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samedi 10 mai 2008

Un trafic d’archives charentaises découvert en Belgique

Il y a quelque temps, un fonctionnaire de la Communauté européenne, se disant « le collaborateur du président Barroso », s’est présenté dans des Maisons de la région de Cognac. Sûr de lui, il a demandé à consulter les archives les plus anciennes de ces entreprises dont la renommée est grande de par le monde : Martell, Otard, Hine, Delamain, etc...
Confiantes, elles ont répondu favorablement à sa demande et c’est ainsi qu’il a pu soustraire certains documents qui lui semblaient intéressants. Ni vu, ni connu...
Ce monsieur avait une idée derrière la tête, bien entendu. Ne souhaitant pas les conserver à des fins personnelles, il proposa les pièces subtilisées à un brocanteur demeurant en Belgique. Il pensait l’idée juteuse puisque certaines d’entre elles, comportant des marques postales en particulier, sont vendues des sommes importantes. Il faut savoir que Martell, créée au début du XVIIIe siècle, est la plus ancienne des maisons de cognac. La correspondance de l’époque est forcément une mine d’or pour les collectionneurs...
La police belge a découvert le pot aux roses en perquisitionnant chez le receleur (connu de ses services, semble-t-il) alors qu’elle recherchait les archives de l’Évêché de Liège qui avaient mystérieusement disparu. Elle a remonté la filière, retrouvé le responsable et contacté les maisons de cognac concernées. Des plaintes ont été déposées.
C’est également par hasard que Pascal Even, qui dirigea les Archives départementales de Charente-Maritime avant d’être nommé dans la capitale, a été informé de ces détournements. « Je suis allé à Liège pour récupérer des archives publiques qui avaient trait avec une autre affaire. La police a profité de ma venue pour me montrer les documents charentais. Je connaissais les sociétés auxquelles ils se rapportaient, ce qui a facilité leur tâche » souligne-t-il. Le trafic a donc été démantelé.
Mis en examen, le fonctionnaire européen indélicat devrait comparaître devant la justice dans un proche avenir.

Pascal Even répond à nos questions :   « Il existe un trafic de biens culturels qui passe par la Belgique et les Pays Bas »

Pascal Even, dans quelles circonstances avez-vous été amené à vous déplacer à Liège ?

Comme je vous le disais, je me suis rendu à Liège afin de récupérer des archives publiques qui avaient été volées. Parmi les autres documents saisis, j’ai remarqué que certaines pièces concernaient des maisons de cognac. La police belge a été très efficace.
En ce qui concerne l’affaire pour laquelle je me suis déplacé, quelque 30.000 documents ont été retrouvés. Arrêté, l’auteur de ces vols avait écumé les archives de toute la France pendant une vingtaine d’années. Il les proposait ensuite sur le marché belge...

Quelle peine risquent le voleur et le receleur ?

Le receleur était déjà dans la ligne de mire de la police. Il risque la fermeture de sa boutique et une forte amende. Le voleur devrait écoper d’une peine qui le dissuadera de recommencer.

Existe-t-il un important trafic d’archives en Europe et qui fixe les cotes ?

Effectivement, il existe un trafic d’archives et de biens culturels en Europe qui transite par la Belgique et les Pays Bas. La valeur, quant à elle, est fixée par le marché des collectionneurs. Plus les choses sont rares et plus leur cote est importante. C’est comme à la Bourse ! Aujourd’hui, les marques postales, qui étaient apposées sur les courriers ainsi que les tout premiers timbres, sont très recherchés.

Quand on achète un document ancien chez un antiquaire, comment être sûr qu’il n’a pas été volé ? Quelles sont les précautions à prendre ?

Les documents ont deux sources, publiques et privées. Si vous achetez chez un vendeur sérieux, qui a pignon sur rue, le document a préalablement été expertisé et vous avez des garanties sur sa provenance. Par contre, si vous vous adressez à un brocanteur, les origines sont plus difficiles à prouver. C’est à vos risques et périls. Il en est de même pour les meubles...

Comment les Archives se protègent-elles des voleurs indélicats ?

Par une surveillance, la mise en place de rondes, des vérifications au moment où les pièces sont confiées et quand elles sont remises. Certains documents sont estampillés ou comportent des cachets : il est alors difficile de les subtiliser pour les commercialiser. Le comportement de certaines personnes peut également attirer l’attention des responsables.
La protection des biens culturels, qui est l’une de nos préoccupations, sera le thème d’un colloque organisé aux Archives de France cette année. Ce sujet intéresse tous les pays européens.

Dis-le-moi dans l'oreille :

• Interrogé sur cette affaire, P. Peyrelongue, responsable de la maison Delamain, implantée à Jarnac-Charente, apporte son témoignage : « Nous avons effectivement entendu parler par la gendarmerie de ces archives circulant en Belgique. Certains documents peuvent en effet concerner notre Maison. Ils ont été subtilisés chez Hine, qui détenait beaucoup d’archives Delamain, conservées par Thomas Hine lorsqu’il a créé sa Maison en 1817, après son mariage avec Élisabeth Delamain. Nous n’avons pas porté plainte, n’étant pas propriétaires de ces documents »...

• Un nouveau sous préfét à Saintes :
Le successeur de Bruno Guigue est désormais connu. Il s’agit de Jacques Lauvergnat, actuellement sous-préfet à St Dizier (Haute Marne). Il prendra ses fonctions le 2 juin prochain. Nous lui souhaitons la bienvenue.

Photo 1 : Pascal Even (à droite) aux côtés de Marc Seguin. Une même passion les anime : l’étude des archives !

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