Jean-Yves Grenon, ancien ambassadeur du Canada marié à une Jonzacaise, est passionné par ce personnage. Il l’a réhabilité dans l’histoire en rétablissant la vérité : « On parle toujours de Champlain, fondateur du Québec en 1 608. C’est erroné et injuste. Sans Dugua de Mons, cette entreprise française audacieuse en Amérique n’aurait jamais abouti ».
Et d’expliquer : « Contrairement à une croyance répandue, Samuel Champlain était le mandataire de Pierre Dugua de Mons. Lieutenant général de la Nouvelle France de 1603 à 1612, il lui délégua sa lieutenance et lui procura les moyens politiques, matériels et financiers, nécessaires à la réussite de la lointaine et audacieuse entreprise française en Amérique. Auparavant, Champlain avait accompagné Dugua de Mons en Acadie à titre de cartographe de l’expédition. Tous deux étaient désireux de donner des territoires nouveaux à la France et de constituer un empire ».
Le regretté Jean Glénisson, Marie-Claude Bouchet et Jean-Yves Grenon devant la maquette de l'habitation de Champlain en Nouvelle France (musée de Royan)
« Honnête, aimable et persévérant » : C’est ainsi que ses amis décrivent Pierre Dugua. Il naît en 1 560 à Royan, au château de Mons, dans une famille noble qui possédait jadis le fief « des Châtelars » près de Meursac. Gentilhomme huguenot, sa jeunesse est mouvementée. Après la mort d’Henri III, il sert la cause d’Henri IV et participe à de nombreux combats. Lorsque la paix revient, il est récompensé et obtient le titre de « gentilhomme ordinaire à la Cour du Roi ».En 1596, il épouse une jeune fille catholique, Judith Chesnel de la Seigneurie de Meux, près de Jonzac. Elle lui apporte une belle dot de 25 000 livres. Cette « manne » va lui permettre de réaliser ses projets. Doté d’une âme d’aventurier, il rêve de découvrir des endroits inconnus, alors que la plupart de Grands du royaume cultivent « leur vaine et lourde paresse ». Dans le domaine maritime, les Français n’ont jamais égalé les Portugais !
Le Nouveau Monde l’attire. Au début du XVIIe siècle, le Roi le nomme lieutenant général en les « terres neuves » d’Amérique. Un bien beau grade pour une réalité à construire !
Le commerce des fourrures
Il effectue un premier voyage à Tadoussac, à l’embouchure du fleuve Saint-Laurent, en compagnie de Pierre Chauvin, un riche bourgeois d’Honfleur. Il fonde l’Acadie à l’île Ste-Croix, puis Port Royal en 1 605. L’un des objectifs de cette colonisation est d’étendre la foi chrétienne aux populations indigènes. Mais, à l’aspect purement spirituel, s’ajoute le monde des affaires. Pour couvrir ses frais, le sieur de Mons reçoit le monopole, pour une durée de dix ans, du trafic de « pelleteries et autres choses avec les habitants des dites terres ».
Le voici négociant en fourrures, chargé de fonder une colonie française permanente en Amérique du Nord. But ô combien exaltant ! Toutefois, la dureté du climat, ajoutée à une rivalité avec les autres marchands, ne simplifie guère une situation déjà compliquée. Conséquence, Sully lui fait perdre le monopole des peaux…
Il rentre en France
Nullement découragé, il sollicite le Roi afin de créer une nouvelle colonie à l’intérieur du Saint-Laurent, suivant les conseils de son jeune ami Samuel Champlain. L’intéressé l’écoute et lui donne carte blanche.
Deux navires sont armés, des colons volontaires recrutés : l’ensemble dépend d’une nouvelle compagnie commerciale soutenue par deux financiers de La Rochelle. Champlain dispose de tous les moyens (bateaux, hommes, argent) pour mener à bien ce projet commun.
Dugua, quant à lui, reste en France. Plus apte à veiller aux coups bas, il protège les intérêts de l’expédition.
Dans la réalité, Dugua et Champlain ne s’abandonneront jamais. En 1609, quand la colonie est victime de la maladie, Dugua envoie sur place de nouveaux colons. D’autre part, il plaide la cause de Champlain auprès de Louis XIII qui, plus tard, fondera Québec.
En 1610, Dugua de Mons devient gouverneur de Pons. Il trouve la mort le 22 février 1628 au château d’Ardennes, sa propriété de Fléac. Il est inhumé sous un if immense, planté devant la demeure. « Si c’est dans l’adversité qu’on reconnaît les grands hommes de l’histoire, Pierre Dugua de Mons en est un, incontestablement » remarque Jean-Yves Grenon. Un éloge amplement mérité…
• Marc Lescarbot, poète historien de la Nouvelle France qui embarqua avec Dugua de Mons, avait tenu à célébrer l’illustre saintongeais en lui consacrant ce joli sonnet tiré de son théâtre de Neptune (1) :
De Monts, tu es celui de qui le haut courage A tracé le chemin à un si grand ouvrage Et pour ce, de ton nom malgré l’effort des ans La feuille verdoiera d’un éternel printemps.
1 - Le Théâtre de Neptune de Marc Lescarbot a été composé et interprété à Port Royal en 1606. C’est la première pièce en français.
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