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vendredi 4 juillet 2008

Jean-Marc Soyez n’est plus : Adieu l’ami…

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Dans la joie comme dans la peine. Aujourd’hui, cette phrase prend toute sa dimension. Un ami est une douce chose, le perdre est une épreuve douloureuse.
Jeudi matin, en l’église de Boutenac, une foule émue a rendu hommage à l’écrivain Jean-Marc Soyez, mort dans sa 81ème année. Jean Marc, l’homme de l’estuaire, l’homme vrai, aussi solide que les chênes du Limousin dont il parlait dans ses livres, courageux comme les paysans de la Creuse ou de la Saintonge qu’ils décrivaient si bien. Nous avons en mémoire des conversations, des moments passés avec lui qui s’inscrivent dans la même ligne directrice : la sincérité, l’engagement et l’honnêteté intellectuelle.
Quand il regardait l’horizon chaque matin, Jean-Marc Soyez était heureux. Il était tombé amoureux de cette région où il avait posé ses valises voici une trentaine d’années. Sa maison n’était pas très éloignée de Civrac où vivait son ami de longue date, le photographe Michel Descamps. Paysages vallonnés et nature sauvage lui inspiraient des romans où l’âme du terroir occupait une place privilégiée.
Depuis ses premiers succès, "La tuile aux loups" et surtout "Quand les Anglais vendangeaient l’Aquitaine", les publications s’étaient succédé, nourries à la sève originelle.
Avant de s’installer en Charente-Maritime, la vie de Jean Marc était passée par la Creuse, sa terre natale, puis Paris où il était devenu journaliste à Combat, Paris Presse et Paris Jour. C’est dans la capitale qu’il avait tissé des relations, rencontrant personnalités et célébrités du moment. Cette plume authentique n’avait pas tardé à comprendre que le monde des apparences était à manipuler avec précaution. Il aimait à raconter cette réflexion que lui avait faite le Général de Gaulle qu’il respectait : alors, Soyez, toujours dans la presse du cœur ! Sa rencontre avec John Wayne ou Gary Cooper l’avait enthousiasmé ainsi que celles d’Yvan Audouard, André Parinot ou Christian Plume.
Quitter la presse écrite s’imposa presque naturellement: « Je me rappelle très bien du jour où j’ai décidé de l’abandonner. J’étais de garde et j’en ai profité pour revoir tout ce que j’avais écrit. Réuni bout à bout, c’était l’équivalent de plusieurs bouquins ! J’ai trouvé que je m’étais cassé la tête pour rien parce que les gens oublient les articles publiés. Je n’avais assassiné personne, j’étais donc un type très banal puisque je n’avais jamais fait la une de l’actualité ! Bref, j’avais envie de passer à autre chose » m’avait-il confié lors d’un entretien.
Ce fut alors la grande époque de la télévision. Il réalisa de nombreux documentaires et reportages. Il fut également chargé de créer la télévision camerounaise, une bien vaste entreprise. Avec des cadreurs qui étaient des fils de chefs de tribus, c’était une sacrée "armée" à diriger ! L’objectif fut cependant atteint. Jean-Marc avait l’habitude de relever des défis, ce qui lui permit de conduire à bien cette mission qui ressemblait à un challenge !


Vint le moment où cette vie compliquée eut besoin d’apaisement. C’est avec Claire, en Saintonge, qu’il trouva le havre de Boutenac, propice à l’écriture. Son livre « Quand les Anglais vendangeaient l’Aquitaine » le fait connaître auprès du grand public. Sa plume courut sur le papier pendant de nombreuses années, enchaînant évocations historiques ou personnages du cru. Soit une cinquantaine d’ouvrages. Certains furent portés à l’écran tel que "Le Crea". Il écrivait toujours avec la même passion. Qui sait s’il ne rendait pas ainsi hommage à ses ancêtres qui avaient travaillé la terre en se dépensant sans compter ? En chaque livre, apparaissait en filigrane cette approche qu’il avait des êtres « vrais ». Il n’aimait ni les ronds de jambe, ni les futilités et encore moins les hypocrisies. Ses héros possédaient la authenticité du cœur. Ce choix a sans doute une explication : Très jeune, Jean-Marc avait connu la guerre mais, en homme discret, il se confiait peu. Engagé dans le bataillon de Corée, il avait vécu l’assaut de l’armée chinoise et vu ses soldats geler, au sens littéral du terme, par manque d’équipements.
En ouvrant l’esprit, des drames d’une telle intensité façonnent la personnalité. Dans ces conditions, il ne pouvait guère s’apitoyer sur lui-même. Il avait la volonté d’avancer en cherchant la vérité sur un monde qui n’est guère propice à se livrer.
Malgré les épreuves, l’univers de Jean-Marc n’en restait pas moins vaste et chaleureux. Il connaissait l’autre côté du miroir, mais n’en éprouvait aucun ressentiment. Comme Candide, il avait appris à cultiver son jardin ! Les moments que nous avons connus avec lui sont autant d’étoiles qui illuminent notre peine. Sa mémoire restera vivante comme au temps d’avant par ses ouvrages, ses films, la bibliothèque de Boutenac-Touvent qui porte son nom et sa philosophie de l’existence. « Tout au long d’une vie, on déploie beaucoup d’énergie et, à son terme, il n’en reste pas grand-chose. Le courage est nécessaire pour avancer et donner un sens au quotidien. Il faut surtout savoir rester soi-même » disait-il. L’expérience est une bougie qui n’éclaire que celui qui la porte, déclarait Confucius. Généreux, Jean-Marc a su nous faire partager sa lumière.
Le journal La Haute Saintonge adresse ses très sincères condoléances à Claire, son épouse, à ses petits-enfants, arrière petits-enfants et toute la parenté.

Photo 1 : Un écrivain ne meurt jamais, a rappelé Jean-Pierre Richard, ami de Jean-Marc Soyez. Sur cette photo prise dans son bureau, il présente l’un de ses ouvrages. Nombre d’entre eux mettaient en scène des gens du terroir dont il appréciait la simplicité.

Photo 2 : L’inauguration de la bibliothèque de Boutenac-Touvent qui porte son nom. Récemment, Jean-Marc Soyez avait reçu le prix Écume de Mer pour son livre "la Ramandeuse".

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