Pages

samedi 5 octobre 2013

En Thaïlande, un nouveau primate anthropoïde daté entre 35 et 34 millions d'années


Université de Poitiers   

Des découvertes paléontologiques attestent d'une origine asiatique, et non africaine comme longtemps envisagé, des primates anthropoïdes (humains, grands singes et singes). 

La connaissance de l'histoire précoce des primates anthropoïdes en Asie est malheureusement très fragmentaire du fait de la rareté de ce groupe dans le registre fossile. Des chercheurs de l'Institut de Paléoprimatologie, paléontologie humaine, évolution et paléoenvironnements (CNRS - Université de Poitiers) ont découvert en Thaïlande un nouveau primate anthropoïde daté entre 35 et 34 millions d'années. Ce primate témoigne d'une diversité importante et d'une grande variété d'écologies au sein des anthropoïdes asiatiques à cette époque. Ces résultats ont été publiés dans la revue Proceedings of the Royal Society B-Biological Sciences le 2 octobre 2013.  

La lignée humaine a émergé au sein d'un vaste groupe de primates, les anthropoïdes, incluant les grands singes et les singes. Ce groupe comprend de nombreuses espèces (298 espèces) et il est écologiquement très diversifié, du minuscule ouistiti mangeur d'insectes et de gomme jusqu'au gorille folivore.
Longtemps considérée comme africaine, l'origine des anthropoïdes est désormais interprétée comme asiatique suite à des découvertes en Chine, au Myanmar (ex-Birmanie), en Thaïlande et au Pakistan.

Ces découvertes comprennent notamment les représentants les plus anciens et les plus « primitifs » du groupe. L'histoire évolutive des primates anthropoïdes asiatiques reste toutefois très mal connue du fait de la rareté des découvertes, ouvrant quelques rares fenêtres géographique et temporelle.
Dans ce contexte, chaque nouveau fossile peut donc apporter des éléments de réponse. Ainsi, Afrasia, publié l'an dernier, témoignait pour la première fois d'un épisode de dispersion vers l'Afrique d'anthropoïdes asiatiques, il y a 40 millions d'années.  

Photographie de la mine de Krabi montrant le niveau de lignite où a été découvert Krabia. 
Crédit photo : Yaowalak Chaimanee (iPHEP).    
 
Le nouveau primate anthropoïde a été découvert dans la mine de lignite de Krabi en Thaïlande péninsulaire. Le site de Krabi, daté de la fin de l'Eocène (il y a 35 à 34 millions d'années), a livré depuis le début des années 1990 une très riche faune de mammifères comprenant 6 espèces de primates, ce qui en fait une localité de référence en Asie.
Le nouveau fossile d'anthropoïde est un fragment de maxillaire portant 5 dents. Sa taille et la morphologie de ses dents le distinguent des autres anthropoïdes asiatiques et, en particulier, du seul anthropoïde connu jusqu'alors à Krabi, Siamopithecus.
Ce nouvel anthropoïde a été baptisé Krabia minuta en raison de la petite taille de l'espèce déduite des dimensions millimétriques de ses dents. La masse corporelle estimée par la taille des dents est en effet de 230 grammes environ.
La découverte de Krabia dans un site pourtant intensément fouillé depuis plus de vingt ans illustre une biodiversité passée des primates anthropoïdes asiatiques encore insoupçonnée. De plus, l'analyse de la morphologie dentaire de Krabia révèle des adaptations morphologiques uniques au sein des anthropoïdes de cette époque, telles que des molaires avec des tubercules très arrondis et bas.

 Photographie du maxillaire de Krabia. La barre d'échelle mesure 1 mm. Crédit photo: Yaowalak Chaimanee (iPHEP).   
Cette morphologie dentaire, dépourvue de structures permettant de couper, cisailler ou percer les aliments, exclut que Krabia ait été un primate folivore ou insectivore. Elle est en revanche vraisemblablement indicatrice d'un régime alimentaire frugivore ou gommivore bien que la consommation d'objets durs tels que des graines ne puisse être écartée pour le moment.
Cette gamme de régimes alimentaires est en accord avec les données sur le métabolisme des primates actuels qui indiquent que les espèces dont la masse est inférieure à 500 grammes ne peuvent être folivores.
La découverte de Krabia indique donc que dès l'Éocène, les anthropoïdes formaient en Asie un vaste groupe écologiquement diversifié. Au lieu d'une lente et progressive diversification, l'histoire du groupe a été vraisemblablement très complexe et pleine de rebondissements.  
   

Bibliographie : A new Late Eocene primate from Krabi basin (Thailand) and the diversity of Paleogene anthropoids in Southeast Asia. Chaimanee Yaowalak, Chavasseau Olivier, Lazzari Vincent, Euriat Adélaïde, Jaeger Jean-Jacques. Proceedings of the Royal Society B-Biological Sciences. 2 octobre 2013. DOI: 10.1098/rspb.2013.2268.    

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire