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dimanche 29 septembre 2013

Michael Lonsdale :
«je suis l'un des rares comédiens
à avoir embrassé Sean Connery
sur la bouche !»


Michael Lonsdale était à Jonzac samedi dernier où il animait un spectacle champêtre avec ses amis Monique et Philippe Scheyder, pianiste. En toile de fond, un bel hommage à la nature et à la rose, avec ou sans épines, fleur qui a inspiré des écrivains célèbres dont « Mignonne, allons voir si la rose » de Pierre de Ronsard. 


Avoir devant soi Michaël Lonsdale n’est pas coutume. Ce grand comédien, resté simple et accessible, a reçu en février  2011 le premier César de sa carrière en tant que meilleur second rôle masculin pour « Des hommes et des dieux ».
Il pose sur l’existence un regard doux et profond qu’accompagne une voix posée, volontaire ou interrogative. Sa chevelure longue et grisonnante le rend intemporel.
Michaël Lonsdale est unique par sa démarche artistique, ses engagements personnels, son talent et cette volonté d’avancer en cherchant la lumière. La flamme ne doit jamais s’éteindre ! Homme de parole et d’expression, la liste des films dans lesquels il a tourné est impressionnante, sans compter les pièces de théâtre et autres activités dont l’écriture.
Nombreux se souviennent de sa prestation dans un James Bond « Moonraker » où il jouait le rôle du méchant ou dans « Le nom de la rose » de Jean-Jacques Annaud. Il y incarnait Messer l’Abbé aux côtés d’un Sean Connery portant les habits de Guillaume de Baskerville.
Que de chemin parcouru depuis les deux rôles que lui avait offerts, à ses débuts, François Truffaut dans « La mariée était en noir » et « Baisers volés » où il s’est fait un nom au cinéma. Il tourne actuellement dans le Berry.



Michaël Lonsdale, quand est née l’envie de devenir comédien ? 

Je suis né à Paris d’une mère française et d’un père anglais, officier dans l’Armée. Peu après ma naissance, nous sommes partis nous installer à Londres avant de rejoindre le Maroc durant l’été 1939. Avec la déclaration de la guerre, nous ne pouvions pas rentrer en Angleterre. Nous sommes restés dix ans au Maroc. Les alliés y ont débarqué en 1942. Nous avions le cœur qui battait. C’était la folie jour et nuit, les soldats arrivaient de tout l’Empire britannique. Ils nous donnaient du chocolat. Comme je parlais anglais, je pouvais communiquer avec eux. Un jour, les G.I. m’avaient fait boire de la bière et je suis rentré en zigzaguant. Ma mère était furieuse ! 
À cette époque, j’allais souvent au cinéma et c’est ainsi qui j’ai découvert les films de John Ford. C’est sans doute là qu’est née la vocation. Les enfants ont besoin qu’on leur raconte des histoires, les adultes aussi finalement !
Je suis revenu en France en 1947. Il y avait encore des cartes alimentaires. À Paris, j’étais un peu terrorisé, je m’y sentais seul. J’ai eu envie de devenir comédien.
Après un premier essai qui ne m’avait pas donné satisfaction, j’ai suivi le cours de théâtre de Tania Balachova où l’on pouvait croiser Laurent Terzieff ou Delphine Seyrig. En deux ans, j’ai tout appris avec elle et surtout, j’ai réussi à vaincre ma timidité en jouant des rôles plus corsés.
Un jour, Tania m’a demandé d’incarner un personnage violent, ce qui n’est pas du tout dans mon caractère. En sortant de mes gonds, c’est-à-dire en me faisant comprendre que je ne pouvais pas me cantonner au rôle du gentil, elle m’a rendu service ! Il y a une phrase que j’ai retenue : « Au théâtre, vous pourrez faire au public des confidences que vous ne dites à personne ». 

Quand avez-vous reçu l’appel de la foi ? 

Je n’ai pas été assommé par la foi, comme certaines personnes ont pu l’être. Elle est venue par touches délicates, discrètement. Enfant, je me souviens que ma mère m’avait acheté le livre « The life of Jesus ». Dans les musées de Londres, après la guerre, j’ai découvert des chefs d’œuvre de Léonard de Vinci, Bellini. L’émotion était grande.
Quand j’étais enfant, j’accompagnais ma mère à la messe et j’y manifestais une curiosité réelle. Ainsi, quand j’entendais Alleluia, je m’interrogeais de savoir qui était Luia. Le prêtre était consterné ! Plus tard, à Paris, j’ai visité les ateliers d’art sacré place Furstemberg où se trouvait l’école du peintre Maurice Denis. Un soir, un Dominicain a parlé de l’art et de foi tels que je les ressentais. Il s’agissait du Père Regamey, grand spécialiste de l’art religieux. Nous avons longuement échangé bien que j’ai eu du mal à exprimer mes sentiments par de simples mots. « Si ta quête est la vérité, la pureté et la beauté, c’est sans doute Dieu que tu cherches » me dit-il.
Par la suite, j’ai eu un cadeau du ciel : Un dimanche, l’une de mes tantes m’avait emmené à l’office de l’église Saint-Séverin. En sortant, il pleuvait tant que les fidèles étaient massés sur le parvis. Parmi eux, Il y avait une femme aveugle, épouse d’un officier de marine, que ma tante m’a présentée. Il fut convenu que je lui rendrais visite. Ce jour-là, ce fut l’enchantement. Elle était joyeuse, souriante.  Comme elle adorait marcher dans Paris, je lui ai servi de « cavalier » à travers les rues. Elle me racontait ce qui était à ma portée. Parfois, elle employait des mots que je ne connaissais pas. J’étais sous le charme.
À 22 ans, j’ai demandé à être baptisé dans la foi catholique. À une époque, j’ai pensé entrer dans les ordres, puis j’ai abandonné cette idée. J’ai trop besoin de l’expression artistique !

Votre carrière est vaste. Il est difficile de ne pas évoquer le tournage du ‘‘Nom de la rose’’ avec Sean Connery ! 

De très beaux moments ! Tous les extérieurs ont été tournés à Rome. Le monastère où se déroule l’intrigue se trouve en Allemagne. Depuis, cet édifice est devenu un centre viticole. Les décors inté-rieurs, dont le dédale des escaliers, ont été entièrement créés sur un terrain vague à côté des studios de Cinecitta. Durant l’incendie, trois camions de pompiers étaient présents pour veiller au grain avec leurs lances. Sur le plateau, c’était la grande émotion avec trois caméras, l’une au milieu, les deux autres à droite et à gauche. C’est ainsi que nous avons sur la pellicule vingt minutes d’un brasier inoubliable. Dans ce film, j’incarnais Messer l’Abbé.

Dans ce rôle précisément, vous êtes face à l’Inquisition qu’incarne Bernardo Gui… 

Je suis contre l’Inquisition. C’est une erreur de l’église, elle n’avait pas à torturer les gens, soit disant parce qu’il y avait le démon. Je le regrette d’autant plus que ce sont les Dominicains qui l’ont surtout pratiquée.

Que pensez-vous du célèbre Sean Connery ? 

Sean est merveilleusement simple. Il connaissait le nom de tout le monde et n’hésitait pas à se joindre à nous le soir pour boire un verre à l’hôtel après le tournage. C’était la première fois que je tournais avec lui et je dois être l’un des rares comédiens - en général, ce sont surtout de belles actrices - à l’avoir embrassé sur la bouche comme c’était la coutume à l’époque chez les moines ! Trois prises ont eu lieu. Lui est Ecossais et moi à moitié Anglais. « It’s a game » comme disent les Anglo-saxons. Les hommes politiques russes font d’ailleurs la même chose ! 
Ce film a été un grand moment pour moi. J’étais un peu ennuyé parce que Jean-Jacques Annaud voulait que tous les moines soient des monstres. Certains ont des allures inquiétantes, en effet.

Dans « Des hommes et des dieux », vous êtes toujours dans le même registre, celui de l’intolérance religieuse… 

L’un des grands films de ma carrière est précisément celui-ci avec India Song, réalisé par Marguerite Duras. Dans « Des hommes et des dieux » de Xavier Beauvois vu par trois millions de spectateurs, j’incarne le frère Luc qui n’a jamais osé être prêtre. Médecin, il est dans son officine tous les jours du matin au soir et n’assiste pas aux offices. Le souvenir le plus terrible que je garde du tournage est bien sûr l’assassinat des membres de la communauté. J’ai pu improviser deux fois, dont la petite scène avec l’Algérienne qui vient me demander « qu’est-ce que c’est l’amour ? ». 

Vous rendez hommage à des femmes exceptionnelles. Quelles sont celles qui vous ont le plus marqué ? 

Sœur Emmanuelle a découvert les bidonvilles du Caire à 62 ans. Les chiffonniers y croupissaient dans les ordures et se nourrissaient de vieilles tomates pourries. En véritable pèlerin, elle est partie en Europe chercher des fonds pour aider les pauvres.
Un jour, Robert Hossein l’a emmenée au restaurant, chez Lasserre à Paris. Elle a accepté car elle avait un plan : « Tous ces gens ont beaucoup d’argent » dit-elle à Robert. Elle est allée de table en table demander une aide pour son œuvre. Les gens l’ont écoutée avec attention, ce n’était pas quelqu’un d’ordinaire. Savez-vous qu’elle écrivait de merveilleux poèmes ? Je l’ai rencontrée plusieurs fois. Pour mener à bien ses projets, elle disait qu’on devait la reconnaître, c’est pourquoi elle n’hésitait pas à apparaître sur la scène médiatique. Sa vocation était sublime. Elle a sauvé des milliers de vies, des enfants en particulier.
Sainte Thérèse de Lisieux était envahie par l’esprit. Elle voulait entrer au Carmel dès l’âge de 14 ans. Or, l’âge légal était de 15 ans. Elle s’est rendue à Rome avec son père pour y rencontrer le Pape. Elle a finalement concrétisé son vœu. Elle est morte à l’âge de 24 ans, submergée par la grâce. Il y a aussi des hommes, bien sûr.
Comment de ne pas citer l’abbé Pierre qui lança le fameux appel en faveur des sans logis en février 1954 et créa le mouvement d’Emmaüs ? J’ai travaillé avec lui pendant six mois dans « Le bal des Exclus » où je jouais Momo, un prêtre dont plus personne ne voulait avant qu’un abbé ne lui ouvre sa porte. S’y ajoute le grand Saint-François d’Assise qu’il n’est pas besoin de présenter.

L’écriture fait également partie de votre vie ? 

J’ai publié quatre livres qui sont des interviews - Oraisons chez Actes Sud, visites aux éditions Pauvert, Confiance et La prière, entre-tiens avec Jacques Bonnadier - ainsi que des ouvrages illustrés sur les œuvres qui m’ont le plus touché en peinture et sur l’amour du monde aux éditions Philippe Rey.

Reportage/photos Nicole Bertin

Michael Lonsdale et Philippe Scheyder  répondent aux questions du public samedi au théâtre du château


Philippe, Monique Scheyder et Michael Lonsdale rendent hommage à la rose
•  Le spectacle « La nature et la biodiversité » est parrainé par l’astrophysicien Hubert Reeves et Jean-Marie Pelt, botaniste. Philippe Scheyder est au piano, son épouse Monique et Michael Lonsdale lisent une sélection de textes poétiques. Musique et littérature se mêlent pour adresser le plus joli des compliments à la nature. Parmi la sélection d’écrivains, George Sand a vivement défendu l’environnement, s’indignant des actions de morcellement menées en forêt de Fontainebleau. Dans ce domaine, elle est proche du message lancé par Pierre Loti en faveur du domaine de la Roche Courbon. Le texte dédié à Honoré d’Estienne d’Orves et à son ami, morts au Mont Valérien, est également très beau. Servons avec grande humilité le monde, frère Soleil !

Au théâtre du château, le public séduit par le spectacle "la rose et la biodiversité"

• Avant Jonzac, Michaël Lonsdale a animé une soirée sur Sainte-Thérèse de Lisieux chez les Carmélites de Cognac. Le 16 novembre à 20 h 30, il sera en l’église d’Expiremont, près de Montendre avec Monique et Philippe Scheyder. Au programme, Léonard de Vinci et la nature. Réservez très vite votre place auprès de Jean-François Blier au 05 46 86 11 97.

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