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jeudi 27 décembre 2012

Histoire : Quand les Anglais
occupaient l’ancien château
de Jonzac


Le château de Jonzac, qui trône fièrement sur son roc, ne serait pas le premier « castel » de la ville. Marc Seguin, en véritable commissaire historique, a mené une enquête sur le sujet. Un château-fort, qui a appartenu à Arnaud de Sainte Maure, s’élevait non loin de la Seugne. Il a été ruiné par la Guerre de Cent Ans.

L'actuel château de Jonzac

C’est aux Archives que Marc Seguin, spécialiste du XVIe siècle, a fait une découverte qui bouleverse les historiques habituels de la ville de Jonzac. En effet, dans tout livre qui se respecte, à commencer par Rainguet, on peut y lire que le château actuel est planté sur son rocher depuis des temps immémoriaux. Cette certitude est en train de vaciller puisqu’il avait un prédécesseur situé en contrebas !

Une faible distance sépare les deux emplacements. Vers ce que l’on appelle le chemin de ronde, une étude des lieux conforte cette hypothèse. Dans un acte établi entre les frères Pineau en février 1559, une mention a suscité l’intérêt de Marc Seguin. Une maison, sise dans le bourg de Jonzac, près de la halle (là où se trouvent les tilleuls d’Italie), aurait été proche du « vieux château de Jonzac », autrement dit d’un édifice médiéval qui devait être en piteux état.

Devant un nombreux public réuni au cloître des Carmes, Marc Seguin a livré le fruit de ses recherches. Qu’un ancien château ait existé aux XIVe et XVe siècles est une évidence ! Il en reste des témoignages dans la pierre (base de tour, meurtrières, archères dans les galeries noires) et que dire des corbeaux qui soutenaient le chemin de ronde situé face à la Seugne. Rivière d’où pouvaient surgir des assaillants. A cette époque, les maisons compactes devaient constituer une sorte de muraille. Quant au « promontoire » où se trouve le château actuel, peut-être y avait-on installé une tour de guet pour observer la plaine ? 

L’acte des frères Pineau, dont l’un est « un notaire royal dans le bourg de Jonzac » et l’autre « bourgeois et marchand de Bordeaux » est révélateur. Jean cède à Guillaume une habitation sise dans le bourg, « confrontant d’un côté la maison de Sébastien Grollon, marchand, de l’autre la maison de Françoise de la Couture, veuve de feu Jehan Le Blanc, et d’un bout à la grande halle, le chemin d’entre deux, et de l’autre bout aux douves du vieux château de Jonzac ». Une partie du castel correspond à l’actuel immeuble de la famille Dufour.

Le vieux château se trouvait probablement vers la maison de la famille Dufour, dont l'habitation possède les bases d’un tour, des caves et des souterrains. Sur les façades des maisons environnantes, on remarque la présence de corbeaux qui devaient soutenir l’ancien chemin de ronde. Situé au sol, l’actuel chemin de ronde n’aurait pas eu un rôle défensif.

 

Dans tout ce périmètre, les caves laissent apparaître de nombreux témoignages du passé, ouvertures, portes cloutées. « Au XVIe siècle, si l’on éprouve le besoin d’évoquer le vieux château, c’est par opposition à un nouveau, celui que nous avons sous les yeux » souligne Marc Seguin. « La maison dont il est question, comme ses voisines, était vraisemblablement construites sur les fondations et les caves de vieux château. Il devait occuper l’espace aujourd’hui couvert par les immeubles du n° 26 au n° 37 ». On peut en conclure que dans la seconde moitié du XVIe, les habitants apercevaient encore les vestiges d’une forteresse qui devait leur servir de carrière.

Dans quel état se trouvait Jonzac un siècle plus tôt ? Dans « ses études historiques sur l’arrondissement de Jonzac » parues en 1864, Pierre Damien Rainguet prétend qu’au XVe, Jonzac était « un poste militaire rendu fameux par la nature et par l’art ». Marc Seguin ne partage cette analyse : « au contraire, démoli et ruiné, le village ne présentait aucun intérêt stratégique ». D’ailleurs, le lieu aurait été à peu près désert à la fin de la Guerre de Cent Ans…

L'actuel chemin de ronde

Le seigneur de Jonzac, prisonnier des Anglais

Pour arriver à cette conclusion, l’orateur se base sur des documents. Dans la première moitié du XVe siècle, l’ancien château dont il est question appartient à Arnaud de Sainte Maure, seigneur de Jonzac, Montauzier et Chaux. Courageux, il combat l’Anglais qu’il faut bouter hors de France. Mal lui en prend : les soldats d’Henri Plantagenêt (le second mari d’Aliénor d’Aquitaine) le capturent et lui confisquent ses biens. Fait deux fois prisonnier, il passe plus de dix ans en captivité. Enfin libre, il préfère se réfugier derrière les solides murailles de la ville de Pons !
Dans ces conditions, privé de propriétaire, le château-fort de Jonzac est abandonné. Interrogés en 1460, lors d’un procès qui oppose le puissant seigneur d’Archiac à celui de Jonzac, des paysans reconnaissent, comme le laboureur Penot Seguin de Neulles ou Marion Delagarde de Réaux, que la châtellenie de Jonzac est déserte et inhabitée. « Si l’on récapitule, le château-fort a donc été détruit une première fois, réparé, repris et occupé par une garnison anglaise, puis démoli par ces derniers » explique M. Seguin. Autre épreuve pour Arnaud de Sainte Maure, le seigneur d’Archiac a profité de son absence pour s’approprier ses terres, à Neulles notamment. Les habitants, qui n’apprécient guère, demandent l’intervention de leur protecteur. Malheureusement, il est mal placé pour leur porter secours…

Plus on descend vers le Sud Saintonge, plus les paroisses sont vides. Ainsi, à Mérignac, « il n’y a aucun labourage, seulement des bois et des buissons ». En remontant vers le Nord, par contre, l’activité est plus dense. Toutefois, il ne faut pas être défaitiste. « Une ou deux générations ont su d’adapter, les laboureurs disposent de nombreuses terres à cultiver, moyennant redevance » déclare le conférencier. L’élevage se porte bien, cochons, vaches dans les landes. Les hommes, arbalète à la main, passent leur temps à chasser. Le seigneur fait alors valoir son droit de quartier, c’est-à-dire qu’on lui remet un quartier arrière du cerf qui a été abattu.

Le château que nous connaissons, qui abrite mairie et sous-préfecture, a été construit vers 1470 par Renaud de Sainte-Maure, fils du malheureux Arnaud. « Le nouveau château de Jonzac est le résultat d’une véritable résurrection » estime Marc Seguin. En effet, après la guerre interminable qui opposa les Français aux Anglais (1337-1453), les territoires reprennent de la vigueur. A Jonzac, les Sainte Maure et leurs officiers réussissent un exploit, celui d’attirer du sang neuf dans le bourg.
Au XVIe siècle en effet, Jonzac est devenu « un bourg populeux »…


A gauche, le conférencier Marc Seguin aux côtés de MM. Arrivé et Gautret
• La Seugne ne s’est jamais appelée Sévigne !
Marc Seguin fustige Rainguet qui a baptisé la Seugne « Sévigne ». Question de lecture des documents anciens que Rainguet, malgré ses qualités, ne maîtrisait pas, semble-t-il.

• Texte de la conférence
publié dans la revue de l’Aunis et de la Saintonge, tome XXXVII (2011).

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