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samedi 21 février 2009

Guadeloupe - Thierry Lacourly :
« Si on ne sort pas de la crise, c’est le clash »…


Courtier financier en entreprises aux Antilles, Thierry Lacourly a longtemps vécu à Jonzac où il revient passer ses vacances. Solidaire du mouvement “contre la vie chère en Guadeloupe”, il espère une issue favorable à cette contestation qui, si elle venait à s’amplifier, pourrait prendre une bien mauvaise tournure. Les dernières altercations, qui ont fait un mort et des blessés, le démontrent. Toutefois, et contrairement à ce qui est régulièrement écrit, il n’y a pas de problèmes de cohabitation entre les communautés pour l’instant...
Il répond à nos questions :



À quel moment cette crise a-t-elle commencé ?

Elle a commencé le 20 janvier, le jour de l’investiture de Barack Obama. Tout un symbole. Le mouvement contre « la vie chère » a été lancé par M. Domoto, directeur adjoint à l’ANPE avec l’UGTG, l’union des travailleurs de Guadeloupe. Aujourd’hui il est porté par le LKP, collectif de syndicats, associations et partis. En Guadeloupe, le prix des denrées alimentaires est exorbitant. A titre d’exemple, le prix du camembert y est multiplié par trois par rapport à la métropole. Quand le Caprice des dieux est vendu est 1,43 euros au Centre Leclerc de Jonzac, il atteint 3,50 euros ici. Idem pour l’Etorki, le fromage basque. Le petit morceau coûte 4,30 euros aux Antilles alors qu’une meule ne dépasse pas 24 euros en Saintonge. Il n’y a pas de système de contrôle.
Tous les produits importés sont hors de prix, la distribution étant aux mains des grandes familles békés qui font la pluie et le beau temps. Elles détiennent les Carrefour et les concessions automobiles en particulier. Aujourd’hui, les Antillais voyagent plus qu’autrefois. Quand ils se rendent en métropole, ils voient bien que la vie y est moins chère et ne comprennent pas pourquoi. Ils en ont marre de se faire racketter en Guadeloupe. Le mouvement a eu un premier effet bénéfique : le prix du gasoil a été ramené à 0,86 centimes d’euros alors qu’il atteignait 1,23 euros il y a deux mois. La seule raffinerie de l’île appartient à Total.
Actuellement, la nourriture commence à manquer car les grandes surfaces sont fermées. Les petites épiceries, baptisées “lolos”, sont ouvertes, mais elles ont des problèmes de ravitaillement.
Hier, j’ai voulu acheter un kilo de sucre et je n’en ai pas trouvé. C’est impensable au pays de la canne à sucre...

Quelles sont les répercussions sur la vie
courante ?


Je ne peux plus travailler depuis trois semaines car de nombreuses entreprises sont fermées, ni circuler en voiture depuis quelques jours en raison des barrages routiers. Aux manifestants, se sont malheureusement ajoutées des bandes de casseurs qui mettent la pression et font des pillages par la même occasion.
Aujourd’hui, j’ai donc passé la journée à jardiner ! Je ne me sens pas en danger. Bien sûr, il ne faut pas aller dans les points chauds, là où se trouvent des excités, c’est plus prudent. Il a d’ailleurs été recommandé aux touristes de rester sagement dans leurs hôtels.
Il y a vingt cinq ans que je vis en Guadeloupe et j’aime cette région. J’ai longtemps arbitré des matches de basket et je n’ai jamais eu de problèmes avec les jeunes. C’est un détail qui ne trompe pas !

Les problèmes liés au colonialisme sont-ils encore sous-jacents ?

Ces problèmes n’existent plus, mais dès qu’il y a un mouvement, ils ressurgissent comme de vieilles blessures. En temps normal, il n’y a aucun problème de cohabitation. Aujourd’hui, on entend tout et n’importe quoi à ce sujet. Il ne faut pas tout mélanger...


Pensez-vous que la Guadeloupe puisse sortir rapidement de cette impasse ?

Je le souhaite de tout cœur. On en saura plus en fin de semaine après les discussions avec le gouvernement. Le ministre, Yves Jego, a une mauvaise image aux Antilles et il ne tient pas parole, ce qui irrite les habitants.
Le nombre de manifestants, qui peut atteindre 60.000 personnes, est significatif. Je suis solidaire de ce mouvement sur de nombreux points. La venue des élus socialistes ainsi que celle d’Olivier Besancenot ne devrait pas changer grand chose.
D’ailleurs, quelles marges de manœuvre ont-ils ? La situation est grave car le tourisme se casse la figure et plusieurs centaines d’entreprises vont mettre la clé sous la porte faute de commandes. Il y a donc urgence à ce que des accords soient trouvés.

Infos en plus

• Un quart des jeunes est au chômage

• En Guadeloupe, les 18 à 35 ans représentent 70 % de la population. Or, 25 % d’entre eux sont au chômage. Nombreux sont titulaires du bac, mais, faute de moyens, ils ne peuvent pas se rendre en métropole pour étudier. Les békés (dont les familles sont issues de la Martinique) représentent, quant à eux, 5 % de la population. Ils détiennent principalement les richesses.

• Les prix des denrées alimentaires est d’environ + 10% par rapport à ceux de Carrefour métropole.

Photos 1 et 2 : Incendies à Pointe à Pitre.

1 commentaire:

  1. je suis solidaire avec la Guadeloupe mais les prix sont presque aussi éleves en région parisienne de plus beaucoup de jeunes se voir proposer des stages à la place d'emplois
    MN lacourly

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