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vendredi 4 juillet 2008

Les rêveurs de Mediolanum Santonum


Au premier siècle de notre ère, Saintes était une capitale de l’empire gallo-romain située sur la Via Agrippa, qui la reliait à Lyon. Qui dit vaste cité sous-entend urbanisme, monuments et quartiers d’habitations. La municipalité de Saintes a choisi de mettre en valeur ce riche passé en partenariat avec les musées et l’Atelier du Patrimoine du 12 juillet au 21 septembre.



On se croirait au temps d’Auguste. Grandes colonnes à chapiteaux, blocs sculptés et autres frises donnent au musée lapidaire une allure antique. C’est dans la grande salle que samedi matin, Sylvie Barre, maire adjoint, Gaby Scaon, conservateur des musées, Isabelle Rontondaro, responsable du service des affaires culturelles et du tourisme, le professeur Louis Maurin et Jean Philippe Baigl, archéologue, ont présenté les projets de l’été. La statue d’un empereur retrouvé dans les anciens remparts donnait à cette rencontre une allure solennelle, bien que ce haut personnage ait perdu la tête à une époque où sa renommée était sans doute oubliée. Il en ainsi des hommes et de leurs témoignages: à chaque époque, il est courant d’utiliser les pierres des anciennes constructions pour en ériger de nouvelles...
À Saintes, toutefois, on aurait du mal à gommer la période gallo-romaine tant elle fut riche. Les arènes et l’arc de Germanicus en sont les témoins. Depuis des années, les fouilles menées ont conduit à de nombreuses découvertes. En effet, selon la formule habituelle, « on ne peut pas ouvrir un chantier dans la cité santone sans tomber sur des vestiges ».
Ces objets d’époques reculées sont minutieusement déposés et répertoriés, en l’attente d’être présentés au public. « Route de Lormont, d’importantes réserves abritent des éléments qu’on peut extraire pour des expositions temporaires » rappelait un spécialiste il n’y a pas si longtemps.
Consciente de cette "manne", la municipalité a décidé une action concrète. Pour l’instant, il n’est pas question de construire un nouveau musée - même si cette idée s’est régulièrement heurtée à des obstacles - mais d’une mise en valeur à travers les objets usuels. « En les exposant, nous les restituons tout simplement à la population. Les voir entassés finissait par susciter une frustration » souligne Jean-Philippe Baigl qui travaille sur le secteur depuis plus de vingt-cinq ans. Désormais, ils vont voir le jour et se parer de leurs plus beaux atours !
Par ailleurs, quand le site de l’Hôpital aura livré ses secrets, de nouvelles pièces compléteront l’éventail actuel. L’ancien forum de Medialanum sera-t-il un jour localisé ?
Question…

Le projet Saintes Mediolanum


« L’objectif est le renouvellement complet de l’exposition permanente du musée archéologique avec un programme d’animations, d’expositions et de circuits urbains » explique Gaby Scaon. Le fil rouge, si on peut l’appeler ainsi, gravitera autour de la vie quotidienne : vaisselle, autels consacrés aux dieux domestiques (les Lares), jeux, habillement, parure et décoration intérieure. Des textes d’auteurs latins accompagneront ces ustensiles, outils ou flacons afin d’éclairer leur mémoire.
Pour la mise en scène, deux artistes plasticiens, Philippe Leduc et Marc Antoine Mathieu, ont fait appel à de curieux personnages baptisés "les rêveurs de Saintes".
« Nous avons redisposé les objets archéologiques dans le musée et imaginé la forme d’un prolongement de l’exposition dans les rues. Il s’agit d’introduire des sens et de l’émotion » expliquent-ils. Énigmatiques, les rêveurs inciteront le public à se montrer curieux. De couleur ocre, ils semblent sortir de terre. Ces silhouettes, qui rappellent les guerriers de l’armée enterrée de Xi'an, l’armure en moins, l’imper en plus, montreront le chemin aux visiteurs ainsi des détails qui auraient pu leur échapper. Ils seront bien sûr placés en des endroits stratégiques.
Les circuits urbains seront assurés par des guides de l’Atelier du Patrimoine. Partant du musée archéologique, ils passeront par la place des Recollets, la rue Saint-Michel, la rue Alsace Lorraine, etc.
Les musées (Echevinage, Présidial, Dupy Mestreau) seront également partie prenante, ainsi qu’une quarantaine de commerçants qui mettront leurs vitrines à l’heure gallo-romaine, en concordance avec leurs activités respectives. Ainsi, l’amphore et la sandale évoqueront le commerce tandis que des morceaux de verre seront déposés chez un opticien. Les organisateurs n’ont enregistré qu’un seul refus alors que nombreux magasins auraient aimé participer à l’aventure. « Notre objectif est de surprendre et d’intéresser, tout en révélant une page de l’histoire de la cité » souligne Gaby Scaon. Nous ne doutons pas que la population, ainsi que les estivants, seront nombreux à participer à cette escapade dans le temps d’avant !


Infos en plus :

• Un peu d’histoire :
La ville de Saintes joue un rôle considérable à la fin du 1er siècle. La cité des Santons est capitale de la grande province de Gaule Aquitaine. Elle est alors à son apogée. Sous le règne de Claude, on y construit l’amphithéâtre que nous connaissons, l’arc de Germanicus, financé par Julius Rufus (il est situé au milieu du pont traversant la Charente) et deux aqueducs. La ville aurait eu un forum, situé près de l’ancien hôpital. On estime à 15.000 le nombre d’habitants répartis sur une centaine d’hectares. Malheureusement, la belle cité perd de son prestige et, dans les siècles suivants, elle est devancée par Poitiers et Bordeaux. À ce jour, bien que capitale de la Saintonge, elle n’a jamais réussi à s’imposer. Elle l’aurait fait si elle était devenue Préfecture, mais Napoléon choisit La Rochelle, ce qui géographiquement est une bizarrerie...

• Saintes et la vigne...
Durant l’été 2006, les traces d’un camp romain ont été trouvées au Nord ouest de Saintes, près de la porte Saint Rémi : faut-il y voir une première installation ? Dans la région, outre des villas, les fouilles ont mis à jour des établissements viticoles. « Cette présence ruine une théorie selon laquelle le gouvernement impérial aurait protégé les intérêts de Bordeaux en évitant d’étendre les vignobles aux pays situés au nord de la Gironde » précise le professeur Louis Maurin. L’Aunis, la Saintonge et la Charente saintongeaise occupent la première place dans l’archéologie de la viticulture sous le haut Empire ! Si l’on ignore quels étaient les cépages cultivés, le vin, de moyenne qualité, se gardait et se bonifiait avec le temps. Des installations élaborées ont été localisées près de Royan : « des chaudières y chauffaient le jus de raisin concentré, l’élévation du degré alcoolique garantissant une meilleure conservation ». L’autre point fort concerne l’industrie de la laine, les fournisseurs locaux étant regroupés en corporation. Cette activité devait occuper bon nombre de paysans vivant dans les campagnes. Des vêtements étaient réalisés et le manteau de laine, appelé cucullus, avait une version locale baptisée « cucullus santonicus » (manteau saintongeais).

• Au musée de l’Échevinage, sera exposée une œuvre d’Anne et Patrick Poirier « la domus aurea » (construction 3). Au musée du Présidial, on découvrira la mythologie antique ainsi que les ruines gallo-romaines à travers la peinture. Au musée Dupuy Mestreau, sera présenté le patrimoine architectural par des tableaux, gravures et photographies.

• À faire durant l’été
L’Atelier du Patrimoine, en partenariat avec les musées et l’office de tourisme, vous propose de nombreux rendez-vous durant l’été : promenades au fil du fleuve et de la cité (croisière sur la gabare, parcours pédestre), flâneries artistiques entre pierres et jardins, découverte de la ville avec un conférencier, des animations jeune public (visites détaillées, initiation à la cuisine gallo romaine, la mosaïque, etc), sorties du soir organisées avec le Pays de Saintonge romane, sans oublier les expositions à l’hostellerie Saint Julien (rue Mauny) et à l’Abbaye aux Dames (salle capitulaire). Tous renseignements au 05.46.92.06.27 atelier patrimoine@ville-saintes.fr

Photo 1 : Le musée lapidaire a été réalisé dans les années 30 dans l’ancien abattoir. Les projets d’agrandissement se sont succédé, mais ils se sont avérés infructueux car la grande pièce devait être conservée, selon le vœu des élus. Les architectes, malgré leur talent, ne sont pas parvenus à l’englober de façon « convaincante » dans leurs plans. La nouvelle génération sera-t-elle plus chanceuse ? On l’espère car un grand musée à Saintes serait le bienvenu. Outre la période gallo-romaine, le patrimoine est riche en témoignages des époques néolithique et médiévale. Un recensement global des pièces entreposées va être effectué.

Photo 2 : Selon le professeur Maurin, les pierres d’un grand nombre d’édifices publics et monuments funéraires ont contribué à construire l’épais rempart. C’est ainsi des statues, chapiteaux et autres colonnes y ont été retrouvés. Jean François Baigl prépare un livre collectif à paraître chez Gallia sur les nécropoles retrouvées à Saintes et en Saintonge.

Photo 3 : Les responsables de l’animation estivale devant les "rêveurs".

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