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lundi 1 septembre 2014

Université du PS La Rochelle :
L’égalité vue
par Najat Vallaud-Belkacem,
Christiane Taubira
et Benoît Hamon


Il est plus facile de proclamer l’égalité que de la réaliser (Edouard Herriot) 

Samedi, université du PS à La Rochelle. Sur son vélo, on sent qu’elle a le mollet ferme. Et quand elle pédale, ce n’est pas dans la choucroute, mais pour rejoindre dès potron-minet les frondeurs qui tiennent tête à Manuel Valls. Casquée et pas guindée ! « Quand on partait sur les chemins à bicyclette, nous étions quelques bons copains. Y avait Arnaud, y avait Benoît et puis Christiane » pour reprendre les paroles de la chanson d’Yves Montand !
Devant les journalistes agglutinés, Christiane Taubira explique son attitude : oui à la rencontre, oui aux débats, oui aux échanges qui permettent d’exprimer des points de vue. Même contradictoires. Tant pis si son patron de Premier ministre manifeste de la surprise. Après tout, il en verra d’autres durant les mois à venir. Son œil en pétille, avec des reflets dorés qui rappellent le soleil des Caraïbes.

Christiane Taubira chez les "frondeurs"
L’après-midi, la médiatique ministre de la justice rentre dans le rang en participant à une conférence figurant au programme officiel. Son arrivée est longuement applaudie, preuve que les militants la comprennent et la soutiennent.

 Najat Vallaud-Belkacem ne veut pas céder à la fachosphère 

Sur le plateau, sont réunis la Garde des Sceaux, Benoît Hamon, Najat Vallaud-Belkacem, Naïma Charaï, présidente de l'agence nationale Acsé (cohésion sociale et égalité des chances) et conseillère régionale d'Aquitaine, Dominique Sopo, président de SOS Racisme, Patrick Savidan, professeur de philosophie à l’université de Poitiers avec, pour animatrice, Colombe Brossel.

Manque Christiane Taubira qui ne va pas tarder à arriver...
Les intervenants au complet
Pendant deux heures, ils sont invités à plancher sur la façon dont la gauche peut « tenir la promesse républicaine de l’égalité ». Vaste défi car les inégalités sont nombreuses entre les territoires, les chances de réussite selon le milieu social dont on est issu, les salaires que perçoivent les hommes et les femmes. Les grands, les petits, les jeunes, les moins jeunes. La liste est longue… et le sujet vieux comme le monde.
Le thème de l’égalité est-il usé ? « C’est une valeur centrale de la gauche. Il est d’actualité, il faut le retravailler » estime Naïma Charaï. Certains chiffres se passent de commentaires : entre 120.000 et 150.000 jeunes sortent du système scolaire sans qualification et seuls 16% d’enfants d’ouvriers s’inscrivent en classes préparatoires.

Patrick Savidan, Marisol Touraine, Najat Vallaud-Belkacem
Benoît Hamon, Naïma Charaï, Dominique Sopo

Najat Vallaud-Belkacem, qui a hérité de l’Education nationale, est parfaitement consciente de « ces jeunes abandonnés sur le bord du chemin ». A la tête d’un ministère "exposé", elle n’a pas l’intention de plier face à la « fachosphère » et ceux qui lui dénigrent de façon musclée. Pour elle, « la droite met en concurrence les individus et c’est pourquoi les inégalités augmentent ». 
Le 4 août dernier, le gouvernement a voté une loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes et le congé parental a été modifié. « L’Education nationale n’est pas seulement un grand ministère, mais c’est le plus grand. Il fait fructifier le savoir et la jeunesse » souligne-t-elle.
Elle sera inflexible sur la réforme des rythmes scolaires mise en œuvre à la rentrée : « je veillerai à ce qu’elle soit appliquée partout et il n’est pas question de porter préjudice au droit de scolarisation des enfants ». Elle prévoit de lutter contre le décrochage scolaire, sans perdre de vue un plan d’action pour l’égalité entre les filles et les garçons et la préscolarisation des enfants avant l’âge de trois ans. 

Pour le responsable de SOS Racisme, Dominique Sopo, l’égalité concerne en particulier les enfants issus de l’immigration. De nos jours, on cherche à exacerber les différences. Cette situation suscite des amalgames et la peur qui s’installe provoque forcément des rejets.

On peut échouer parce qu’on n’a rien tenté ! 

Benoît Hamon, ex ministre de l’Education nationale, s’interroge sur l’origine de la défiance dont fait l’objet le parti socialiste. « Qui sont les auteurs du procès en illégitimité qui nous est fait ? Qui prétend que l’herbe est plus verte ailleurs ? ». Il pointe du doigt le Medef davantage que la droite (Manuel Valls, qui s’est rapproché des patrons, saisira le message).


Pour en revenir à l’école, elle représente pour lui l’institution qui fédère le plus de Français avec une promesse d’égalité. « Dans ce pays, quand ça va mal, les Français se tournent vers leur école ». Cependant, c’est l’école française qui génère le plus d’inégalités de toute l’Europe. « Il faut s’attacher à les réduire avec un budget qui offre la possibilité de conduire les réformes dont celle des rythmes scolaires. Pourquoi l’école le mercredi matin ? Tout simplement parce que les enfants travaillent mieux le matin. Najat Vallaud-Belkacem ne sera pas seule sur le front. Nous privilégions l’intérêt des enfants et pas celui des adultes qui s’expriment au nom des intérêts des enfants ».
Il est vrai que le constat est préoccupant : 20% des élèves qui entrent en sixième ne savent ni lire, ni écrire, ni compter correctement… bien que la France ait le plus gros budget consacré à l’Education nationale de la CEE. Voilà qui peut paraître surprenant.
La percée du Front National aux Municipales et Européennes l’inquiète : « avons-nous exploré toutes les pistes, toutes les marges de manœuvre pour lutter contre les inégalités ? On peut échouer parce qu'on a été empêché, parce qu'on a été entravé, parce qu'on a perdu une bataille politique. On peut échouer aussi parce qu'on n'a rien tenté… Rien n'est perdu ».
Pour Marisol Touraine, la gauche lutte contre les inégalités et elle le prouve : « ce n’est pas la droite qui a fait le mariage pour tous, la loi pour l’égalité hommes/femmes, la gratuité de l’IVG et la contraception pour les jeunes filles. Nous ne devons pas nous résigner quand six familles en France possèdent autant que 30% de Français. En 2015, nous allons étendre la CMU avec un tiers payant pour tous, ce qui permettra d’aller chez le médecin sans avancer d’argent ».

Christiane Taubira applaudie par les militants


Le mot de la fin revient à Christiane Taubira : « chaque fois que la société est en difficulté, la gauche est élue en 1936, en 1981, en 1997, en 2012 ». Alors que la situation de la France semble dans une impasse, elle reprend cette citation de René Char : « à chaque effondrement d’épreuve, le poète lance une salve d’avenir ». Elle croit en cette matrice qu’est l’humanisme et le combat que constitue la recherche d’une plus grande égalité, d’une plus grande justice aussi : « huit millions de Français vivent en dessous du seuil de pauvreté » dit-elle en s’adressant « à ceux et celles qui croient encore en nous, à commencer par vous ».
Les militants l’écoutent avec attention. D’abord assise, elle se lève. Comme une avocate, elle plaide la cause du parti socialiste avec force, conviction et pugnacité. Elle ne donnera pas les clés du fort sans avoir livré bataille.

Une question se pose : depuis la Révolution, le vrai problème de la France ne serait-il pas la lutte sans fin entre l’égalité et la liberté ? « Le défaut de l’égalité, c’est que nous ne la voulons qu’avec nos supérieurs » écrivait le dramaturge Henry Becque…

L'arrivée de Najat Vallaud-Belkacem à la Rochelle


 Reportage/photos Nicole Bertin

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