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samedi 13 mars 2010

Xynthia : Vues sur l'amer


A toute catastrophe, on cherche une explication. Ces temps derniers, la planète a des états d'humeur, comme si elle manifestait sa colère. Certains croyants y voient le signe d'un Dieu vengeur qui s'en prendrait aux populations, incapables de respecter leur berceau originel. Aux puces qui grattent l'échine de la Terre, il enverrait des plaies, pour ne pas dire des fléaux. Notre fin serait programmée pour 2012, avec ou sans calendrier aztèque.


Présente dans tous les foyers, la télévision est l'un des vecteurs qui propagent la peur et le malaise qui en découle. Prenons un exemple simple. En annonçant depuis deux ans l'arrivée d'une grippe meurtrière, elle ne fait qu'accroître le stress d'un pays qui détient le record mondial de la consommation de médicaments psychotropes, antidépresseurs, hypnotiques et anxiolytiques réunis. Enfin un record, direz-vous, c'est mieux qu'aux Jeux Olympiques de Vancouver !

Pour l'instant, la Sécu rembourse les états d'âme, les tristesses, les harcèlements, les conflits familiaux et sentimentaux. Tout devient compliqué et les ministres eux-mêmes ne résistent guère au principe de précaution. Après le scandale du sang contaminé, dans les années 1990, Roselyne Bachelot, notre bienheureuse ministre de la Santé, l'a constaté avec la grippe H1N1. Nous devions tous succomber, mais fort heureusement, l'Etat providence veillait. Sainte Emérentienne, rentre au ciel, ton ticket n'est plus valable !

Pour nous sauver d'une hécatombe annoncée, le Gouvernement a commandé 94 millions de doses, dont seulement 5 millions ont été utilisées. S'y sont ajoutés 33 millions de doses de Tamiflu et de 1,5 milliard de masques qui devraient servir pour le Mardi Gras. Selon les observateurs, « le montant initial des achats de 2,2 milliards d'euros et les pertes sèches à la charge du contribuable se situeraient entre 800 millions et un milliard d'euros selon les sources, ce qui représente la quasi-totalité des déficits des hôpitaux publics ». Si les laboratoires se frottent les mains (le chiffre d'affaires des antidépresseurs est en constante augmentation), la réalité des faits se passe de commentaires... Ou plutôt, elle devrait susciter un débat national sur ces effets d'annonce qui s'avèrent être des manipulations. Mais qui osera poser les pieds dans le plat ?

Toutes les fins de siècles regorgent de prophéties apocalyptiques. Il serait dommage que les organisations de santé se mettent, elles aussi, à jouer les funestes devins. A moins qu'elles ne se prennent pour des pythies.

« La terre n'appartient pas à l'homme, c'est l'homme qui appartient à la Terre »

Pour les scientifiques, la Terre n'a guère besoin d'un commandant suprême pour s'agiter. Elle est assez vieille pour ce type d'exercice dans lequel elle excelle, malgré son grand âge.
Face à ses caprices, les habitants sont désarmés et se lamentent, pointant l'index vers ceux qu'ils peuvent interpeller de vive voix.

Dans la douleur, Xynthia et la violence de son raz-de-marée le rappellent une fois encore. Les jeunes générations oublient trop souvent les recommandations des anciens qui évitaient de construire en zones humides. Simple question de bon sens. Ils recherchaient les points hauts qui les protégeaient des débordements des rivières et des frasques de l'océan. Pour avoir occulté cette menace, la ville d'Ys, construite dans la baie bretonne de Douarnenez, fut engloutie par les flots, prétend la légende.

A l'heure des bilans, Xynthia est certes un phénomène naturel contre lequel on ne peut rien, mais ses conséquences soulèvent deux points importants quant aux habitations inondées. On peut naturellement s'interroger sur la complaisance de certains maires face aux promoteurs immobiliers et l'incompétence des lotisseurs qui ont aménagé les pavillons submergés.


En effet, sur les terrains gagnés sur la mer, il est suicidaire d'édifier des maisons de plain-pied. On l'a malheureusement constaté : elles se transforment en tombeau quand l'eau atteint deux mètres. A Saintes, toutes les immeubles situés en bordure de Charente sont surélevés et pour cause...

Aujourd'hui, les vues sur la mer se sont transformées en vues sur l'amer. Les victimes pleurent, et sur les morts de cette nuit tragique, et sur cette vague qui a balayé les souvenirs de leurs vies meurtries. Chacun s'arme de courage, conscient de sa fragilité. L'entraide et la générosité s'organisent.

« L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature ; mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser : une vapeur, une goutte d'eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu'il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien. Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C'est de là qu'il faut nous relever et non de l'espace et de la durée que nous ne saurions remplir. Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale » écrivait Blaise Pascal.

Travaillons donc à bien penser la reconstruction et la protection des zones littorales, nous aurons alors accompli un grand pas...

N.B

Photos 1 et 2 : L'ile d'Aix où les digues sont en cours de restauration à l'approche des nouvelles marées.

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