Après plus de trente ans passés à La Haute Saintonge, journal qu’elle a contribué à valoriser aux côtés de Bernard Lévêque, Nicole Bertin a choisi d’entrer dans la vie publique en se présentant aux élections municipales 2014 de Jonzac. Elle répond à nos questions :
• Nicole Bertin, vous venez de quitter l’hebdomadaire La Haute Saintonge pour lequel vous avez sillonné notre département de la Charente-Maritime pendant près de trente ans. Faisons d’abord le point sur cette époque ?
L’histoire de la Haute Saintonge est ancienne. Ce journal est l’héritage de titres qui existaient depuis le XIXe siècle sur la région de Jonzac. Gaston Lévêque, propriétaire d‘une imprimerie importante, y éditait « Le courrier de Jonzac » qui était distribué en fin de semaine. Le dimanche, les habitants l’achetaient à la sortie de la messe, dit-on !
Par la suite, son fils Pierre a changé le titre de la publication qui est devenue « La voix jonzacaise ». C’était juste après la Seconde Guerre mondiale. A son tour, son deuxième fils Bernard a eu la vocation. En 1973, il a repris le flambeau. Fourmillant d’idées, il souhaitait donner un essor nouveau au journal qui n’avait à l’époque que quatre pages. Il a porté La Haute Saintonge sur les fonts baptismaux. Nous avons commencé à travailler ensemble en 1979. Cette aventure de presse locale était passionnante.
A cette occasion, j’ai découvert le monde particulier et attachant de l’imprimerie qui était en pleine évolution technologique. On tournait la page Gutenberg ! En quelques années, nous étions passés du marbre avec des textes composés, lettre par lettre, par un professionnel, à la linotype - lignes en plomb solidifié - puis aux photocomposeuses sans mémoire pour aboutir à l’ordinateur triomphant, des Macintosh en l’occurrence, dans les années 85. Merci Steve Jobs, vous nous avez simplifiés la vie !
Notre objectif était de proposer une vingtaine de pages traitant de l’actualité sur six cantons du Sud Saintonge. Nous étions deux journalistes, Bernard Lévêque et moi-même et avions un concurrent de taille Saintonge Hebdo, dirigé par Serge Cecarello. Il avait l’avantage d’avoir des appuis à la mairie de Jonzac que nous, nous n’avions pas ! Certains pensaient que nous serions incapables de relever le défi. La Haute Saintonge devait disparaître : avoir deux hebdomadaires sur le même territoire semblait faire double emploi. J’ai souvent douté de notre réussite. Puis nous avons eu la grâce ! Pendant dix ans, nous avons travaillé comme des fous, ne ratant aucune manifestation. Nous avions la foi et la jeunesse qui soulèvent les montagnes. Nous avions envie de prouver qu’on pouvait avoir une écriture libre pour combattre les idées toutes faites. Cela nous a demandé beaucoup d’investissements personnels, y compris physiques. Le referions-nous aujourd’hui avec autant d’optimisme et de conviction ? Pourquoi pas ?
Faute de moyens financiers suffisants, la Haute-Saintonge est entrée dans le groupe Sud-Ouest. Elle partage aujourd’hui le destin de ce groupe de presse.
Etre journaliste donne la mémoire des hommes. On se souvient de leurs propos, de leurs discours, de leurs prises de position. A La Haute Saintonge, nous consultions souvent nos collections de journaux pour vérifier telle ou telle déclaration. Quand il a pris sa retraite en 2012, Bernard Lévêque en a versé une bonne partie aux Archives départementales.
Le temps, effectivement, offre le recul nécessaire. Il est simple de voir quand un élu change de cap en vérifiant si les projets se concrétisent ou s’ils passent à la trappe. Certains aboutissent et c’est tant mieux. D’autres, qui avaient fait rêver, restent dans les tiroirs. Les électeurs ne sont pas rancuniers.
A Saintes par exemple, si l’on ne connait pas l’histoire des relations entre les hommes et les femmes politiques, on ne peut pas comprendre pourquoi, après le départ de Michel Baron, maire durant de nombreuses années, la gauche s’est divisée pour permettre l’élection de Bernadette Schmitt au détriment de Jean Rouger. Aujourd’hui, on peut constater que le fils de Michel Baron se présente sur la liste d‘Isabelle Pichard qui a eu l’investiture du Parti socialiste contre le maire sortant Jean Rouger, lui-même radié du PS. Il y a ainsi des rancunes tenaces.
Il est certain que les cercles philosophiques sont très souvent à la manœuvre. C’est ce qui doit expliquer l’élection à la présidence du Conseil général de Claude Belot à un moment donné alors qu’arithmétiquement, la majorité départementale aurait dû basculer à gauche. On sait également qu’une sorte de traité virtuel a longtemps laissé à Michel Crépeau La Rochelle et l’Aunis tandis que la Saintonge devait être sous l’influence de Jean-Noël de Lipowski (RPR) et Claude Belot (alors Radical Valoisien). Aujourd’hui, on peut constater qu’en Haute Saintonge, le pouvoir se partage entre Dominique Bussereau (UMP), Claude Belot (UMP), Bernard Lalande, maire socialiste de Montendre et Daniel Laurent (UMP), sénateur maire de Pons.
Vous me parlez du regard que je porte sur les hommes politiques. La plupart d’entre eux sont attentifs et accessibles. Parfois, l’âge avançant et les mandats s’accumulant, quelques-uns sont moins enclins à partager le quotidien des habitants. Même justifiée, la moindre remarque sur leurs attitudes constitue à leurs yeux une agression et le pauvre journaliste, qui ne fait que rapporter les faits, passe alors pour un opposant politique ! Avec les lois de décentralisation, de nouvelles féodalités se sont constituées. Dès lors, certains élus, ayant fait de la politique un métier, s’intéressent davantage à leur carrière qu’aux préoccupations de leurs concitoyens. « C’est le grand théâtre du monde » écrivent les observateurs.
• Pourquoi avez-vous mis fin à votre carrière à La Haute Saintonge pour vous présenter aux élections municipales de Jonzac en numéro deux sur la liste de Jack Ros ?
Comme tous les hebdomadaires, surtout quand la presse est en crise, le journal La Haute Saintonge a besoin d’annonceurs et de publicité. Mes prises de position et une certaine indépendance d’esprit, héritée de l’époque de Bernard Lévêque, ont déplu et d’un commun accord avec le groupe Sud-Ouest, j’ai préféré reprendre ma liberté. Je poursuis mes activités de journaliste en animant mon blog d’actualités (nicolebertin.blogspot.com). Je compte mener à bien d'autres projets.
Par ailleurs depuis plusieurs années, je souhaitais m’engager dans l’action publique, c’est pourquoi j’ai rejoint la liste d’ouverture aux élections municipales constituée par Jack Ros. J’ai été élue dimanche dernier (23 mars 2014) avec Jack Ros et Gilles Clavel. Les valeurs qui me semblent importantes à défendre sont celles de l’authenticité, de la fraternité et de l’honnêteté intellectuelle. C’est une expérience nouvelle et forte. Défendre nos idées, surtout quand on est dans l’opposition, c’est imaginer le XXIe siècle, faire vivre les grandes valeurs de liberté, d’humanisme et de tolérance qui permettent à la société de bien vivre ensemble et d’évoluer : le programme est vaste et doit être ambitieux.
Nous sommes tous les passagers du temps. Faisons en sorte que le voyage soit agréable ! « La politique est l’art de gouverner pour le bonheur », disait Aristote. Illusion ou réalité, l’avenir nous le dira…
Propos recueillis par Didier Catineau
Installation du conseil municipal de Jonzac vendredi 28 mars. La première signature officielle sur le registre ! (photo DR) |
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