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vendredi 7 décembre 2007

Nabil Anwer : Saintongeais d'adoption,
il enseigne à Pékin...

La Chine et la France travaillent 
sur la quatrième génération nucléaire

Marié à Caroline Furet, saintongeaise dont la famille habite Expiremont, près de Montendre, Nabil Anwer, maître de conférences à l’université Paris 13 et chercheur à l’École Normale Supérieure de Cachan, dirige depuis septembre 2006 le centre franco-chinois d’Innovation en Gestion du Cycle de Vie des Produits (PLMIC) à la prestigieuse université de Tsinghua, située au cœur de Pékin. Lors de son récent voyage en Chine, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, y a d’ailleurs fait étape. Pourquoi Nabil Anwer a-t-il choisi d’enseigner en Chine, pays qui représente pour lui une expérience nouvelle dans un monde en constante évolution ? Il répond à nos questions.


Après avoir enseigné en France, voici plus d’un an que vous avez été nommé à l’université de Tsinghua à Pékin. Quelles sont les motivations qui vous ont poussé à tenter cette expérience en Chine ?

C’est tout d’abord le complément normal de la carrière d’enseignant chercheur qui nécessite en plus de collaborations fortes avec des collègues de différents pays, des séjours à l’étranger pour développer des projets bilatéraux et de favoriser des échanges d’étudiants.
La collaboration avec l’université de Tsinghua date d’un premier séjour effectué en Décembre 2004 dans le cadre de la visite d’une délégation Française à Pékin. Ce premier contact m’a permis de découvrir la Chine et surtout d’établir des contacts avec des collègues chinois de l’Université de Tsinghua. Cette visite a surtout concrétisé l’esprit de coopération Franco-chinoise en matière d’éducation et de recherche et a favorisé la création du centre Franco-chinois d’Innovation en Gestion du Cycle de Vie des Produits (PLMIC) à l’université de Tsinghua en Décembre 2005.
Au cours de mes missions à Pékin, j’ai été progressivement convaincu de tenter une expérience plus longue en Chine. Mandaté par le Ministère de l’Éducation Nationale et du réseau français en ingénierie mécanique et productique (AIP-PRIMECA), je suis depuis septembre 2006 en mission longue durée à l’université de Tsinghua en tant que co-directeur français du centre PLMIC.
Au niveau professionnel, cette expérience en Chine me permet de développer des collaborations avec des collègues chinois ainsi qu’avec des industriels français et chinois dans le cadre de projets de recherche communs. Mes activités d’enseignement à l’université de Tsinghua contribuent à diffuser le savoir et le savoir-faire français en ingénierie mécanique et permettent surtout d’apporter une nouvelle façon de diffuser les connaissances aux étudiants chinois.
Au niveau personnel, la découverte d’une nouvelle culture et d’un mode de pensée totalement différents est très enrichissante d’autant plus que je partage cette expérience avec mon épouse Caroline qui adore l’Asie en général et la Chine en particulier.




Quelles différences notez-vous entre les universités françaises et chinoises ?

La compétition pour accéder à l’enseignement supérieur en Chine est très sévère. Pendant leurs années de lycée, les élèves concentrent particulièrement leurs efforts sur la préparation du concours d’entrée à l’université ou « Gaokao ». Un échec à cet examen bouleverse les perspectives d’avenir d’un élève chinois et ruine les espoirs des parents qui y ont sacrifié leurs maigres ressources. 9,5 millions de jeunes Chinois se sont présentés aux épreuves du Gaokao en 2007 (ils étaient 5,25 millions en 2002). Malgré l’augmentation rapide du nombre de candidats, l’examen reste encore très sélectif et la garantie d’une bonne Université d’accueil dépend du résultat au Gaokao. L’étudiant n’est pas maître ni de son affectation universitaire, ni de la discipline dans laquelle il va étudier.
Les universités font l’objet de plusieurs programmes gouvernementaux visant à faire de certaines d’entre elles des établissements d’excellence susceptibles de rivaliser avec les meilleures universités mondiales. Certaines universités, comme Tsinghua ou l’université de Pékin (Beida), ont pour objectif de devenir des universités d’excellence au niveau mondial à l’horizon 2020. Le Ministère de l’Education chinois a engagé de nombreuses réformes comme la fusion entre établissements, l’élargissement des disciplines enseignées, le développement de collaborations internationales et la coopération avec des entreprises. Autour de certaines universités, se sont créés de véritables pôles scientifiques et technologiques au sein desquels se sont implantés des entreprises et groupes industriels de premier plan.
Les frais de scolarité dans les universités chinoises ne cessent d’augmenter. Ils étaient, il y a quinze ans, d’environ 200 yuans (20 euros) par année scolaire dans la plupart des universités et sont actuellement de 5 000 (500 euros) à 8 000 yuans (800 euros), voire même 10 000 yuans (1000 euros) dans les universités renommées ou pour certaines spécialités. Les frais universitaires ont été multipliés par 30 en 15 ans, tandis que le revenu annuel moyen des habitants n’a que doublé.

Pensez-vous que la France soit suffisamment représentative parmi les universités européennes qui collaborent avec Tsinghua ?

L’université de Tsinghua occupe la première place du classement national des établissements supérieurs chinois et est l’un des établissements les plus cotés de Chine. La préparation à l’intégration de cette université se commence très tôt et même depuis l’école primaire.
Fondée en 1911 comme un centre de préparation aux études supérieures aux États-Unis, elle est devenue, après une réforme en 1952, un centre très important pour la formation des ingénieurs (la majorité des quelque 30 000 étudiants de Tsinghua sont inscrits en ingénierie). Elle emploie plus de 7.000 personnes dont 2.500 enseignants (parmi lesquels une centaine de membres des Académies des Sciences et d’Ingénierie de Chine). Elle a aussi développé des relations avec plusieurs entreprises mondiales (dont une bonne partie est cotée en bourse américaine). Enfin, elle a mis en place des programmes de coopération avec plus de 100 universités de premier rang dans le monde.
Les États-Unis sont de loin le premier pays partenaire scientifique de la Chine, suivis par le Japon, l’Allemagne et le Royaume-Uni. La France est actuellement le septième partenaire de la Chine après l’Australie et le Canada. L’union européenne est la seconde destination des étudiants chinois après les États-Unis, elle en accueille 70000 dans ses universités. Les étudiants chinois sont les premiers étudiants étrangers non francophones inscrits dans une université française, et la France occupe le sixième rang des pays d’accueil (après les États-Unis, le Royaume-Uni, le Japon, l’Australie et l’Allemagne).
À l’image des collaborations chinoises avec des partenaires étrangers, l’université de Tsinghua a un partenariat très important avec les universités américaines et japonaises. Les partenariats avec les universités européennes sont aussi importantes (Royaume-Uni, Allema-gne, Pays-Bas et France).
L’université de Tsinghua développe des collaborations avec des établissements français de prestige (École Polytechnique, École Normale Supérieure, École des Mines de Paris, Écoles Centrales, Sciences Po, HEC et Université Paris 11). De nombreux programmes d’échanges d’étudiants ont été mis en place. Actuellement plus de 20 étudiants français sont en semestre d’échanges et/ou en double diplôme avec l’université de Tsinghua.
Le développement de centres franco-chinois à l’université de Tsinghua témoigne aussi de la dimension de collaborations scientifiques de haut niveau (Centre franco-chinois de mathématiques avec l’université Paris 11, Centre franco-chinois de l’environnement et de l’énergie avec l’école des mines de Paris et l’INSA de Lyon, Centre franco-chinois d’Innova-tion en Gestion du Cycle de Vie des Produits, Antenne en sciences sociales et humaines avec Sciences Po).

Tsinghua a la particularité d’être située près de pôles économiques importants, Google, Microsoft, etc. Cette proximité offre-t-elle de véritables débouchés professionnels aux étudiants ?

Dès le début des années 1980, la Chine a multiplié la création de parcs technologiques, incubateurs scientifiques et zones de développement technologique.
Le parc de Zhongguancun, à proximité des universités de Pékin, de Tsinghua et de nombreux centres de recherche de l’Académie des Sciences, est le plus important parc technologique chinois (le Silicon Valley de la Chine !). Il regroupe 15.000 entreprises de hautes technologies (dont 2.500 fondées par des Chinois diplômés de l’étranger), une quarantaine d’universités, 130 instituts de recherche et 50 centres de R&D de multinationales (HP, IBM, Nokia, Sony, Toshiba, Samsung, Sun, Microsoft, Google). Près de 500.000 personnes y travaillent.
Cette proximité entreprise-université offre des débouchés professionnels aux étudiants et la concurrence entre les entreprises pour recruter les meil-leurs étudiants est très importante. Plusieurs étudiants de l’université de Tsinghua sont recrutés par des Multinatio-nales avant la fin de leurs études et avec des salaires très importants.
Ces parcs technologiques permettent aussi des activités de transfert de résultats de recherche fondamentale des universités vers des applications industrielles favorisant ainsi la création de PME innovantes par des étudiants et professeurs d’universités.


Nicolas Sarkozy vient de signer d’importants contrats avec la Chine dont deux réacteurs nucléaires nouvelle génération. Cela va-t-il renforcer la coopération scientifique universitaire entre les deux pays ?

Le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) forme, depuis une vingtaine d’années, des techniciens, ingénieurs et chercheurs dans le secteur nucléaire, un domaine stratégique pour la Chine qui prévoit une forte augmentation du nombre de ses centrales nucléaires, et a donc besoin de formation de personnels.
L’Institut national des Sciences et Techniques nucléaires a déjà établi une collaboration avec l’Institut nucléaire et des nouvelles énergies (INET) en génie atomique. L’université de Tsinghua est déjà très active dans le domaine nucléaire à travers son programme de réacteur de quatrième génération. Les collaborations avec le CEA et AREVA sont déjà très développées.
La signature des contrats des réacteurs nucléaires avec la Chine va renforcer encore plus la coopération scientifique universitaire avec la France dans le domaine du nucléaire.

Propos recueillis par Nicole Bertin

Merci, Nabil Anwer, et à bientôt pour les Jeux Olympiques de Pékin, le 8 août 2008 (le 8 est le symbole de prospérité en Chine, comme l’a rappelé l’excellente émission des Racines et des Ailes diffusée mercredi de la Cité Interdite) !

Photo 1 : Nabil Anwer devant l’une des portes de l’université de Tsinghua.

Photos 2 et 3 : C’est dans ce superbe bâtiment de l'Université que sont accueillis les “nobles“ visiteurs étrangers. Plusieurs Chefs d’État français y sont venus.

Photo 4 : À proximité de l’université de Tsinghua, se trouvent les grandes tours de Google, Microsoft. Bref, un secteur économique important est situé près des facultés.

Les Chinois se mettent à l'anglais !

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