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lundi 25 janvier 2010
Salon du livre de Thénac :
piraterie en Somalie
À son origine, la Somalie livrée à elle-même, une grave pollution marine et surtout une extrême pauvreté…
Bien qu’elle semble d’une autre époque, la piraterie est toujours d’actualité. Depuis le début de la guerre civile en Somalie, dans les années 1990, le transport maritime est l’objet d’attaques dans la Corne de l’Afrique.
L'histoire est toujours la même. Des cargaisons, symboles de la richesse des pays industrialisés, passent sous les yeux de populations affamées et isolées : la tentation est grande… D’où des abordages qui ne sont pas sans rappeler certains films où le corsaire, bandeau sur l’œil, capture les marchandises et demande une rançon pour libérer l’équipage et les malheureux passagers. On imagine facilement Angélique, marquise des anges, victime des Barbaresques, vendue sur le marché aux esclaves…
Certes, les méthodes ont changé et le fameux drapeau des assaillants, un pavillon noir avec tête de mort, tibias croisés et sablier, est un souvenir des siècles passés. Aujourd’hui les bandes organisées en véritables commandos arborent des kalachnikovs, armes plus dissuasives que les boulets de canon d’antan.
Depuis 2005, de nombreuses organisations internationales manifestent leurs inquiétudes devant l’augmentation des actes de piraterie. Invité du salon du livre de Thénac, l’amiral Mérer, spécialiste de la question, a rappelé qu’une des causes de cette piraterie moderne était la précarité dans laquelle s’est trouvée la Somalie après son effondrement.
S’y ajoute un élément important. Les eaux de ce pays, riche en thon et en crustacés, ont été pillées sans autorisation par des chalutiers venant d’Italie, de Grèce, d’Espagne, voire du Japon. Mais surtout, des entreprises indélicates ont déversé des déchets toxiques au large des côtes. En 2004, le tsunami qui a frappé l’Indonésie a également touché la Somalie, y faisant de nombreuses victimes. Funeste conséquence, il a ramené à terre des centaines de fûts, fortement nocifs pour les populations. Un rapport de 2005 du programme des Nations Unies pour l’Environnement a dénoncé officiellement ces actes, passés relativement inaperçus auprès de l’opinion. L’océan est une poubelle, on le savait déjà…
Peu à peu, la piraterie s’est installée dans cette partie du monde où règne la misère. Régulièrement, des “prises“ ont lieu, qu’il s’agisse de pétroliers ou de plaisanciers. La dernière en date est récente : « Après près de 50 jours de détention, il aura fallu une rançon de plus de 5 millions d’euros pour que les pirates libèrent le Maran Centaurus » a déclaré récemment John Harbour, porte-parole de l’Eunavfor, Force de l’Union Européenne combattant la piraterie dans le Golfe d’Aden. Transportant du pétrole d’Arabie Saoudite vers les USA, le Maran Centaurus avait été détourné le 29 novembre dernier à 1 300 kilomètres des côtes somaliennes.
• Auteur de plusieurs ouvrages sur ce sujet “brûlant“, dont « moi Osmane, pirate somalien », l’amiral Laurent Mérer répond à nos questions :
Amiral, quand la piraterie somalienne a-t-elle pris de l’ampleur ?
Après le pillage des eaux somaliennes, dans les années quatre-vingt-dix, le tsunami du 24 décembre 2004 a également atteint ce pays. Six cent cinquante kilomètres de côtes, situées entre Hafund et Garaacad, ont été touchés, tuant au passage des centaines d’habitants et rasant près de 20 000 habitations. L’écosystème a été durablement perturbé. L’eau de mer a salé l’eau douce et les terres arables ; la vague a dévasté la forêt de mangrove. Pire encore, des chargements entiers de produits toxiques ont envahi le rivage. Des conteneurs éventrés abritant des déchets industriels ou hospitaliers, des produits chimiques ou pharmaceutiques, du mercure, du cadmium, de l’uranium, se sont échoués sur les plages, déversant devant les villages leurs cargaisons sinistres. Depuis vingt ans, bon nombre d’entreprises, malgré les conventions internationales, stockent leurs rebuts devant la côte somalienne. Il leur en coûte cent fois moins cher que de les traiter en usine et le chaos somalien leur garantit l’impunité.
Tout cela n’excuse pas la piraterie, mais fait partie du contexte qu’il faut appréhender si l’on veut comprendre la situation et y
remédier. C’est en effet sur ce terreau que le phénomène a pris de l’ampleur. C’est d’ailleurs le seul endroit où la piraterie a prospéré. En mer des Antilles, la piraterie est liée au trafic de drogue ; dans le golfe de Guinée, c’est plutôt l’activité pétrolière qui est visée et le détroit de Malacca, entre l’Indonésie et la Malaisie, n’est plus classé en zone maritime dangereuse depuis la fin 2006.
Quelles sont les zones d’action des pirates somaliens et comment parer leurs attaques ?
Immenses, ces zones s’étendent à près de 1 000 km au large comme l’ont montré les attaques du chalutier français le Drennec ou le pétrolier saoudien Siruis Star. Les surfaces à surveiller représentent plus d’un million de kilomètres carrés, deux fois la superficie de la France.
Avec vingt bateaux, une flotte qu’on rêverait de réunir, chaque unité aurait la charge d’un carré de 225 km de côté ; avec dix bateaux, on passe à un carré de 320 km. Imagine-t-on notre pays surveillé par cinq véhicules de gendarmerie ou de police répartis sur l’ensemble du territoire ? Il ne faut que quelques minutes à une embarcation puissamment motorisée pour rattraper sa proie à partir d’une embarcation mère, quelques secondes pour monter à bord et investir le bateau. Pour des hommes résolus et armés, disposant de quelques moyens rudimentaires et d’un minimum d’entraînement, prendre d’assaut un navire de pêche ou de commerce ne présente guère de difficultés. Les matériels, grappins, échelles, sont disponibles dans tous les bazars.
Que fait la France pour combattre la piraterie somalienne ?
Quand les pirates ont capturé un navire et pris des marins en otage, les actions de reprise ou de rétorsion sont d’une grande complexité.
Les pirates restent sur leurs gardes, sont lourdement armés et n’hésitent pas à faire feu alors que les forces d’intervention sont attentives à limiter les risques et soumises à une réglementation stricte.
Il est clair que la sécurité des navires se trouve en premier lieu à
leur bord par des dispositifs automatiques de surveillance, d’alarme et de sécurisation des locaux, ou encore des systèmes simples destinés à repousser les assaillants comme de simples lances à incendie, des canons à bruit ou des projecteurs aveuglants.
Certains bâtiments en sont déjà équipés. Depuis octobre 2001, la France a activé, dans la partie nord de l’Océan indien, « le contrôle naval volontaire » qui fournit des informations régulières et des conseils de prévention aux armateurs français. La meilleure solution, pour lutter contre l’attaque des navires par les pirates ou les terroristes, reste le contrôle des espaces maritimes et singulièrement des zones à risques par les États.
La France déploie depuis longtemps ses forces navales dans les zones dangereuses. Dans le nord de l’Océan indien, elle dispose de bâtiments de haute mer équipés d’hélicoptères, d’avions de surveillance ainsi que de commandos et d’une structure de commandement embarquée sur l’un des navires, capable de diriger à tout moment de vastes opérations aéronavales. Toutefois, ce n’est qu’en regroupant leurs forces et en coordonnant les actions que les nations peuvent espérer réduire le fléau de la piraterie.
Où en est la législation française ?
Face à des pirates de mieux en mieux armés, sans cesse alimentés par des rançons que les grandes États ne peuvent éviter de payer, notre pays se doit de maintenir et de renforcer la prévention. En l’occurrence, les bâtiments de haute mer doivent être en nombre suffisant et notre capital doit être renouvelé. La faiblesse du cadre juridique international entourant la piraterie mérite d’être soulignée. La convention de Montego Bay de 1982 sur le droit de la mer précise que l’acte doit avoir lieu en haute mer, mais elle est par ailleurs assez lacunaire. La convention de Rome de 1988 fournit un meilleur cadre pour la coopération judiciaire, mais un petit nombre d’états seulement l’ont ratifiée. On imagine la difficulté d’organiser la lutte contre un phénomène juridiquement mal défini et statistiquement approximatif. D’autre part, la France a aboli, il y a tout juste quelques mois, la loi du 18 avril 1825 sur la répression de la piraterie. En l’attente d’une nouvelle loi, elle ne dispose plus désormais d’outils dédiés pour juger les pirates récemment capturés dans l’Océan indien. Ceci dit, la France est capable aujourd’hui, grâce à sa Marine, d’être présente avec des moyens conséquents dans l’Océan indien et au-delà, dans beaucoup de zones du monde où ses intérêts sont en jeu. Elle est capable d’intervenir avec une efficacité reconnue quand la volonté politique est là pour ordonner l’action.
Photos 1 et 2 : Laurent Mérer est vice-amiral d’escadre. Il a dirigé des opérations navales dans l’Océan indien où il s’est trouvé confronté à la piraterie. Fin observateur, ce grand voyageur, qui vit en Bretagne, se consacre désormais à l’écriture. Il a publié, entre autres, “Alidien“ aux éditions le Télégramme, “Préfet de la mer“aux éditions des Équateurs et “Moi Osmane, pirate somalien“ aux éditions Koutoubia.
Aux côtés de l’Amiral Laurent Mérer, Patrick Mairé, chargé de la Division des Affaires pénales militaires (bien connu à Saintes où il a été procureur de la République), a apporté un témoignage détaillé et intéressant sur la piraterie moderne.
Photo 3 : Une assistance intéressée par ce sujet d'actualité
j'avais très envie de venir, particulièrement le samedi pour cette conférence et je suis ravie, en vous lisant, d'en connaître le contenu...
RépondreSupprimerj'avais aussi bien envie de voir le pianiste à 18h... était-ce agréable ?
et finalement j'ai eu un empêchement, l'an prochain, sûr !!!