Un atelier unique en France
L’atelier du Bégonia d’art est situé à Rochefort. N’y cherchez pas des fleurs, mais des fils d’or que les brodeuses utilisent pourleurs compositions : décorations, broderies, collections de haute couture, vêtements militaires et liturgiques. « En France, il s’agit de l’unique atelier spécialisé dans la broderie or » souligne la directrice, Sylvie Deschamps.
Sylvie Deschamps a de l’or dans les mains. Et pour cause, elle réalise des broderies à partir de fils d’or. À Rochefort, cette jeune femme talentueuse veille aux destinées de l’atelier du Bégonia d’or.
Elle fait un métier exceptionnel, de ces disciplines rares qui disparaîtraient sans la volonté de quelques passionnées. Car la broderie au fil d’or n’est pas à la portée de tous. Il ne s’agit d’ailleurs pas d‘un fil classique, mais de brins de cannetille en spirale coupés à la dimension choisie. Enfilés sur une aiguille, comme des perles, ils composent le motif à exécuter. Ce travail de fourmi, « au demi-millimètre près », demande une exactitude et une rigueur particulières.
Dès qu’elle parle de son univers, les yeux de Sylvie Deschamps s’illuminent. Son engagement, elle le vit sans modération. Avec elle, les choses paraissent simples, et pourtant…
Un heureux hasard
Née dans les Deux-Sèvres, elle est la fille d’un artisan et d‘une mère au foyer. Au collège, elle préfère les travaux pratiques, où elle obtient de bonnes notes, aux matières traditionnelles. Après le brevet, elle intègre le lycée Jamain, à Rochefort. Déconvenue, la section lingerie fine qu’elle compte rejoindre vient d’y être supprimée, faute d’élèves. Après un moment d’incertitude, elle se tourne vers la broderie main. C’est le coup de foudre !
Cette section a la particularité de perpétuer des techniques anciennes et des points vieux de plusieurs siècles. La raison ? Aucune machine ne peut remplacer l’habileté de la brodeuse.
Conquise par cette filière, elle en ressort avec un CAP broderie or. « J’avais trouvé ma voie » avoue Sylvie. Elle frappe à la porte des grandes maisons. Une opportunité se présente chez Bouvard et Duviard, passementiers à Lyon. Elle y effectue « six ans de formation supplémentaire », dans le sillage de Lucie Teston. Cette femme remarquable lui enseigne les subtilités de la profession. « Elle était sourde et muette. Tout se passait par le geste. C’était très difficile, je me suis accrochée. Elle m’a transmis ses secrets. Ce fut une belle aventure ».
Sylvie s’aperçoit qu’elle préfère l’aiguille au crochet Lunéville : « l’aiguille, c’est la reine » dit-elle.
Lucie Teston partant à la retraite, elle succède à celle qui l’a “initiée“. Quatre ans plus tard, quand l’entreprise est rachetée par un groupe du Centre de la France, elle décline la proposition qui lui est faite. Par chance, elle retrouve son ancien professeur de broderie, Mme Château, qui lui propose d’enseigner à Rochefort. Un bac pro ayant été créé au lycée, un lieu de stage est nécessaire pour que les élèves puissent peaufiner leurs connaissances.
En 1995, à l’initiative du proviseur, Marie-Hélène César, l’atelier du Bégonia d’or voit le jour au 67 de l’avenue Charles de Gaulle. Jean-Louis Frot, alors maire, soutient le projet. À Rochefort, en effet, la tradition du fil d’or est une vieille histoire qui remonte à Colbert ! « L’atelier est un lieu de transmission du savoir, unique en France. Il appartient au patrimoine ».
Sylvie Deschamps ne regrette pas son choix. De nombreuses personnes viennent découvrir son activité. L’usage du fil d’or est multiple : tenues militaires, liturgiques, académiques, meubles d’intérieur (canapés pour Philippe Cramer, Philippe Starck), linge de maison, drapeaux, fanions, sans oublier les collections de haute couture, les accessoires à personnaliser par des prénoms… et les tricornes des représentantes de l’État.
Parmi les objets personnels, avouez qu’une paire de Charentaises marquées à vos initiales fait classe. L’acteur Philippe Noiret les adorait, dit-on ! Détail intéressant, une fois que les pantoufles sont usées, il est possible de récupérer le monogramme et de le réutiliser. La palette est vaste et si vous avez un vêtement à embellir (épaulettes, écussons), vos idées sont les bienvenues : « nous travaillons au cas par cas. L’équipe est très motivée » souligne Sylvie Deschamps.
Distinguée par Frédéric Mitterrand
Le 24 novembre dernier, Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture, a remis à Sylvie Deschamps le titre de maître d’art. « J’étais la seule femme de la promotion » se souvient-elle. Ce jour-là, elle était émue ! Les sélections de chaque lauréat étaient exposées dans les vitrines du Palais Royal. Le Ministre a regardé chacune d’elles et s’est attardé sur les broderies de l’ambassadrice charentaise : « il m’a posé des questions et laissé entendre qu’on se reverrait ». Si Frédéric Mitterrand passe par Rochefort, nul doute qu’il devrait faire étape à l’atelier !
À 39 ans, Sylvie Deschamps honore sa profession et sa région. La France compte une centaine de maîtres d’art. Elle figure parmi les plus jeunes : « il faut bien vingt ans de carrière pour maîtriser les techniques » dit-elle. Cette reconnaissance nationale devrait lui permettre d’accéder aux commandes d’État.
« Nos broderies, exclusivement réalisées à la main par des professionnelles hautement qualifiées, sont exécutées avec le plus grand soin, dans le souci permanent de garantir une qualité irréprochable » conclut Sylvie qu’on a vu à la télévision en décembre dernier, invitée de l’émission News Show sur Canal Plus. Une joie de plus pour cette jeune femme ô combien attachante.
Nicole Bertin
• Le Bégonia d’or et l’art contemporain, c’est avant tout une rencontre : celle de sa créatrice, Sylvie Deschamps, avec Yves Sabourin, inspecteur à la création artistique, ministère de la culture. Séduit par le talent de l’équipe du Bégonia d’or, il recommande l’atelier à des artistes qui souhaitent intégrer l’art de la broderie à leurs créations.
Ces collaborations entre passionnés ont donné naissance à sept œuvres uniques.
De grandes maisons comme Givenchy, Chanel, Dior ou encore le chausseur John Lobb font appel aux brodeuses d’or de l’atelier. Récemment, elles ont réalisé un canapé pour Philippe Starck (Cristal Room de Moscou) ainsi que des broderies sur une tenture commandée par le designer Philippe Cramer (Musée d’art et d’histoire de Genève).
• L’avenir des métiers “précieux“ : Ils sont menacés par la concurrence étrangère qui propose des prix plus avantageux, dirons-nous. Depuis quelques années, Sylvie Deschamps se bat pour faire vivre l’atelier rochefortais qui est associatif. Même si la passion « fait soulever des montagnes », seule la notoriété est gage de commandes et de réussite. Son titre de maître d‘art devrait contribuer à une plus large reconnaissance.
A l’atelier, Sylvie Deschamps travaille avec Shedany et Marlène. Sylvie s’occupe du secrétariat. Des stagiaires viennent régulièrement améliorer leurs connaissances.
Contacter le 05 46 87 59 36 - www.broderieor.com
• Le fil d’or est fabriqué à Lyon par Daniel Gontard, maître d’art aux Ets Carlhian. Les fils d’or ou brins de cannetille sont l’objet d’un secret de fabrication. L’or est de 12 ou 24 carats. Cet atelier réalise aussi du jaseron, chaîne en or ou en argent aux mailles très fines.Contacter le 05 46 87 59 36 - www.broderieor.com
j'ai hérité de fil d'or et de cannetille d'une ancienne brodeuse il y à q.q années: étant brodeuse moi même je me suis achetée des livres pour apprendre à utiliser ces merveilles.je viens de découvrir votre cite
RépondreSupprimerje suis une mamie de bientôt 80 ans et je brode toujours par passion jacqueline françois de la meuse amicalement