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mardi 22 septembre 2009

Quand les femmes lavaient leur linge sale !


Mardi dernier, au cloître des Carmes de Jonzac, Judith Rapet, dont le nom est intimement lié à la commune de Vanzac, a parlé de la bujhée, cette lessive qui occupait largement la vie des femmes jusqu'à la découverte de la machine à laver ! Un nombreux public avait répondu présent.


Depuis longtemps, le battoir ne résonne plus dans les lavoirs et pourtant, la bujhée est toujours présente dans les esprits. "Ce monde disparu", Jean-Marie Grasset l'a fait revivre voici quelques années par une exposition photographique qui deviendra, souhaitons-le, un superbe ouvrage.
Judith Rapet, professeur de musique et historienne, s'intéresse, elle aussi, aux coutumes et usages d'antan. À la campagne, les souvenirs sont tenaces : les évoquer provoque une nostalgie certaine. Le "cérémonial" qui accompagnait la lessive mérite d'être conté. D'où la conférence proposée la semaine dernière à Jonzac.

Le public était nombreux à cette dernière rencontre qui achevait le cycle des conférences estivales proposées par Hélène Taillemite, responsable de l'annexe des Archives départementales.
Qu'avaient donc en commun toutes les personnes réunies autour de Judith_? La lessive et le souvenir qu'elles gardent, en leur mémoire, de ces grandes opérations de nettoyage ! Dans le passé, on s'en souvient à peine, elles avaient lieu deux à trois fois par an. De quoi susciter les critiques des jeunes générations, adeptes de la machine « qui tourne toute seule ». Et pourtant, il fut un temps où les enzymes n'étaient pas gloutons et où Coluche aurait eu du mal avec Bonux !
La bujhée a été abordée sous ses différents aspects, face à d'authentiques lavandières (il en reste encore, mais elles se font de plus en plus rares). Que les coutumes rurales, regardées avec suspicion - voire "ringardise" - par les chantres de l'ère moderne, soient « réhabilitées » à leur juste valeur est rassurant. La « reconnaissance » du patois relève de la même démarche.

BUJOUR ET LESSIVEUSE


Il faut dire que la "bujhée" est une longue histoire. Les exemples ne manquent pas, de la reine égyptienne Nefertiti, qui se rendait au Nil, à Nausicaa qui découvrit Ulysse le naufragé en bordure de fleuve. Vous l'avez compris, toutes deux lavaient leurs effets personnels. Néanmoins, il reste des zones d'ombre et l'on ignore qui a découvert la vertu des cendres. Au XVIIIe siècle, l'encyclopédie de Diderot et d'Alembert explique comment enlever la saleté du "baluchon". L'ensemble comporte des descriptions techniques.
Le récipient à laver de nos ancêtres, qui orne aujourd'hui les jardins, s'appelait le bujour. Cette grande cuve en terre cuite, dont la contenance variait entre 100 et 200 litres, était installée dans une pièce attenante à la maison.

Comment procédait-on ? Le linge sale était d'abord entreposé dans les greniers. Deux fois par an environ, à des dates qui ne devaient pas contrarier les saints du calendrier, on passait à l'action. Entre les draps et autres pièces déposées dans le bujour, on intercalait des racines d'iris coupées en dés, destinées à parfumer et blanchir le linge, ainsi que de la cendre, contenue dans des sachets de toile, pour enlever les taches. Un chaudron en fonte était utilisé pour faire bouillir l'eau, versée sur le linge à l'aide d'un pot en cuivre ou en fer-blanc. Le liquide s'écoulait par le trou, il pouvait être récupéré et réutilisé pour dégraisser des tissus très sales.

Quand la bujhée était terminée, le linge était mis sur une brouette. Après avoir été tapé, il était rincé au lavoir. On l'étendait ensuite sur l'herbe, au moment de la pleine lune car sa lumière donne au linge « une blancheur parfaite ».
La commune de Saint Césaire (rendue célèbre par Pierrette, la néandertalienne) était spécialisée dans les bujours, d'où le nom du village des Bujholiers). Le musée, consacré à cette activité aux XVIIIe et XIXe siècles, mérite le détour.

Le progrès s'installant, « l'instrument » qui succéda au bujour est la lessiveuse. Nettement plus maniable, elle facilita la vie des femmes qui confectionnaient elles-mêmes leur savon. Dans sa composition, figuraient résine, eau de pluie, soude caustique et ammoniaque.

L'ECHO DES LAVOIRS

La dernière étape de la bujhée est le lavoir où l'on se réunissait, et pour rincer son linge, et pour faire des commérages. Ce lieu fut aménagé dans un souci d'hygiène publique, pour éviter la propagation des épidémies. Porter du linge propre, c'était jouir d'un esprit sain ! Au XIXe siècle, les villes perçurent des subventions importantes pour leur aménagement.

Endroit stratégique, souvent près de la mairie, y circulaient informations et désinformations. Toute la population s'y côtoyait, des plus modestes aux servantes des familles riches.
Les femmes ne fréquentant pas les cafés qui leur étaient interdits, « elles javhassaient en forgounant le frotton ». Il s'y passait des vertes et des pas mûres, voire des crêpages de chignon.
Comme les propos qui s'y tenaient n'étaient pas forcément « convenables », le lavoir était rarement situé à proximité d'une école ! Quand la période était sereine, l'ambiance y était conviviale et, malgré la rudesse de la besogne, le fait de s'y retrouver pouvait être agréable. Les grands-mères recommandaient aux "drôles" qui les suivaient « de ne pas rassouiller et, surtout, de ne pas chère dans l'ève ».

À partir des années soixante, les lavoirs ont été désertés avec l'arrivée des nouvelles technologies. En les restaurant, les municipalités rendent hommage à ces vieux compagnons !
Depuis, ils dorment avec leurs secrets. Si vous savez leur parler, ils vous raconteront leur histoire...

• L'info en plus

Le village des Bujholiers fabriquait des bujours dont le motif, décor à la roulette, est parfaitement identifiable. On y faisait aussi des bujolons, de saloirs, des épis de faîtage, etc... Des modèles «miniatures» sont réalisés par la poterie le Tourmassin (en vente au musée des Bujoliers).

Photo 1 : Judith Rapet. Grâce aux recherches qu'elle effectue depuis plus de vingt ans aux Archives, cette passionnée d'histoire locale a publié plusieurs ouvrages dont l'un gravite autour de son ancêtre de Vanzac, Michèle Garnier. Cette commune a organisé un magnifique son et lumière autour de ce personnage haut en couleurs, dont nombreux se souviennent.

Photo 2 : Un public attentif à l'évocation du passé

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