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samedi 24 mai 2008

Christian Morissonneau : "Québec n'était pas le premier choix de Champlain"

Le 31 mai prochain, Christian Morissonneau, professeur à l’Université du Québec, animera une conférence à Brouage dans le cadre de la manifestation « plein champ sur Champlain ». Il y fera des révélations sur les objectifs que poursuivait le célèbre géographe. En l’attente de cette rencontre qui devrait attirer un nombreux public, il répond à nos questions.


• Christian Morissonneau, Québec n’aurait donc pas été le premier choix de Champlain. Où aurait-il préféré s’implanter ?

En 1603, soit cinq ans plus tôt que l’établissement à Québec en 1608, lors de sa première remontée du Saint-Laurent pour faire “l’état des lieux“ de la traite des fourrures et du peuplement français, Champlain remarque, évalue et souhaite un établissement à l’embouchure de la rivière au nom amérindien de Metaberoutin, aujourd’hui nommée Saint-Maurice, qui vient des régions au Nord.
Ce lieu a un nom : les Trois Rivières qui sont en fait une seule : le Saint-Maurice. Ce cours d’eau permet de rejoindre un important axe de communication autochtone entre les Grands Lacs, le lac Saint-Jean et le Saguenay (la route du Cuivre). De plus, cette rivière rejoint des groupes amérindiens qui piègent les animaux et échangent les fourrures à des groupes intermédiaires, Montagnais et Algonquins, qui font la traite avec les Français. Champlain insiste : « Ce serait à mon jugement un lieu propre à habiter... et on pourrait promptement le fortifier, car sa situation est forte de soi ». Champlain note aussi que le climat y est plus tempéré qu’à Québec.
De plus, Champlain souhaite mettre un frein, à partir de ce site, au contrôle de la vallée du Saint-Laurent par les Iroquois qui font des raids contre les Amérindiens qui empruntent la vallée, pour le commerce. Trois-Rivières est un lieu d’échanges pelletier. C’est l’époque de la guerre continue entre les Iroquois et les Amérindiens tels les Algonquins et Montagnais.
Le mot Québec signifie détroit en Amérindien, là où le fleuve quitte la vallée pour l’estuaire, par un détroit. Alors que le découvreur saintongeais est ancré à Québec, il ne fait pas allusion à un établissement, ni ne vante la position et la situation comme il le fait pour les Trois-Rivières ; il ajoute même en marge de son texte : « Le bien que pourrait apporter l’habitation des Trois Rivières ». N’oublions pas qu’en 1603, Champlain est envoyé comme observateur par le gouverneur de Dieppe à la tête d’une association de marchands et avec l’assentiment du roi Henri IV. Il rédige aussitôt un rapport publié en livre dès le mois de novembre de la même année. Ce qu’il écrit leur est destiné en premier.

• Quelles étaient les relations de Champlain avec les Amérindiens qu’il a d’ailleurs immortalisés dans ses carnets ?

Le contexte des relations amérindiennes est fondamental. En 1603, les Français, dont Champlain, ont fait une alliance avec les Montagnais, à Tadoussac. Cette alliance leur permet de s’établir en territoire montagnais avec la promesse, qui va de soi, d’assistance dans les guerres contre les Iroquois. Québec est en territoire montagnais ; il est donc possible de s’y installer et il est assez éloigné de Tadoussac où la traite des fourrures est dominée par les Basques.
Champlain réussira comme diplomate et bâtira un solide réseau d’alliance franco-amérindienne. En 1609, Champlain ira “surprendre“ les Iroquois au lac Champlain avec les alliés amérindiens : Montagnais, Algonquins et Hurons. Québec est un “choix“ obligé surtout par l’alliance franco-amérindienne et le contrôle iroquois du Saint-Laurent. Il est alors plus un symbole de la présence française et une base de départ, puisque les lieux de traite des fourrures demeureront les mêmes après 1608. S’y ajoutera même un nouveau : le Cap de Victoire.

• Dans quel environnement vivaient les pionniers français ?

L’environnement des Français, c’est d’abord un espace immense, une forêt infinie sans horizon, avec seulement des chemins d’eau (rivières et lacs), et surtout la seule grande route du Saint-Laurent. Cet environnement évoque l’abondance. Pour s’installer, il faut toujours défricher, faire reculer la forêt et penser la distance. De plus ou d’abord, il y a un long et pénible hiver qui limite les déplacements humains et la saison végétative pour l’agriculture, mais aussi oblige à des replis sur la maisonnée et à des solidarités familiales et de voisinage. Un printemps et un automne courts, mais un été quasi-tropical humide qui “sauve“ l’hiver. Cet été donne une végétation luxuriante qui fait l’admiration de Champlain. Cela n’empêche pas, voire même encourage Champlain à rêver du chemin de la Chine. Le Saint-Laurent paraît une bonne voie de pénétration du continent nord-américain pour ce faire et aussi s’y établir...

Rendez-vous samedi 31 mai à la Halle aux vivres de Brouage (salle du jeu de paume) à 16 h 30 pour la conférence de Christian Morissonneau.
En soirée, concert country, chants québécois et feu d’artifice.

Photo 1 : Samuel de Champlain.

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