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mercredi 18 juin 2014

Projet de mariage de la région
Poitou-Charentes :
« y a-t-il eu des gestes
d’amour de la part
de l’Aquitaine ? »
s’interroge Denis Leroy


Conseil général de la Charente-Maritime 

Fin des départements, réduction des financements, mariage régional forcé, les élus de Charente-Maritime ne vivent pas une époque formidable… 


Lundi matin, les débats du Conseil général ont gravité autour des grandes réformes, la mise en place de super-régions en particulier. Dominique Bussereau, on le sait, n’est pas favorable à un rapprochement du Poitou-Charentes avec le Centre et le Limousin. Il l’a redit lors de l’ouverture de la session.
Ses préoccupations ne s’arrêtent pas à ce domaine. Fini les périodes fastes où les départements ne rencontraient aucun souci financier. Désormais, comme la plupart des ménages, ils doivent faire des économies. En conséquence, les aides attribuées aux communes ou aux associations s’en trouvent diminuées. D’où une réalité en ce qui concerne les travaux publics : les entreprises du bâtiment seront moins sollicitées. Et quand le bâtiment ne va pas, rien ne va, dit-on…

Nous sommes donc à une époque charnière qui aboutira, dans un avenir proche, à une redistribution des cartes, autrement dit des centres de décision. La fin des départements est annoncée pour 2020. Une révolution en quelque sorte qui inquiète les élus ! L’ancien régime - appelons-le comme ça bien qu’il n’ait rien à voir avec la noblesse et le clergé - est remis en cause et ceux qui en sont les acteurs comprennent mal pourquoi le gouvernement Hollande s’en prend « à des institutions qui ont fait leurs preuves ».
La nouvelle donne consistera en des régions plus grandes qui assumeront la quasi totalité des compétences des départements ; le reste tombera dans l’escarcelle des intercommunalités. Les départements seront dépossédés mais, avant de finir en tenue d’Adam, ils se regimbent et font entendre leurs voix.
Il est vrai que tout devient complexe : on a d’abord refait la carte intercommunale avant de définir de nouveaux cantons et d’offrir sur un plateau de grandes régions : « on ne sait plus où donner de la tête. Nous prenons sans arrêt des trains en marche... quand il y a des trains » remarque le président. Pourquoi toutes ces agitations ? Parce que le fameux millefeuille est devenu trop replet. Les dépenses des collectivités sont montrées du doigt : « Tout cela est faux. Dans le déficit, elles ne représentent que 10%, loin derrière l’Etat et la Sécu. Les départements ont du faire face aux transferts qui leur ont été imposés ». Placés au banc des accusés, on veut les « dévitaliser ».


Sénateurs et députés sont appelés à étudier deux projets de loi : la carte des régions, le report des élections régionales et cantonales (elles auront lieu en décembre 2015), la décentralisation et les compétences.
En ce qui concerne la région Poitou-Charentes qu’on cherche à marier avec le Centre et le Limousin, les Charentais- Maritimes y sont opposés à plus de 80% selon un récent sondage du journal Sud-Ouest. Mobilisés, les élus se sont réunis dernièrement à Ruffec (en l’absence du président du conseil général des Deux Sèvres) où ils ont voté une motion favorable à un rapprochement avec l’Aquitaine (Alain Rousset, patron de cette région, en a pris acte).
A ce jour, 120 communes, ainsi que la CDA de La Rochelle, ont délibéré en ce sens. « Si la Charente et la Charente-Maritime sont les premières intéressées, il serait dommage d’abandonner les deux autres départements, Vienne et Deux-Sèvres » déclare Dominique Bussereau qui n’exclut pas un référendum à l’automne.
Denis Leroy, conseiller général de La Rochelle, le taquine sur ses épousailles : « y a-t-il eu des gestes d’amour de la part de l’Aquitaine ? » demande-t-il à Dominique Bussereau, peu habitué à assurer la chronique du cœur au Conseil général. L’avenir nous dira si les « pulsions » étaient réciproques !

Lionet Quillet : 
« il faut monter sur les barricades » ! 

Mickaël Vallet, porte-parole du parti socialiste
Mickaël Vallet, chef de file de l’opposition, est réaliste sur la situation. Menacé de disparition, le département est dans une position inconfortable. « Notre groupe vous a suggéré de prendre exemple sur la Saône et Loire pour faire valoir votre bon droit sur les transferts de l’Etat non versés. S’il faut faire une procédure, n’hésitez pas » conseille-t-il à Dominique Bussereau.
Sur le contexte actuel, il regrette la chasse aux élus : « on dit que les collectivités embauchent à tout va, mais les emplois créés sont nécessaires au bon fonctionnement de la cité. A Ruffec, les socialistes sont allés dans le sens de l’intérêt général ». Toutefois, il est surpris : « les rapports présentés ne reflètent pas l’esprit de Ruffec ». Et d’exposer un certain nombre de points dont l’éventuelle scission du Poitou-Charentes dont il n’a pas été question. Il en est de même avec la réunion des agents départements qui a eu lieu à Saintes, à l’initiative du président : « quel est le coût d’une telle organisation ? N’y-a-t-il pas une disproportion dans les moyens déployés ? ».
« Il s’agit de démocratie participative. Il est normal qu’un président informe ses salariés. Vous pouvez toujours faire des circulaires, envoyer des mails, il est mieux de leur parler directement. Chacun a le droit de savoir. Une communication sera mise en place à leur intention et je pourrais les réunir à nouveau. Je vous donnerai bien sûr le coût de ce rassemblement » répond Dominique Bussereau. Jeudi dernier, en effet, plus de 2200 personnes se sont retrouvées dans le gymnase du Grand Coudret, leur après-midi ayant été libéré.
Jean-Yves Quéré, conseiller général de Saintes, en remet une couche : « vous me faites penser à un chef d’entreprise qui fait marcher ses employés devant lui pour défendre ses intérêts politiques et électoraux. J’ai écouté vos commentaires et j’ai envie de dire : tout ça pour ça ? Vous avez parlé 18 minutes. Cela a un côté un peu scandaleux. Vous avez perturbé le travail de centaines de fonctionnaires, sans compter ceux qui ont été chargés de l’organisation. Or, il n’y avait pas d’urgence ». 
Piqué, Dominique Bussereau rétorque qu’il est le seul élu avec lequel il est en désaccord à 100%. « C’est vrai, je ne suis pas Fidel Castro et je ne parle pas pendant des heures. Quelle que soit la durée de cette rencontre, il était important qu’elle ait lieu ».

Au nom des Radicaux de gauche, Pascal Ferchaud est également opposé à l’union du Poitou-Charentes avec le Centre et le Limousin : « puisque qu’Aliénor a été mariée à un Plantagenêt après avoir épousé le roi de France, on pourrait demander notre rattachement à l’Angleterre » plaisante-t-il. Le découpage des régions ne correspond pas aux réalités du terrain : « elles doivent se calquer sur les bassins de vie en y ajoutant une dimension européenne. Leur nombre doit être de douze au maximum, en étudiant de près la répartition de compétences. Il y a de nombreux domaines auxquels il faut s’attaquer, ne serait-ce que la fiscalité locale, devenue illisible pour les citoyens ».

Lionel Quillet
Pour Lionel Quillet, conseiller général de l’Ile de Ré chargé des digues, il est grand temps de réagir face aux dispositions que veut prendre le gouvernement : « le déficit vient de l’Etat. Nous, les élus, on se fait avoir sur toute la ligne. On n’arrête pas d’entendre que nous coûtons cher et que le pays va mal. Les grandes réformes sont mal faites, il faut monter sur les barricades. Et j’ai envie de dire à tous ceux qui ont des problèmes de digues, eh bien débrouillez-vous tout seuls ». Une façon d’expliquer qu’il est des situations plus graves à gérer qu’une hyménée régionale. « Tu arbores une chemise rouge, à quand le bonnet ? » lance un collègue, provoquant les rires de l’assemblée.


L’allocution de Bernard Lalande, conseiller général de Montendre, recentre le débat : « il y a un super club aujourd’hui, celui des : c’est pas nous. Mais l’Etat, c’est qui ? c’est nous aussi. La dette publique n’a pas cessé de croître. Il faut bien payer ce que l’on doit. Aujourd’hui, personne ne veut assumer et dans cet hémicycle, aucun d’entre vous n’a parlé de la victoire du Front national aux Européennes. Qui fait grossir ce parti ? Il est bon de regarder les choses objectivement ». Problème grave, en effet, que l’élu conclut par une note plus légère en invitant ses collègues au premier Site en Scène de la saison : le festival Free Music de Montendre aura lieu vendredi et samedi prochains dans la pinède montendraise.

« Nous sommes au bout d’un système » enchaîne Jean-Yves Martin, conseiller général de Saint-Jean d’Angély. « Je suis né en 1958 sous la cinquième République faite par de Gaulle. Il est temps de penser à la sixième. A la réunion de Ruffec, je me suis abstenu sur la forme ». 

Selon la tradition, Béatrice Abollivier, préfète, conclut la séance. Elle rappelle le calendrier de la réforme territoriale qui sera riche en échanges et en réactions. L’intercommunalité est également concernée puisque les nouveaux périmètres devront compter au moins 20.000 habitants. Plusieurs communautés sont concernées dont les îles et la région de Trizay. L’heure est aux économies, exemple que montre l’Etat : ainsi, les personnels ont diminué de 4% à l’échelon régional (moins 140 agents). « Il en est de même partout ». Et cela ne fait que commencer, semble-t-il…

Béatrice Abollivier, préfète
• Motion prise à Ruffec : « Vous pouvez apporter des amendements à cette motion et nous les transmettre » a proposé Dominique Bussereau à l’opposition.
Extraits de la motion actuelle : « Les élus des trois Départements, Charente-Maritime, Charente et Vienne, réunis à Ruffec, pour une assemblée extraordinaire affirment leur volonté de voir aboutir une réforme territoriale cohérente et de nature à bénéficier tant aux territoires, qu'à leurs habitants, regrettent profondément de n'avoir, à aucun moment, été consultés en amont des annonces de l'Etat, s'interrogent sur les méthodes employées et les critères retenus pour aboutir à la décision d'un rapprochement des régions Centre, Limousin et Poitou-Charentes, rappellent leur souhait d’éviter toute scission du Poitou-Charentes, réitèrent avec force leur profonde volonté d'opérer la fusion des régions Poitou-Charentes et Aquitaine, souhait qui semble par ailleurs recueillir un large assentiment parmi les populations concernées, soulignent la pertinence de ce rapprochement dans la mesure où les territoires picto-charentais, dans leur grande majorité, se tournent naturellement vers leurs voisins Aquitains et partagent des liens évidents qui justifient leur union, exigent que leurs voix d'élus de proximité, attentifs aux besoins de leurs territoires et aux attentes de leurs concitoyens, soient entendues au plus haut niveau de l'Etat, s'opposent fermement à la décision unilatérale d'un projet de mariage entre les Régions Centre, Poitou-Charentes et Limousin et se positionnent en faveur d'une grande et ambitieuse Région Sud-Ouest qui unirait le Poitou-Charentes et le Limousin, si telle est sa volonté, à l'Aquitaine ».


•  Nouveaux cantons : une mise en œuvre éphémère ? 
Courrier adressé au Premier ministre, Manuel Valls 

Dominique Bussereau a adressé un courrier à Manuel Valls au sujet de la nouvelle carte cantonale dont les contours ont suscité de vives réactions dans le département. Des recours ont été déposés. Programmée pour 2016, la suppression des départements est annoncée pour 2020. La date des élections s’en trouve chamboulée : les cantonales et les régionales, prévues pour mars 2015, seront reportées en décembre de cette même année. Le nombre de régions sera alors passé de 22 à 14 et la majorité des compétences des départements aura été transférée aux régions et aux intercommunalités. D’où la réaction de Dominique Bussereau : « dans la mesure où le département sera appelé à s’impliquer financièrement de 2015 à mars 2020, soit plus de quatre ans, il devra assumer la charge d’élus plus nombreux, ainsi que la signalétique sur les bâtiments publics, les documents, les déplacements du binôme homme/femme ».
Se basant sur le principe qu’il appartient « à tout intéressé de demander à l’autorité compétente de procéder à l’abrogation d’une décision illégale non réglementaire qui n’a pas créé de droits si cette décision est devenue illégale à la suite de changements dans les circonstances de droit ou de fait postérieurs à son édition », il demande l’abrogation du décret 2014-269 du février 2014 portant sur la délimitation des cantons. Il estime en effet que la mise en œuvre éphémère des nouveaux cantons entraînera un gâchis d’argent public. 

 • Denis Leroy regrette que la Charente-Maritime ne soit pas présente au salon de l’habitat futur à Versailles auquel participe l’université de La Rochelle. Idem pour la remise du label du marais poitevin qui s’est déroulée la semaine dernière.

• Claude Belot, sénateur maire de Jonzac, l’a dit récemment : il verrait bien la capitale de la nouvelle région, baptisée Centralia, près de Romorantin (l’une des rares communes de France à posséder une salle des fêtes en forme de pyramide !) tandis que Dominique Bussereau penche pour un charmant village, connu pour sa foire aux bestiaux, Coulonges-les-Hérolles .

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