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dimanche 15 janvier 2012

Marcillac :
En mémoire d‘un lièvre
qui n’a pas dépassé la borne !


L’histoire est peuplée d’aventures truculentes qu’on raconte à la veillée. Une bonne façon d’abandonner la télé, internet et les jeux vidéo ! Celle de la borne du lièvre, à cheval sur les communes de Donnezac et de Marcillac en Gironde, mérite le détour.

De tout temps, les landes ont inspiré des légendes. Perdu en des immensités boisées, rappelez-vous le Petit Poucet qui sema des cailloux pour retrouver son chemin ! À Marcillac, l’histoire est un peu différente. La stèle qui rapporte un fait particulier porte une citation en latin « ad memoriam leporis bacha muche mortos ». À traduire par « à la mémoire d’un lièvre tué par un chasseur ayant bu beaucoup de vin ». De quoi intriguer les passants…


Que s’est-il donc passé en 1912 pour qu’un monument soit ainsi érigé en bordure de route ? Heureuse aubaine, les descendants n’ont pas perdu une once de l’événement qui pourrait commencer par « il était une fois ».

Revenons dans la première partie du XXe siècle, juste avant la Première Guerre Mondiale. À la campagne, les hommes ont l’habitude de chasser, une distraction doublée d’une tradition renforcée par les acquis de la Révolution. Ce jour-là, M. Lapouche, charcutier en la bonne ville de Montendre, part avec ses amis traquer le gibier. De son groupe, il n’est pas le plus habile à manier la gâchette. Qu’importe s’il rate ce qui passe à sa portée, l’important n’est-il pas de participer ? Jusqu’au moment où… Pris d’une envie pressante alors qu’il est en pleine virée, il abandonne temporairement ses camarades et le miracle se produit.

Poursuivi par la meute de chiens, un “capucin“ surgit. L’homme épaule et tire, tuant ainsi son premier beau lièvre. Adieu thym et serpolet ! On rapporte que « le recul de la décharge précipita le chasseur à la renverse qui tomba les deux fers en l’air ».
Ses copains le retrouvent dans cette fâcheuse posture, mais si heureux d’obtenir son premier trophée qu’une décision importante est prise. Une stèle serait érigée en l’endroit afin d’immortaliser ce moment particulier. Heureuse période où les événements simples de la vie pouvaient encore émouvoir la galerie !

Les personnalités honorent la mémoire de M. Lapouche sans qui cette borne du lièvre n’aurait jamais vu le jour !


Dans la famille, la tradition se perpétua de père en fils. Quand le grand-père mourut, il fit promettre à son petit-fils, James Maissiat, de garder en état la borne et de commémorer le centenaire de cette anecdote.
Ce dernier a tenu parole et samedi dernier, la borne du lièvre a fait l’objet d’une manifestation dont on se souviendra…

Cérémonie et chasse au lièvre

James Maissiat a choisi le jour de la Saint-Hubert pour célébrer son ancêtre. Et pour cause, il est le patron des chasseurs ! Samedi dernier, un programme élaboré était donc proposé aux invités dont l’Acca de Donnezac-Marcillac, les rallyes du Pas de la Lande, de Ticoulet et les trompes de chasse de Saint-Antoine.
Le premier rendez-vous se situait dans la chapelle du Gablezac, dans les « fins fonds » de Montendre. Cet édifice, dont les portes ne s’ouvrent guère aux paroissiens, mériterait d’être mieux connu.
Le curé y célébra un office avant que les invités ne se réunissent devant la stèle implantée à faible distance.
Les personnalités y rendirent un hommage touchant à M. Lapouche sans qui cet anniversaire n’aurait pas eu lieu. À commencer par le député Philippe Plisson, un chasseur sachant chasser sur son terrain, M. Prince, maire de Donnezac, Philippe Labrieux, maire de Marcillac, Paul Hérit, adjoint, Alain Grelier et Guy Faure, présidents de l’Acca de Marcillac et de Donnezac.
Chacun y alla d’un discours aux accents vibrants. Philippe Plisson, en particulier, rappela qu’en cette période où les sensibilités sont exacerbées - en ce qui concerne les dates d’ouverture de certaines espèces en particulier - bonnes volontés et solidarités doivent se retrouver.

Enseignant à l’Université de Poitiers, James Maissiat, aujourd’hui retraité, n’a pas oublié ses racines et sa famille originaire du Nord Gironde.



James Maissiat, quant à lui, apporta la fibre familiale à cette rencontre : « Ça fait quarante ans que je dorlote la borne au lièvre, promesse faite à mon aïeul bien aimé » dit-il. Chaque année, avec soin, il a peint le fronton du monument où figure une citation en latin. Cette langue qu’on dit “morte“ a pénétré son cœur. Et de faire sienne la devise de Cognac « Civium fides fortitudi mea » (ma force est dans la fidélité de mes concitoyens). Elle pourrait devenir celle des chasseurs du secteur, tous étant sensibles au rendez-vous du lièvre !

Le député, Philippe Plisson, compte la chasse parmi ses activités préférées.

Avec humour, il rappela que la chasse est une forme d’esclavage pour les femmes qui les privent de leurs chers et tendres compagnons : « Depuis plus de deux mille ans, entre chasse et amour, il faut savoir choisir ou tout simplement marier les deux activités avec bonheur ». Après s’être réjoui que « la borne du lièvre soit passée à la postérité sur les cartes d’état-major », il demanda aux trompes de Saint-Antoine, près de Saint-Genis, de sonner dignement la fête ! Elles s’exécutèrent avec brio.

La journée se poursuivit par une chasse à courre au lièvre que précédèrent les recommandations d’usage. En soirée, un verre de l’amitié fut servi à l’aéro-club, présidé par Bertrand Chassagne, suivi d’un repas dans la salle des fêtes de Marcillac.


Si M. Lapouche était encore vivant, il apprécierait les efforts déployés par la nouvelle génération pour perpétuer un fait d’hiver qui garde le soleil en son cœur !

M. Daviaud, membre actif de l’aéro-club aux côtés de M. et Mme Maissiat.

Les trompes de Saint-Antoine, près de Saint-Genis

Reportage/Photos Nicole Bertin

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