’âne à Saint Sulpice de Royan. A l’origine de l’entreprise, deux personnages perspicaces, entreprenants et généreux, en passe de devenir célèbres. Francis Laborde, saintongeais revendiqué, le gérant d’ACS, société spécialisée dans la mise en œuvre de matériaux composites et Didier Esteyne, concepteur et pilote de l’appareil. Ce dernier est sorti des Beaux-Arts de Bordeaux pour se reconvertir dans l’invention de machines volantes, certes souvent bizarres, mais qui marchent ! Comme par exemple lorsqu’il avait remplacé les deux moteurs de tronçonneuses du petit CriCri de Michel Colomban par des moteurs électriques, dotés de 13’ d’autonomie de vol. Aujourd’hui, grâce au coup de pouce de la CARA dans l’aventure et à l’intérêt majeur manifesté par Airbus, l’E-Fan, le 25 avril, a tenu l’air avec une heure d’autonomie dans ses batteries. Airbus envisage maintenant la commercialisation d’un biplace pour 2017, conçu comme avion école. Il sera construit dans une nouvelle usine à bâtir à Mérignac. Que le prix René Coutant de l’innovation, du nom de l’inventeur rochelais des grands aquariums publics, honore la créativité futuriste d’une société appelée Aéro Composites Saintonge, ne pouvait qu’inciter l’Académie du même nom à attribuer ce prix à Francis Deborde et Didier Esteyne.

• Prix de la Ville de Royan à Gérard Dufaud pour Picasso, un réfugié à Royan 1939-1940, éd. CoMédiArt (rapport Bernard Mounier) 



Gérard Dufaud est un acteur sur le marché de l'Art depuis une trentaine d'années. Il vit à Vaux-sur-mer mais il est né à Cognac et sa ville n'a cessé de l’inspirer. Nous lui devons l’exposition lumineuse du peintre cognaçais Géo Maresté, au musée de Royan, en 2009. Pour le livre qu’il avait écrit à cette occasion, aux éditions Bonne Anse, il avait reçu le prix de l’Académie, décerné par la communauté d’agglomération Royan Atlantique. Aujourd’hui, Gérard récidive de belle manière. C’est à Cognac qu'il a rencontré Gilbert Krill, filleul et héritier de Fernande Olivier, la première compagne de Picasso à l’époque du Bateau-Lavoir, entre 1904 et 1912, dont la sépulture est au cimetière de la ville. Gérard est le secrétaire de l'association La Belle Fernande, fondée en 2010 avec Gilbert Krill, structure gestionnaire des droits et des archives de Fernande Olivier. Cette fonction lui ouvre la porte de l’univers fantastique de la succession Picasso et provoque sa rencontre avec Maya Widmaier Picasso (sur la photo), la fille du peintre et de Marie Thérèse Walter, l’un de ses modèles. Avec Maya, Gérard parle du séjour de cette dernière à Royan lorsqu’elle avait à peine 5 ans, près de sa mère et de Picasso, qui les avait rejoint en septembre 1940. Maya se montre une brillante conteuse, rassemblant ses souvenirs d’enfant, illustrés par des photos de cette époque, dont certaines prises par Picasso lui-même. Ainsi naquit le projet d’un livre, écrit à deux voix entre Gérard et Maya : Picasso, un réfugié à Royan, 1939-1940. Cet ouvrage, véritable chaînon manquant, à la fois dans la biographie de Picasso et dans le cours de notre histoire locale, devint ainsi comme le scénario d’une exceptionnelle exposition au musée municipal, laquelle a déjà reçu des milliers de visiteurs.

• Prix Jacques et Marie-Jeanne Badois à Annie Dumont/Jean-François Mariotti « Les pirogues médiévales de Taillebourg » (rapport Alain Michaud) 



Si les fonds marins avec leurs galions et leurs galères englouties chargées d’amphores ont toujours fasciné le public, celui-ci est beaucoup moins familiarisé avec l’archéologie subaquatique des lacs et des rivières. Il en soupçonne peu la grande richesse dont témoignent les découvertes récentes et médiatisées du grand chaland gallo-romain et de la tête en marbre de César arrachés au Rhône, en Arles. C’est donc le bilan étonnant de sept ans de travail, dans le cadre d’un projet collectif de recherches dirigé par Annie Dumont et Jean-François Mariotti que l’Académie de Saintonge a, d’enthousiasme, voulu couronner : l’étude des plongeurs et scientifiques porte sur les aménagements portuaires, les embarcations et le matériel d’une extraordinaire richesse révélés au fond du lit de la Charente entre Taillebourg, au vieux pont aujourd’hui disparu, et Port-d’Envaux. Dans un travail d’une grande minutie et d’une parfaite rigueur scientifique, abondamment servi par des cartes, tableaux, dessins et graphiques, des analyses chimiques et typo-chronologiques, Annie Dumont, Jean-François Mariotti et leurs neuf collaborateurs nous offrent l’histoire et la radiographie des fonds du fleuve, qu’on découvre constellés de barques et d’objets anciens les plus divers ; Pas moins de 15 pirogues taillées pour la plupart dans le chêne et trois épaves assemblées, datées du premier Moyen Age et dont l’une remonte même vraisemblablement à l’Antiquité tardive, ont été répertoriées et étudiées. S’y ajoutent toutes sortes de vestiges d’aménagements portuaires et de viviers à poissons ainsi qu’un arsenal d’armes, d’éléments usuels de travail, de pêche, de parure, des lingots de plomb, de pierres de lest… L’ensemble révèle l’importance et la précocité du site portuaire de Taillebourg : la découverte d’objets d’origine ou d’influence scandinaves permet de reposer la question passionnante d’une base d’implantation viking, soulevée par le regretté professeur André Debord. Ce travail exhaustif, (étendu jusqu’aux graffiti de bateliers) et que l’on espère voir poursuivi aux environs de Saintes, démontre, quel extraordinaire champ d’exploration les cours d’eau, vecteurs économiques de première importance au Moyen-Age, et en particulier la Charente, offrent à notre curiosité et à notre passion, stimulées aujourd’hui grâce à cette étude rigoureuse, exhaustive, et par là même exemplaire.  

•  Prix Louis Joanne à l’AREPMAREF pour ses recherches subaquatiques sur le patrimoine des pertuis (rapport Pierre Collenot) 



Depuis 2004, un groupe de passionnés d'épaves maritimes et fluviales mène des prospections sub-aquatiques en divers lieux de la région Poitou-Charentes. Ils ont créé L’AREPMAREF (Association de recherches et d’études du patrimoine maritime et fluvial) qui agit pour le compte d'organismes publics comme le SRA Poitou-Charentes (Service de Recherches Archéologiques) et le DRASSM (Département de Recherches Archéologiques Subaquatiques et Sous-Marines). Concrètement, l’association s’intéresse de très près à tout le patrimoine qui sommeille en-dessous du niveau de l'eau, sur l'estuaire de la Gironde, autour des îles d'Oléron, d'Aix et de Ré, sur la Charente, la Boutonne et le Clain. 36 membres bénévoles, dont 7 responsables d'opération, mettent au point leurs propres technologies comme un sonar à balayage latéral permettant de détecter les traces  des épaves et de les étudier. Toutes leurs recherches, menées avec autorisations officielles du ministère de la culture, demandent une longue préparation en amont et se prolongent sur des années de travaux. Ils participent à de nombreux programmes de recherche nationaux et à l'élaboration de la carte archéologique. Parmi leurs succès : En 2011-2012 : près du rocher d'Antioche, la découverte du Port-Calédonia dernier cap hornier, 4 mats de 90m, naufragé le 2 décembre 1924. Une commémoration a lieu en 2014 à Saint-Denis d'Oléron, où la cloche de ce grand navire disparu est maintenant au musée. En août 2013, une prospection au large de l’île d’Aix permet de retrouver la trace des vaisseaux naufragés en 1809 lors de la catastrophique bataille navale des Brûlots. Cette campagne de recherches se poursuit en 2014. Parmi les prospections réalisées ou en cours: une recherche sur les anciens quais du port de Saintes, de l'époque romaine au 19ème siècle, la découverte de pirogues à Chaniers et l'inventaire des restes du système de défense par des torpilles autour des Saumonards et de Fort Boyard. Leur contribution bénévole et passionnée à la découverte de ce patrimoine englouti mérite bien l'intérêt que nous leur portons dans ce palmarès.

•  Prix de l’Agglomération Royan Atlantique à Valmy et Didier Colus pour « Parlez moi d’enfance et de maquis » paru au Croît vif (rapport Jacques Bouineau) 



Deux noms. Une image forte. La vie, version claire. Celle que d’autres rêvent. Valmy et Didier. Le père et le fils. L’un a la sensibilité, l’autre l’art de dire. Mais ce peut être l’un ou l’autre, ou l’autre ou l’un. A eux deux, ils ont écrit un destin, celui de Valmy, une saga des migrants. Valmy est né dans une des anciennes capitales de l’Empire romain finissant, Aquileia, Au début du XXe siècle, l’Aquileia de Valmy bruissait de bruits de bottes et les chemises brunes flottaient au vent de la lagune, devenue italienne un po’ prima, un peu plus tôt. Même si, le long des canaux d’Aquileia, on parlait toujours le frioulan. Militant politique engagé, le père de Valmy se dresse. Il ne se soumettra pas. Il résiste. Quitte à prendre des coups. Les coups n’inquiètent pas le père. Mais il y a la mère. Il y a les enfants... Ils sont partis. Chacun porteur de son destin et la famiglia unie autour d’eux : les enfants dans les bagages et les parents du père, qui aidaient à porter les bagages de tous. Quand on par les chemins, que les lieux ne sont pas encore apprivoisés, il ne reste qu’elle : la famiglia. Valmy y fera son nid, découvrant les paysages de la Saintonge. De cette terre devenue la sienne, et qu’il a plus cultivée que beaucoup de natifs, germera un petit Français. L’école républicaine réussit son œuvre d’intégration. Enfant, Didier a été bercé par les souvenirs et les silences quand son père, par humilité, oubliait  de raconter sa guerre, laissant à ceux qui avaient moins fait le soin de combler les vides. Didier a hérité de cette force et de l’amour de la famille. Il a su trouver sans peine les mots pour faire une épopée. Car Didier a un style, un souffle, une exigence dans le choix sémantique qui forcent l’admiration. Il a l’art d’adapter son verbe au paysage. Souvent on ne s’en aperçoit pas. L’évidence coule. Quand on le lit, on est dans le récit. Quand le mot colle à l’idée, l’idée s’envole et le lecteur devient mouvement et intelligence. Flaubert l’avait compris. Il est doux de vérifier que le XXIe siècle héberge des hommes qu’il aurait lus avec bonheur. Même s’ils viennent d’ailleurs !

 • Prix de la Ville de Saint Jean d’Angély à Ariane Audouin Dubreuil « La croisière Jaune, sur la route de la soie » aux Ed. Glénat (rapport Jean Combes) 



L’expédition Citroën Centre-Asie reste l’une des aventures les plus exceptionnelles du XXe siècle. 42 hommes courageux, prêts à affronter tous les dangers, s’engagent dans une Asie centrale alors profondément troublée sur un parcours de 13000 km entre Beyrouth et Pékin. Ils empruntent ainsi l’antique route de la soie en franchissant les hauts cols du Karakorum dans l’Himalaya.
 Georges-Marie Haardt, déjà chef de la  « Croisière noire » en Afrique (1924-25), est choisi par André Citroën pour diriger cette nouvelle expédition ( Départ de Beyrouth le 4 avril 1931 ; arrivée à Pékin le 12 février 1932). Louis Audouin-Dubreuil, ancien officier aviateur, né à Saint-Jean d’Angély en 1887, est à ses côtés pour diriger la logistique. Autour de l’équipe technique se trouvent des savants et des artistes notamment Alexandre Iakovleff, peintre de grand talent, le cinéaste André Sauvage, le grand reporter Georges Le Frère, le père Teilhard de Chardin, conseiller honoraire au service géologique de Chine. Après un premier ouvrage consacré à « La croisière jaune » en 2002, Ariane Audouin Dubreuil, raconte d’une manière émouvante l’aventure de ces hommes d’exception dans un «livre-objet» réalisé à partir des archives familiales de son père. De nombreux documents jamais publiés sont ici présentés aux lecteurs (éditions Glénat). Ce livre objet, conçu et rédigé par Ariane Audouin Dubreuil mérite sans nul doute par sa qualité remarquable, le prix que lui décerne aujourd’hui l’Académie de Saintonge.

• Prix Madeleine La Bruyère à trois associations historiques et leurs revues (rapport François Julien-Labruyère) 



Pour la première fois dans l’histoire de l’Académie de Saintonge, un prix se voit exceptionnellement multiplié par trois grâce à un mécénat privé. La raison en est simple : l’Académie souhaite alerter les responsables politiques d’un phénomène rampant de désengagement de la part des collectivités locales concernant les publications historiques. À terme, cela signifierait une perte d’identité par assèchement puis risque de disparition d’une source importante de documentation en provenance d’associations qui réalisent un magnifique travail de fond sur l’histoire régionale, sans compter la vitalité culturelle locale qu’elles contribuent à développer. Nous avons choisi à titre d’exemples trois associations strictement bénévoles, publiant leurs recherches dans des revues. Elles ont en commun d’être l’organe érudit de leurs cantons :
• Créée en 1965 par Louis Lassarade et présidée depuis 24 ans par Armand Favreau, la Société d’histoire et d’archéologie de Pons et sa région publie chaque année un gros bulletin appelé Archéologie pontoise, grâce à 2 subventions communales de Pons et de Montils. Prix de vente 12 €. Tirage 200 ex. Ses articles sont surtout historiques, avec des reproductions de documents. Avant la reprise en main administrative qui a touché les fouilles archéologiques il y a 15 ans environ, la société était souvent chargée des sondages et même de quelques chantiers de fouilles. Ce n’est plus le cas, d’où un vide évident sur les petits chantiers de plus en plus ignorés.
• Créée en 1998 par Marcel Grignon et présidée par Michelle Lallement, la Société d’histoire du canton de Marennes et de ses environs publie chaque semestre une revue appelée De la Seudre à la Charente. Prix de vente 4,80€. Tirage 500 ex. Ses articles historiques s’accompagnent de temps en temps de témoignages familiaux vivants, dans la tendance actuelle qui tend à inclure la mémoire individuelle dans le champ historique.
• Créée en 1986 par Claude Lelièvre pour réveiller la culture locale et présidée depuis 2000 par Guilaine Baudrit, l’Association culturelle du canton de Matha publie chaque année depuis 2005 Les Cahiers de la mémoire. Prix de vente 6€. Tirage 500 ex. La caractéristique de cette revue, apparue après la publication de deux livres (un sur les lieux-dits du canton, l’autre sur ses contes et légendes) est qu’elle s’accompagne de manifestations culturelles comme des expositions et un concert annuel. Son contenu est presque exclusivement historique. L’équilibre financier de ces associations reste précaire et leur crainte est, qu’avec les regroupements de collectivités locales et l’éloignement budgétaire qui se dessine en matière culturelle à travers la redéfinition des compétences, l’existence même de leurs publications soit mise en cause car, si leur diffusion assure à peu près la couverture des frais d’impression, il est loin d’en être de même de leurs frais de fonctionnement.

• Prix Champlain à Françoise Mamolar et Marc Jouanny pour leur film « Louisbourg, un rêve d’Amérique » (rapport Marc Fardet)



Au traité d’Utrecht (1713), la France perd l’Acadie péninsulaire (Nouvelle-Ecosse) mais conserve St-Pierre et Miquelon, des droits de pêche à Terre-Neuve, l’île St-Jean (Prince-Edouard) et l’île Royale (actuelle île du Cap Breton) où le gouvernement royal fait construire la ville-forteresse de Louisbourg. Marc Jouanny et Françoise Mamolar nous font revivre dans ce documentaire l’histoire mouvementée de cette enclave française au Canada, soutenue par le port de Rochefort. Chargée de défendre la ville de Québec contre une attaque navale des Britanniques, elle est le premier accostage pour les navires venant de France, de Rochefort quand on est au service du Roi, plutôt de La Rochelle, Bordeaux ou St-Jean-de-Luz quand on est commerçant ou pêcheur. Elle compte jusqu’à 10.000 habitants. En 1718, elle devient la capitale de l’île Royale. Mais les Britanniques s’en emparent en 1745, la restituent en 1748, l’occupent à nouveau en 1758 et la détruisent en 1760 (après la prise de Québec 1759) c’est la fin du Canada français. Louisbourg tombe dans l’oubli pendant près de deux siècles. Grâce à leurs recherches très approfondies en vue de retrouver la véritable identité de Louisbourg, Katharine Mc Lennan et son père John participent à la genèse du projet de reconstruction de cette forteresse qui retrouve pleinement sa place au cœur des préoccupations sociales, économiques et culturelles des Canadiens. Deux siècles après sa destruction, le gouvernement fédéral finance la reconstruction d’environ le quart de la forteresse. Avec le concours notamment de l’archéologue Bruce Fry et du maître d’œuvre et principal restaurateur Yyon Leblanc, elle est édifiée de 1961 à 1981. 225 mineurs sans emploi deviennent maçons ou charpentiers. C’est une reconstitution très fidèle. Tout doit être fini à la main. Une soixantaine de personnes la font revivre et elle reçoit 100.000 visiteurs par an. Ironie du sort : ceux qui ont agi en faveur de sa renaissance sont originaires de la Nouvelle-Angleterre, terre qui précipita sa destruction.

• Prix Jehan-Marie de Latour de Geay à Brice Martinetti « Les négociants de La Rochelle au XVIIIe siècle » (rapport Pascal Even)  


L’Académie de Saintonge s’est toujours attachée à encourager les talents des jeunes Charentais qui dans le domaine des arts, de la musique, de la littérature et de la recherche représentent les espoirs de demain. Elle se devait par conséquent de remettre un prix à l’un de nos plus jeunes et talentueux universitaires, en l’occurrence, c’est le prix Latour de Geay qui récompense Brice Martinetti qui a soutenu récemment à l’Université de La Rochelle une thèse remarquée intitulée : Les négociants de La Rochelle au XVIIIe siècle, thèse qui a été publiée en 2013 aux Presses universitaires de Rennes. De fait, si plusieurs études ont été déjà consacrées au siècle le plus brillant de l’histoire de la ville, ses élites restent encore largement méconnues et c’est le mérite de Brice Martinetti que de restituer ce milieux du négoce, ses activités, ses conditions de vie matérielle, ses préoccupations intellectuelles et sociales de ces négociants qu’il approche grâce aux informations contenues dans leurs inventaires après décès, une source savamment exploitée.  A partir de ces documents qui redonnent vie à des centaines d’existences, Brice Martinetti dresse en effet un tableau saisissant de ces acteurs majeurs de la prospérité rochelaise, d’un groupe social dont il souligne les particularismes, les convergences mais également les divergences avec les négociants des autres grands ports atlantiques. Avec ce premier ouvrage mais aussi avec les articles déjà publiés, Brice Martinetti prend rang parmi les grands historiens de La Rochelle et de notre région.

• Prix de la Ville de Saintes à Richard Ballard « La terreur imprévisible, révolution en Aunis et Saintonge » paru au Croît vif (rapport Jean-Louis Lucet) 



Il fallait la sensibilité, la curiosité et l’attachement au détail d’un historien britannique pour peindre un tableau si vivant de la tourmente révolutionnaire, telle que l’ont perçue et vécue les saintongeais de 1792 à 1794. Il est vrai que Richard Ballard a étudié à Oxford, et enseigné l’Histoire avant d’élire domicile en Saintonge. Il faut ajouter qu’il est aussi dessinateur (de talent): au fil des pages, surgissent sites et monuments sous son crayon agile. Il montre dans cette France essentiellement rurale de la fin du XVIIIème l’apparition de nouvelles élites – hommes de loi, négociants, artisans, paysans aisés- qui, au fil de péripéties surprenantes, se substituent à la noblesse et au clergé, dont les privilèges sont de plus en plus mal supportés par la population. Les évènements dramatiques qui, à Paris, ont provoqué la chute de la royauté et l’avènement de la république ne pouvaient manquer de susciter en Aunis et en Saintonge d’amples répercussions. L’ouvrage de Richard Ballard les analyse avec finesse et un sens des nuances permettant de saisir la singularité des destins individuels. Il n’occulte pas pour autant la cruauté et parfois la bouffonnerie des scènes qu’il évoque. Les nouveaux notables, dorénavant élus, instaurent, à travers mille conflits et de coupables dérives, le règne de la loi, du civisme et de l’Egalite juridique. Les excès perpétrés à Saintes, Brouage, La Rochelle et Rochefort à l’instigation de personnages tels que Bernard, Garnier, Lequinio ou tel représentant en mission  (le sort affreux des prêtres réfractaires est évoqué sans fard) peuvent s’expliquer par la guerre de Vendée voisine, ou par les complots  royalistes menaçant la jeune république. On n’en admire que d’avantage le touchant civisme et la réelle bonté d’un peuple qui savait compatir au malheur et réparer les injustices. Grace soit rendue à Richard Ballard- et au Croit vif qui publie la version française du livre- d’avoir décrit le déploiement finalement positif de l’énergie révolutionnaire dans cette région de la France qu’il connait si bien.

•  Prix de la Haute Saintonge Pascal Ferchaud Ribérou, bailliage royal et port de mer (Bonne anse) (rapport de Pascal Even) 



C’est un historien et un élu que l’Académie de Saintonge souhaite honorer en lui décernant le prix de la Haute Saintonge. Pascal Ferchaud est connu dans les milieux des historiens charentais depuis longtemps déjà par ses travaux et la fondation de la Société d’histoire et d’archéologie en Saintonge maritime en 1979, à la suite de la découverte d’un site archéologique sur la commune du Gua. Il avoue en effet que le goût de l’histoire et de l’histoire de sa région l’a saisi très tôt dès sa jeunesse et ne l’a plus quitté. Ce goût de l’histoire, ce professeur agrégé en économie et en gestion l’a heureusement conservé lorsqu’il s’est lancé dans la vie politique et qu’il est devenu maire de Saujon et conseiller général. En témoigne la publication récente du petit ouvrage qu’il a publié en 2012 aux Edtions Bonne Anse de Royan consacré à Ribérou, baillage royal et port de mer. Cette publications s’ajoute aux publications antérieures de ce passionné d’histoire de la Saintonge maritime, de l’évocation de la période révolutionnaire dans les cantons de Saujon et du Gua à l’histoire du château de Richelieu de Saujon dont il a fait découvrir les vestiges tout récemment aux adhérents de la Société des Archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis. Pascal Ferchaud ne se contente pas de poursuivre des recherches historiques, il fait partager son goût de l’histoire et le résultat de ses travaux au grand public par ses conférences et ses publications. Les travaux de l’historien rejoignent ceux de l’élu. Gageons, concernant le port de Ribérou que l’évocation historique de ses activités passées contribuera aux projets de réaménagement touristique que poursuit l’édile.

• Prix Cognac Chabasse à Carl Schlosser, saxophoniste de Jazz (rapport de Nicole Bertin) 

 Formé à la flûte traversière au Conservatoire de Créteil, Carl Schlosser commence à jouer dès l'âge de 14 ans. Suit un autre instrument, le saxophone. Au début des années 90, il fonde son propre quartet et enregistre l'album Back to Live. Mais l'univers et le rythme des tournées le lassent et il décide, au milieu des années 90, de créer son studio d'enregistrement près de Rochefort. Il y fait moult rencontres et s'ouvre à d'autres disciplines dont le cirque. Il écrit notamment la musique du spectacle "Amor et Captus" avec la troupe Les Colporteurs. On dit de lui que « c’est un musicien d'exception ». Durant plusieurs années, il est l'un des saxophonistes vedettes du Claude Bolling Big Band où sa fougue et son swing font merveille. Son succès lui ouvre des portes prestigieuses dont celles de Wild Bill Davis et de nombreux musiciens français. Si l'on retrouve, dans son jeu, l'influence des grands maîtres de l'histoire du saxophone, sa forte personnalité musicale, très originale, imprègne ses interprétations.  Saxophoniste internationalement reconnu, Carl Schlosser a collaboré avec les plus grands : Michel Petrucciani, Claude Bolling, Charles Lloyd , Dee Dee Bridgewater, etc.  Aujourd’hui, il travaille à Paris dans le Duke Ellington Orchestra que dirige Laurent Mignard. L’orchestre a effectué une tournée à Pékin en 2013. Il se produit au sein d’autres formations et parcourt le monde : « il me manque l’Amérique du Sud et l’Australie » avoue-t-il. Puis il revient à son studio d’enregistrement mobile de Tonnay-Charente. C’est là qu’il reçoit des professionnels à la recherche de l’esthétique, d’un son plus doux et moins agressif.  Il collabore également au programme culturel de communes de Charente-Maritime, dont Vaux-sur-Mer où il a créé la saison jazz en hiver Musique à la campagne. Dans le cadre de Jazz Transat, il était en concert durant l’été à Royan avec le groupe Tenor Sax Battle et à Saintes pour une soirée exceptionnelle au site Saint-Louis. Il est Saintongeais d’adoption pour s’être installé avec sa femme et ses deux enfants à Saint-Georges Antignac. Compositeur, saxophoniste, flûtiste de talent, ingénieur du son, Carl Schlosser est une personnalité haute en couleurs que l’Académie de Saintonge est heureuse d’honorer. La critique ne se trompe pas quand elle écrit à son sujet : « Un son superbe, chaud et âpre à la fois au ténor, souvent plein de véhémence. Une technique et une virtuosité sans faille. Il en va de même à la flûte, concis et sobre ou follement volubile. La ferveur de Carl vous tient en haleine d'un bout à l'autre d'un concert »

La médaille de l'Académie a été remise à l'un de ses membres éminents, le dr Dubois de Saujon

Photos Jacques Dassié

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